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LES
LITTÉRAl'URES POPULAIRES
DE
TOUTES LES 'K.ATIONS
TRADITIONS, LÉGENDES
CONTES, CHANSONS, PROVERBES, DEVINETTES
SUPERSTITIONS.
TOME XLV
PARIS
J. MAISONNEUVE, ÉDITEUR
6, KbE DE MÉZièRES, ET RUE MADAME, 26
1902
Nouvelle adresse
8, RUE DU SABOT, PARIS-V?
LE FOLK-LORE
DK LA
BEAUCE ET DU PERCHE
OUVRAGES DU MÊME AUTEUR
Au Pays de l'Esclavage (Mœurs et cou-
tumes de r Afrique centrale), i vol.
Le Roman d'une Enfant trouvée, i vol.
Le Folk-lore de la Be^uce et du Perche
2 vol.
EN PRÉPARATION :
Souvenirs de l'Année terrible en Beauce
(1870-1871.)
^¥^iA*
LE FOLK-LORE
DE LA BEAUCE
ET
DU PERCHE
PAR
Félix CHAPISEAU
TOME I
PARIS
MAISONNEUVE, ÉDITEUR
Noi;vEi.t.E Adresse
, RUE DU SABOT, PARIS-Vl-
AVANT-PROPOS
O mon "Pays, sois mes amours,
Toujours.
QlATliLTJ BRIAND .
ORSQ.IJE j'eus ridée — il y a bien
dos années déjà — d'étudier et de
rassembler les traditions de la
'. Beauce et du Perche, mon in-
tention était de les réunir en un petit volume,
et je me mis à l'œuvre aussitôt. Mais au
fur et à mesure des recherches l'horizon
s'éloigna, le champ 5'élargit. Aux nombreuses
coutumes, croyances et superstitions qui
constituent l'ensemble de l'Ethnographie tra-
ditionnelle, il fallut adjoindre les légendes,
contes, chansons, dictons, etc., qui com-
posent la Littérature orale. De sorte que
I
II AVANT-PROPOS
la tâche devint beaucoup plus longue, plus
laborieuse, plus ardue qu'elle ne m'avait
paru l'être tout d'abord.
Le Foîk'Lore, cette science nouvelle, em-
brasse, en effet, la vaste et mystérieuse éten-
due du souvenir ; il soulève des problèmes
d'une complexité inouïe quant à l'origine
des faits relatés. Pour mener à bonne fin une
œuvre de cette portée, il faudrait être à la
fois historien, archéologue, critique et con-
teur. Or, simple chroniqueur, j'ai une ambi-
tion plus modeste qui peut se définir ainsi :
recueillir avec un soin jaloux des choses sur
le point de disparaître ou disparues déjà ; les
rapporter fidèlement ainsi que tout ce qui
s'est dit et se répète encore dans les chau-
mières ; les exposer avec méthode et clarté ;
les sauver de l'oubli.
La plupart de nos anciennes provinces —
notamment les plus éloignées du berceau de la
France — ont fourni ample matière aux au-
teurs amateurs de Littérature populaire, La
Picardie, la Franche-Comté, la Gascogne, la
Bretagne.... ont offert une mine inépuisable
aux chercheurs. On serait tenté de croire
AVANT-PROPOS III
que la Beaucc et le Perche, parce que situés
aux portes de Paris, sont dépourvus de ces
coutumes étranges, de ces chansons naïves,
de ces croyances superstitieuses, de ces
légendes et de ces contes populaires qui font
la joie des folk-loristes. Ce serait une erreur.
La source des traditions beauceronnes et per-
cheronnes est féconde : elle se perd 'dans
l'antiquité et elle a été largement alimentée,
jusqu'ici, par les mœurs, les goûts de nos
aïeux. Mais le cours ininterrompu du temps
et l'œuvre de la civilisation effacent fatale-
ment le passé et détruisent ou régénèrent
sans cesse les usages de chaque époque. Il
était donc utile et intéressant de remonter le
cours des siècles pour reconstituer les tradi-
tions de nos ancêtres.
Il est, à côté de l'histoire proprement dite,
une foule de faits qui lui échappent, parce
que secondaires. Ce sont ces derniers que j'ai
cherché à glaner afin d'intercaler, entre les
pages de la grande histoire, quelques feuillets
d'histoire locale relatifs au sol carnute, et de
les transmettre aux générations futures.
Le récit historique repose, il est vrai, sur
IV AVANT-PROPOS
des faits avérés^certains ; tandis que le récit lé-
gendaire, basé sur un fonds de vérité, sur un
événement local, a été, en traversant les âges,
altéré, amplifié, nuancé suivant l'imagination
des narrateurs. Mais notre histoire nationale,
pour les siècles antérieurs à la renaissance des
lettres, n'a-t-elle pas été, elle-même, compo-
sée à l'aide de traditions recueillies et agré-
mentées par des écrivains naïfs et superstitieux ?
Certains faits cités dans cet ouvrage paraî-
tront difficiles à expliquer ; je ne m'en char-
gerai pas, le rôle que je me suis assigné con-
sistant à rapporter et non à commenter.
C'est à cette fin que j'ai rassemblé, avec une
pieuse sollicitude, tous les souvenirs épars
qui se rattachent à notre sol et constituent le
Folk'Lore de la Beauce et du Perche,
Quelques-uns de ces souvenirs puisent
vraisemblablement leur origine dans les
mœurs les plus primitives ; — les plus nom-
breux peut-être remontent aux Gaulois qui
avaient pour temple les forêts, pour autel
des blocs de pierre bruts, pour culte l'ado-
ration des puissances naturelles : -r certains
nous reportent aux premiers siècles de notre
AVANT-PROPOS
ère où les chrétiens étaient encore à demi
païens ; — d'autres nous rappellent le moyen-
âge, époque de naïve ignorance et de foi ar-
dente, hantée des phénomènes du mystérieux,
imbue du merveilleux ; — d'autres enfin sont
nés des guerres civiles, religieuses ou étran-
gères (cause de misère générale, d'épidémie,
de destruction), en des temps plus rapprochés
de nous, où les mœurs étaient déjà moins
rudes, l'intelligence plus ouverte*
Mais, quelle que soit leur origine, ces lé-
gendes merveilleuses et apocr}^phes, ces
contes prodigieux et terrifiants constituent,
avec les usages et les coutumes, les chaînons
de l'immense chaîne de la vie qui nous rat-
tache au passé ; ils se sont transmis de généra-
tion en génération à la veillée commune.
Primitivement les caves étaient les lieux
choisis pour ces assemblées nocturnes, ap-
pelées Veillées ou Veillons ; depuis plusieurs
siècles elles se tiennent dans Tétable. C'est
là que, pour occuper les longues soirées
d'hiver, les paysans beaucerons se réunis-
saient pai; groupes de trois ou quatre mé-
nages : hommes, femmes, vieillards, enfants.
Vr AVANT-PROPOS
Un coîn, proprement entretenu et tapissé de
paille fraîche, était réservé aux veilleurs. Fi-
chée dans un énorme chandelier de bois,
une seule chandelle, apportée alternativement
par chaque famille, projetait sur l'assemblée
sa lumière jaunâtre. Les femmes teillaient le
chanvre, filaient ou tricotaient. Les hommes
prenaient place, qui sur des bottes de paille,
qui dans le râtelier des vaches. On devisait
gaîment au milieu du léger cliquetis des ai-
guilles qui s'entrecroisaient prestement, gui-
dées par les mains alertes des tricoteuses.
Puis on chantait de vieilles romances, des
complaintes, des cantiques ; enfin on racon-
tait des légendes naïves et merveilleuses ou
des contes extraordinaires qui jetaient la
frayeur dans la réunion.
Tout le monde écoutait dans un profond
silence ces histoires terribles de loups-garous
courant à travers la plaine ; de revenants
jetant à pleines mains des malédictions ; de
sorciers semant partout la ruine et la mala-
die ; de diables, couverts de poils noirs, ap-
paraissant toujours armés de longues cornes
et de fourches menaçantes. Les cheveux se
AVAXT-PROPOSr VII
dressaient, les yeux étaient hagards, les traits
altérés, les cœurs palpitants L'heure du
repos ayant sonné, la sortie s'effectuait, et
les enfants, terrifiés, se cachaient sous le
tablier de leur mère en regagnant le logis.
La nuit, leurs rêves étaient peuplés de
monstres effroyables.
Un souvenir vivace m'est resté de ces réu-
nions où, tout enfant, j'ai pu recueillir sur
les lèvres de nos aïeuls, parmi le tissu de
ces histoires fantastiques, leurs préjugés et
leurs croyances. Un grand nombre de ces
croyances sont absurdes : elles n'en sont que
plus tenaces ; elles font comme partie de
l'air ambiant. C'est faire œuvre doublement
utile, de les fixer au passage pour en conser-
ver le souvenir à nos fils, et de les signaler
pour les détruire chez ceux de nos contem-
porains qui les pratiquent encore.
Les veillées d'autrefois ont donc le mérite
d'avoir perpétué jusqu'à nous les traditions
populaires. Celles du samedi étaient de beau-
coup les plus fréquentées et les plus joyeuses :
les jeunes gens y étaient admis ; elles se ter-
minaient par des jeux, des devinettes et
VIII AVANT-PROPOS
d'autres amusements innocents. Mais l'hiver
seul, avec ses froides et longues soirées, favo-
risait ces réunions ; vers Pâques, le paysan,
reprenant sa vie au grand air, était contraint,
par ses rudes travaux, à se coucher de bonne
heure : les veillées cessaient jusqu'à la Tous-
saint prochaine.
Aujourd'hui, les veillées ont presque dis-
paru, et, avec elles, les traditions orales où
elles avaient pu si librement s'épanouir. Les
moeurs se sont modifiées : l'industrie a en-
vahi les gros bourgs ; on est devenu amou-
reux de son chez soi ; et si, le soir, le paysan
et sa famille veillent autour de la lampe
moderne, ce sont les Nouvelles diverses et les
drames du Roman- Feuilletott^ lus dans le jour-
nal du jour, qui font les frais de l'entretien :
contes et légendes d'antan, ces « vieilleries »,
sont mis au rang des vieilles lunes.
Cette étude d'après nature offre un charme
puissant, un intérêt passionnant. Mais pour
saisir exactement les nuances des expressions,
interpréter le sens des idées, dégager l'es-
prit de la population d'une contrée, il faut
être soi-même enfant du pays, y avoir long-
AVANT-PROPOS IX
temps vécu, en bien connaître les mœurs et
les traits distinctifs du caractère des habitants.
Pour mener à bien un tel travail, il faut
avoir, comme but, un pieux devoir à rendre
au pays natal, car la tâche est complexe :
elle nécessite de patientes et pénibles re-
cherches dans le trésor poudreux des archi-
ves et des vieux parchemins, des manuscrits
et des imprimés. J'ai puisé à pleines mains
dans les richesses de la Bibliothèque natio-
nale, grâce à l'obligeance d'un bon et savant
axi.J'ai fait appel aux liens de vieille amitié
de compatriotes qui m*ont adressé leurs sou-
venirs ou des documents. Je suis heureux de
leur offrir ici le tribut de mon affectueuse
reconnaissance.
Puisque j'expose les sources auxquelles j'ai
puisé, le moment est venu d'indiquer les au-
teurs que j'ai mis le plus souvent à contribu-
tion. Dans un travail de cette nature, l'usage
impose à l'écrivain qu'il produise des notes jus-
tificatives, sous peine de voir mettre en doute
la véracité de ses affirmations. Je m'y suis
conformé pour les faits dont la source était
unique ; mais je me suis abstenu lorsque les
AVANT-PROPOS
renseignements émanaient de deux ou même
de trois sources -différentes sans pouvoir dis-
cerner à laquelle revenait la paternité et lors-
que ces renseignements venaient confirmer
ma propre enquête ou mes souvenirs per-
sonnels.
Je dois dire que j'ai trouvé des documents
précieux dans les travaux érudits et conscien-
cieux de MM. de Boisvillette, Coudray-Mau-
nier, Ad. Lecocq, A. S. Morin, J.-B. Thiers.
Les lecteurs de xet ouvrage profiteront des
recherches de ces savants en même temps
que des miennes, car je leur ai fait de nom-
breux emprunts.
On ne peut tout voir, tout savoir, et, pour
reconstituer fidèlement le passé de nos pères,
les matériaux écrits ne suffisent pas. Pour
être complet, il faut aller recueillir sur place
les traditions locales, parcourir chaque com-
mune, chaque village, explorer les lieux répu-
tés, faire entrer en scène les vieux paysans.
Chaque année, j'ai fait de nombreuses
excursions à travers la Beauce et le Perche,
afin de glaner quelques nouveaux renseigne-
ments et grossir ma récolte. J'ai amené les
AVANT-PROPOS XI
vieillards à me raconter ce qu'on pensait, ce
qu'on croyait, ce qu'on disait au temps de
leur jeunesse. J'ai interrogé nombre de Beau-
cerons beauceronnant, de Percherons per-
cheronnant, n'ayant jamais perdu de vue
leur clocher. Or, capter leur confiance n';i
pas toujours été pour moi chose facile. Le
paysan est peu expansif ; il est méfiant en
général, et, en matière de croyances et de
superstitions, la plus grande prudence est
nécessaire si l'on veut lui arracher quelques
anecdotes. Il faut savoir en écouter patiem-
ment cinq ou six, sans aucun sens, pour arri-
ver à un récit intéressant. J'ai rarement fait
de démarches vaines.
En résumé, je n'ai eu d'autre but en écri-
vant cet ouvrage que celui de conserver
quelques traces des traditions ancestrales,
avant que notre esprit sceptique ne les ait
laissé disparaître. L'heure est arrivée de
moissonner ces richesses populaires, car les
vieillards s'en vont, emportant avec eux le
trésor du passé.
Après avoir présenté les fontaines sacrées,
les monuments mégalithiques, les arbres vé-
Xn AVANT-PROPOS
nérés avec le cortège des cro}'ances, des cou-
tumes et des légendes qui s'y rattachent ;
après avoir constaté la superstition sous toutes
ses formes, je pénétrerai dans les intimes
détails de la vie beauceronne et percheronne :
chansons maternelles qui bercèrent nos pre-
miers ans, jeux de l'enfance, fêtes, coutumes
relatives à la jeunesse, au mariage, à la mort.
La tradition orale et quelques curiosités lo-
cales seront aussi sauvées de l'oubli.
Tels sont les éléments dont se composent
les deux volumes de mon ouvrage.
J'avais commencé, à l'aide de renvois, par
rapprocher les traditions de nos contrées, de
celles des autres provinces ; j'ai dû renoncer
à ces rapprochements tant ils sont nombreux.
Un autre volume eût été nécessaire et le tra-
vail incomplet. Il en résulte toutefois, qu'a-
vec des variantes, la France a un fonds com-
mun de coutumes, de traditions et de supers-
titions.
Un dernier mot au sujet des signes abré-
viatifs employés dans cet ouvrage.
Il est, dans bien des cas, matériellement
impossible de préciser exactement les pays
AVANT-PROPOS XIII
OÙ se pratiquent tels usages. Notre division
administrative de 1790 n'a eu sur eux aucun
effet : ils franchissent les limites des cantons,
des arrondissements, des départements, of-
frant ici une lacune, pour se retrouver plus
loin en pleine vigueur ou avec des variantes
insignifiantes. Il était utile néanmoins d'indi-
quer la limite approximative de leur pratique ;
je l'ai fait de la manière suivante :
B. signifie Beauce; P., Perche; E.-L., Eure
et-Loir; L., Loiret ; L.-C, Loir-et-Cher
S.-O., Seine-et-Oise.
Tout ce qui m'a paru d'une pratique géné-
rale à la fois dans la Beauce et dans le
Perche ne porte aucun signe.
F. C
PREMIÈRE PARTIE
PREMIÈRE PARTIE
PREMIÈRE PARTIE.
AUTREFOIS. — AUJOURD'HUI
La Beauce et le Perche.
Les Beaucerons et les Percherons.
Types. — Mœurs. — Patois.
VAXT de rapporter les traditions,
les coutumes et les croyances de
la Beauce et du Perche, jetons un
coup d'œil sur l'aspect qu'offraient
autrefois ces contrées, et sur les mœurs de
leurs habitants.
La Beauce- actuelle ne ressemble plus à la
Beauce préhistorique ; tout y est différent :
le pays, le climat, les hommes. Cette im-
mense plaine, aujourd'hui si nue, habitée par
des gens paisibles et laborieux, était couverte
de vastes forets qu'éclaircissaient çà et là des
2
l8 FOLK-LORE DE LA BEAUCE
landes hérissées de rochers. Des barbares no-
mades et sauvages y stationnaient, pour la
quitter et y revenir ensuite. Ils vivaient dans de
misérables huttes au toit conique qu'ombra-
geaient les branches des chênes séculaires,
ou dans des cavernes. C'est de ces tanières,
dont l'ouverture était masquée par d'énormes
pierres, que nous viennent les noms de
Chartres et de Caruutes (i). Chartres portait
encore au moyen âge le nom de Ville-des-
Pierres,
La Gaule Celtique, suivant César, occupait
le centre de la Gaule. La grande cité des
CarnuteSy située dans la partie appelée « Gaule
chevelue » , à cause de la longue chevelure
que portaient ses habitants, exerçait une in-
fluence prépondérante sur la Gaule Celtique.
Sa capitale, Autricum, possédait, sur Tem-
(i) Hutes, maisons. — Car us y Cairn, Caiern,
rochers ou pierres.
ET DU PERCHE I9
placement actuel de la cathédrale de Chartres,
un des sanctuaires les plus vénérés du culte
druidique : là se tenait l'assemblée générale
annuelle des Druides, regardés et respectés
comme des oracles infaillibles.
Aune certaine époque de Tannée, les Druides
se transportaient à l'extrême frontière du pays
{ïn Jinibus Carnutuin)^ et là, au milieu des
pierres sacrées, s'érigeaient en tribunal pour
juger les différends des Gaulois. La cité car-
nute était également le lieu de réunion des
députés de la Gaule, qui discutaient les ques-
tions d'un intérêt général.
Il fallut dix années aux légions romaines
pour soumettre la Gaule (i); et le pays Car-
nute, patriote et fanatique, fut considéré par
César comme un foyer de complots, comme
le point de départ des soulèvements, et le
centre de la résistance. Après une lutte inouïe,
des souffrances atroces, les Carnutes deman-
dèrent à traiter : leur soumission entraîna
celle de toutes les cités de TOuest.
Le territoire dépendant île la cité des Car-
(i) De 58 à 49 avant J.-Cf
20 POLK-LORE DE LA BEAUCE
nutes était très étendu. Il serait représenté
aujourd'hui par le département d'Eure-et-
Loir ; les arrondissements d'Etampes, de
Rambouillet, de Mantes et de Versailles (S.-
ct-0.) ; les arrondissements d'Orléans et de
Pithiviers (Loiret) ; l'arrondissement de Ven-
dôme (Loir-et-Cher); et quelques cantons de la
Sarthe et de TOrne, limitrophes d'Eure-et-Loir.
Jusqu'à l'invasion romaine, les Carnutes
étaient gouvernés par des chefs, ou rois, in-
vestis d'un pouvoir civil et militaire, et élus
par une sorte de sénat. C'est pendant l'occu-
pation romaine que commencèrent les défri-
I chements de la Beauce, suivis de la culture
de la vigne et des céréales. Au milieu de
leurs immenses forêts, les Carnutes vivaient
bien plus de la chasse que de la culture.
Au III« siècle, la Beauce fut rattachée à la
quatrième division Lyonnaise dont Sens était
la métropole. Au VI<^ siècle, les fils dcClovis
(^partage de 5 1 1) firent d'Orléans un royaume.
Il v eut la Beauce chartraine et la Beauce or-
Icanaise qui, après avoir appartenu à des mai-
sons différentes, rentrèrent, sous Philippe VI,
dans le domaine r.oyal.
t
ET DU PERCHE 21
Si Ton joint à ces vicissitudes les querelles
des princes mérovingiens et carolingiens, les
guerres que les seigneurs se faisaient entre
eux ou soutenaient contre le pouvoir royal,
l'invasion normande, la guerre de Cent ans,
les dîmes excessives imposées aux paysans et
en particulier celle qui portait le nom de
Champart de Beauce (une gerbe sur six), on
comprendra l'état de trouble et de misère au-
quel fut amené ce pays qui doit à sa fertilité
le nom de Grenier d'abondance de la France,
Les Beaucerons curent tant à souffrir sous
l'ancien régime qu'ils acceptèrent avec en-
thousiasme les idées nouvelles, en 1789, et
demandèrent des premiers, dans leurs rcmâT"
quahlcs Cahiers de doléances, Vunitî;^ de l'im-
pôt et l'abolition des droits féodaux.
* *
Chez nos ancêtres, les Gaulois, les puis-
sants seigneurs n'existaient pas : ils vivaient
sous le régime de l'égalité. Aux premiers
22 FOLK-LORE DE LA BEAUCE
•
temps du christianisme, le clergé était pauvre.
Etant en général plébéiens, les prêtres proté-
gèrent le peuple contre les barbares envahis-
seurs. Cependant, parmi les envahisseurs,
peu à peu une caste particulière se forma,
émergea au-dessus du peuple ; cette caste
devint assez puissante pour s'arroger des
droits particuliers qui devinrent les droits
du seigneur. A la faveur des croisades, le
clergé acquit certains de ces droits, et voici
comment : ayant besoin d'argent pour partir
en Terre-Sainte, les seigneurs, pour s'en pro-
curer, engagèrent leurs châteaux et leurs
I biens aux monastères. Parmi les croisés, les
I uns moururent, les autres ruinés ne purent
rembourser les sommes empruntées ; les mo-
nastères restèrent propriétaires des biens et
les moines devinrent ainsi seigneurs terriens.
De ce jour, peuple et clergé perdirent con-
tact, celui-ci opprima celui-là. Ce fut l'âge
d'or, l'époque idéale pour deux classes pri-
vilégiées, la noblesse et le clergé, dont les terres
étaient exemptes d'impôt. Ce fut le temps de
l'esclavage pour le peuple qui voyait ses
charges augmenter sans cesse, en môme
ET DU PERCHE 23
temps que se multipliaient les abus et les
vexations de toute sorte.
De ces abus qui se perpétuèrent jusqu'au
XVI II<^ siècle, les Cahiers de doléances, plaintes
et remontrances de 178^, nous exposent un ta-
bleau émouvant. Ces cahiers furent rédigés,
en vertu des lettres-patentes de Louis XVI
du 24 janvier 1789, à l'occasion de la con-
vocation des Etats-Généraux. C'est avec un
respect mêlé d'émotion que l'on parcourt ces
pages écrites sans art, mais inspirées par le
sentiment de l'amour du bien public.
Toutes les paroisses beauceronnes et per-
cheronnes dévoilent là leurs misères, énu-
mèrent leurs doléances si légitimes : mau-
vaises récoltes, cherté des grains, impôt sur
le sel ou gabelle, terres seigneuriales impro-
ductives parce que plantées en bois ,
couvertes de landes, ou en friches, taille
arbitraire et écrasante, corvées exorbitantes,
champart, dégâts faits par le gibier, les pi-
geons, etc.
Ces revendications furent d'ailleurs ainsi
résumées aux Etats-Généraux par un député
du bailliage qui demandait la suppression
I
24 FOLK-LORE DE LA BEAUCE
des pigeons, des lapins et des moines : « Les
premiers nous mangent en grain, les seconds
en herbe, et les troisièmes en gerbe. »
En ce temps-là, les paysans beaucerons
n'avaient pas même la liberté de se ser\ir des
instruments connus, ils remuaient la terre
avec la bêche ou la fourche. Les grandes cul-
turcs seules faisaient usage de la charrue at-
telée de vaches, de bœufs ou de chétifs che-
vaux. Bien que la faux existât déjà, la mois-
son des céréales devait s'opérer à l'aide de la
faucille. Un arrêt du Parlement de Paris du
2 juillet 1786 rappelait qu'il était expressé-
ment défendu de couper les blés avec la faux
sous peine de deux cents livres d'amende, et
le double en cas de récidive. C'est seulement
depuis 1800 que les cultivateurs delà Beauce
s'enhardirent à faire usas:e de cet instrument
pour couper les blés.
Aussi une révolution devait-elle fatalement
ET DU PERCHE 25
arriver ; elle fut brutale, féroce, sanglante :
naturelles représailles d'un peuple trop long-
temps opprimé et méprisé. Lorsque Ton con-
sidère l'état de détresse de nos ancêtres, on
se sent ému de compassion et Ton bénit cette
Révolution qui, si elle a laissé de lugubres
souvenirs, a aboli tant d'abus.
*
* *
La Beauce du XVIIL" siècle était une sub-
division territoriale présentant 30 lieues de
longueur, entre Etampes et Blois, et une
largeur de 22 lieues entre Dreux et Orléans ;
elle avait pour bornes : au nord, le Thime-
rais, le Drouais et le comté de Montfort ; à
l'est, le Gâtinais ; au sud, l'Orléanais et le
Vendômois ; à l'ouest, le Perche-Gouct et le
Grand-Perche. La Révolution, pour consti-
tuer le département d'Eure-et-Loir, prit, dans
la province de l'Orléanais, les pays Chartrain
et Dunois ; dans celle de rilc-de-Erancc, le
Drouais et le Thimerais; dans celle de Nor-
26 FOLK-LORE DE LA BEAUCE
mandie, le Crand-Perche et le Perche-Gouët.
Le département d'Eure-et-Loir n'est donc
que le noyau central de l'ancien pays carnute,
c'est pourquoi les documents recueillis dans
cet ouvrage embrassent et la Beauce tout
entière et le Perche dont les coutumes et les
traditions ont, par là mcme, une commune
origine.
La nouvelle division territoriale de 1^ France
en départements tendait principalement à
réaliser l'unification de l'esprit français. Ce
but fut atteint : les rivalités d'antan ont cessé.
Les populations de la Beauce et du Perche,
de môme que celles de chacune des anciennes
provinces, présentaient des types nettement
caractérisés. A l'aurore du vingtième siècle
les caractères physiques de ces types d'autre-
fois ont eux-mêmes disparu.
Actuellement, Beaucerons et Percherons
sont encore de tempérament bien différent ;
mais, s'ils offrent toujours quelque dissem-
blance dans la physionomie, le temps ne
tardera pas à mélanger et à unifier complè-
tement les races. Les caractères physiques
propres à chacune d'elles nous sont conservés
ET DU PERCHE 27
par la peinture, la gravure, les médailles;
n'est-il pas utile de fixer aussi les traits de leur
mentalité pour les transmettre aux générations
futures ?
*
* *
Combien d'écrivains, nés Parisiens ou Gas-
cons, ont écrit sur la Beauce ! Ils ont donné
leurs impressions sur cette contrée pour
l'avoir traversée à la remorque d'une loco-
motive ou pour l'avoir habitée pendant
quelques jours. Zola, dans La Terre, a déna-
turé les moeurs, défiguré le caractère du Beau-
ceron. 11 croyait encore l'analyser qu'il le
déformait. Pendant son court séjour (3 jours)
sur les confins du Vendômois et du pays
Dunois, il a pu voir plusieurs types rares,
surprendre des scènes libres, entendre des
propos rabelaisiens ; il en a aussitôt conclu du
particulier au général : son exagération habi-
tuelle et son naturalisme outré ont fait le reste.
D'ailleurs, (et il l'a dit lui-même) en écri-
vant La Terre, Zola n'a pas voulu dépeindre
I
28 FOLK-LORE DE LA BEAUCE
spécialement le paysan beauceron, mais le
Paysan ; et son paysan n'est pas s/eulement
français, il est humain. Le romancier est forcé
de pousser à l'extrême, d'aller jusqu'à l'excep-
tionnel. 11 a pris partout, comme des traits de
caractère, les éléments d'une intrigue ; il a
fait une synthèse du tout et l'a située sur
un point quelconque du sol français : le cadre
seul de La Terre est beauceron.
D'après lui, d'après d'autres psychologues
superficiels ou de parti-pris, le Beauceron
est égoïste, avare et froid. Oui, ces défauts
existent en Beauce, mais limités à ce que l'on
appelle la a vieille culture », cette nouvelle
aristocratie, qui selon le dicton populaire
« tondrait sur un œuf et vous marcherait sur
le corps sans crier : gare ! » Mais ils ont jugé
faussement le « petit paysan » et transformé
en graves défauts ses meilleures qualités : son
calme, son économie, sa réserve. En creu-
sant, chaque jour, le dur sillon, le Beauceron
a appris l'opiniâtreté ; il s'est trempé un carac-
tère particulier : il est devenu pondéré, dur
à la souffrance, réfractaire à la fatiijue. Sa vie
active et résignée est faite de privations et le
ET DU PERCHE 29
temps des moissons, sous les feux ardents du
soleil, est la rude école du labeur.
La crise économique que traverse la France
sévit en Beauce dans toute son intensité, et,
si ce pays est toujours l'ancien « grenier de la
France », ses coffres-forts sont vides ; sa pros-
périté légendaire n'est, malheureusement pour
les habitants, qu'une simple légende. Malgré
tout, l'objectif du Beauceron est d'acquérir
un « lopin de terre » afin de le léguer à ses
enfants. On peut dire de lui qu'il est « l'amant
laborieux de la terre », et, cet amour du sol
l'ayant rendu chicanier, il s'ingénie en toutes
circonstances à gagner sur son voisin quelques
pouces de terre.
*
* *
La Beauce est un vaste plateau calcaire,
sans bois, presque sans cours d'eau ; son sol
uni est d'une fertilité remarquable. A part
cette fertilité, avec ses plaines immenses et
uniformes, ses interminables rubans blancs
et poussiéreux que sont ses routes, ses clo-
i 30 FOLK-LORE DE LA BEAUCE
i:l ■ ^
. ;ij chers et ses tours presque semblables, ses
! villages aux toits de tuiles, ses hameaux aux
j toits de chaume, son soleil brûlant, elle offre,
.j par sa désespérante monotonie, l'aspect d'un
j vaste steppe désolé. En raison même de sa
fertilité, le sol beauceron est divisé à l'infini
i quoique la grande culture y' domine encore.
Le goût de la propriété chez le paysan est
•^--, aussi une des causes du morcellement.
Chaque pays a sa beauté particulière, son
charme spécial. La Bcauce n'est pas totalement
dépourvue de poésie. Son aspect est riant sous
la verdure du printemps et on sent passer en
lii soi un frisson indéfinissable en écoutant le
JH* refrain annuel de ses frémissantes moissons.
* *
Il y a une analogie étroite entre les qualités
et l'aspect du sol, et ceux de ses habitants :
le sol de Beauce est uni, calme, régulier ; le
climat est doux, sain, tempéré : le Beauce-
ron possède ces qualités auxquelles vient s'ad-
ET DU PERCHE 3I
joindre un esprit exact, régulier, un peu mé-
ticuleux. Ses mœurs sont douces et son com-
merce facile. Il est né pour son sol et le sol
est comme fait pour lui. La vente des récoltes
Ta rendu commerçant ; dans les transactions
il est honnête et loyal. Il est envers son pro-
chain quelque peu railleur et médisant, mais
charitable. Il possède des facultés adminis-
tratives bien connues et des qualités hospita-
lières niées à tort par ses détracteurs. Le pas-
sager miséreux a toujours reçu à la ferme un
franc accueil, une bonne soupe et son gîte
dans rétable.
Le Beauceron est rabelaisien ; son langage
est cru, ainsi que l'attestent nombre de dic-
tons recueillis dans cet ouvrage. Il a l'esprit
vif, et cette finesse s'accentue en se rappro-
chant d'Orléans. On dit d'ailleurs d'un Du-
nois : Il est de Châteaudun, il entend à demi mot»
Au physique, le Beauceron est robuste, de
taille moyenne ; les proportions sont harmo-
nieuses, la carnation saine, au teint le plus
souvent hâlé par le chaud soleil ; les traits
sont réguliers, peut-être un peu durs; les yeux
ont un regard direct qui dénote la fran-
32 FOLK-LORE DE LA BEAUCE
chise, presque la rudesse ; la voix est forte ; le
geste est large et hardi. Il a la démarche lente
du paysan qui suit la charrue. Il est sobre ;
l'eau est sa boisson habituelle : il la relève,
en été, d'une pointe de vinaigre. Pendant la
moisson seulement, l'usage du vin est général.
Le Beauceron a cette piété routinière qui
tient surtout aux habitudes traditionnelles,
et il a conservé, comme on le verra plus loin,
un certain nombre des pratiques supersti-
tieuses de ses ancêtres. Chaque jour voit ce-
pendant disparaître et ses préjugés et ses
croyances chimériques au loup-garou, aux
feux-follets, aux revenants et aux sorciers.
Les assemblées réunissent les familles ; si
elles durent moins longtemps qu'autrefois,
par contre, elles ne se terminent plus par ces
rixes qui éclataient entre jeunes gens de vil-
lages voisins. Le Beauceron aime moins la
danse que le Percheron. Exception faite pour
Chateaudun et ses environs, on se livre rare-
ment à cet exercice en dehors des assemblées
DU des foires importantes. Il est médiocre
chanteur et jusqu'ici peu musicien.
La lonce des domestiques de fermes se fait
ET DU PERCHE 33
à la Saint-Jean et à la Toussaint. Ils sont très
bien nourris si l'on compare leur nourriture
à celle d'il y a un siècle qui était comptée
trois sous par jour. Ils n'ont plus ce pain
noir, ce morceau de galette de sarrasin ni
cette soupe appelée caudé, (ce caudé n'était
autre que le lait écrémé, conservé d'une sai-
son à l'autre dans un énorme tonneau posé
debout dans le cellier).
Le costume d'alors était à Tunisson de la
nourriture : été comme hiver, il se compo-
sait d'une veste et d'une culotte de grosse
toile. Les pieds étaient nus dans les sabots
garnis de paille. Les souliers et le droguei ou
telofj (étoffe moitié laine et moitié fil) étaient
des objets de luxe que les paysans voyaient
aux gens riches.
Le Beauceron a conservé jusqu'au milieu
du siècle dernier la simplicité patriarcale de
ses aïeux : langage, mœurs, traditions. Depuis
lors, les modes surannées ne sont plus en
usage, même parmi les vieillards. On ne ren-
contre plus le lourd habit bleu à grandes
basques sous lequel trois ou quatre vestes
étaient boutonnées les unes sur les autres ;
3
I
34 FOLK-LORE DE LA BEAUCE
ni la culotte courte, ni la blouse recouvrant
rhabit à grand col de 1830; ni, chez les
femmes, le quadruple rempart de jupons qui
leur rendait la taille énorme. La jeune géné-
ration féminine a presque complètement
abandonné le léger bonnet beauceron, fait
de fine dentelle et de riche broderie, pour
suivre — fût-ce de loin — les modes de la
ville. La blouse de toile bleue, chez l'homme,
est d'un usaofe «général .
Les vieillards sont rasés complètement ou
portent leur barbe en collier, laissant à nu
lèvres et menton. Le Beauceron est poli et
salue l'étranger qu'il rencontre. S'il n'a pas
la proverbiale réputation de « largesse » du
Percheron qui offre volontiers un verre de
cidre au voyageur, c'est qu'il est lui-même
privé de cette délicieuse boisson. Sa cave
sert à mettre au frais les quelques pots de lait
et les fromages que lui donne la vache ;
elle renferme rarement du vin. Les ménagères
sont soigneuses ; les meubles et la batterie de
cuisine reluisent ; le carrelage est souvent
lavé à grande eau ; et si le mobilier est mo-
deste, la propreté tient lieu de luxe.
ET DU PERCHE 3 5
*
D'après la plupart de nos historiens, le nom
de Perche viendrait des forets dont le pays est
couvert. Les Romains lui auraient donné ce
nom {Perlica, bois droit et long) en voyant
ses arbres à la cime majestueuse et clanc\^e.
La nature a, en effet, favorisé le Perche de
tout ce qu'elle semble avoir refusé à la Beauce.
L'œil ne se lasse pas d'admirer ses sites char-
mants, ses délicieux paysages, ses coquette*
habitations, ses gracieux cours d'ean. Les
monticules sablonneux dominent des vallons
profonds et étroits, les collines sont- cou-
vertes de bois ; les vallées sont coupées de
haies vives, et dans les prés verts dorment
ou paissent les grands boeufs qui font la for-
lune du cultivateur Percheron. La population
beauceronne est agglomérée ; les maisons du
Perche sont isolées, les villages très espacés
et populeux.
Depuis un demi-siècle, le Perche est de-
36 fOLK-LORE DE LA BEAUCE
venu un pays de culture luttant avantageu-
sement avec la Beauce. Si ses récoltes sont
moins abondantes, il a sur sa voisine une
grande supériorité : le produit de l'élevage
et des arbres fruitiers. Cette triple ressource
fait du Perche un pays prospère, tandis que
la Beauce s'appauvrit de jour en jour par la
mévente des grains. De moins en moins
nombreuses sont ces caravanes de Percherons
(on les appelle aussi les aoûterons) qui, pen-
dant que leurs grains achèvent de mûrir,
viennent faire la moisson chez leurs amis les
Beaucerons. Avant de faire leur propre récolte
ils vont gagner péniblement un salaire qui
les aidera à passer Thiver. Un des leurs qu'ils
appellent le Capitaine s'est entendu préala-
blement avec le cultivateur. D'après la quan-
tité d'hectares dont se compose la « tâche »,
il sait le nombre de faucheurs et de ramas-
SCU8C8 dont il a besoin. Au jour indiqué, il
arrivera avec son personnel.
Jusqu'au milieu du siècle dernier l'arrivée
des Percherons en Beauce offrait un tableau
des plus pittoresques. La migration se faisait
à pied. On voyait des bandes nombreuses
ET DU PERCHE 37
d'hommes et de femmes, coiffés d'énormes
chapeaux de paille, portant en sautoir le bis-
sac, les faux, les faucilles et les sabots. Les
convois, sous le soleil ardent, nwrchaient en
chantant des refrains grivois ou champêtres,
conduits par le capitaine qui, fidèle comme
l'hirondelle, revenait périodiquement, avec les
mêmes aides, dans la même ferme, faucher
les mêmes champs. Aujourd'hui les trains
amènent cette armée de travailleurs dont
chaque année le nombre diminue ; les sapeurs
(ouvriers belges) et les moissonneuses per-
fectionnées rendront bientôt leur concours
inutile.
* *
Placé entre le Beauceron et le Normand,
le Percheron possède quelques-uns des vices
et des vertus de ses deux voisins ; mais il a
surtout les siens propres, et ce mélange lui
donne une physionomie particulière. Vivant
au milieu de ses cultures, de ses prés, de ses
58 FOLK LORE DE LA BEAUCE
bois, il est casanier, attaché à son sol, bien
qu'il semble en ignorer les beautés. Il va
chaque semaine à la ville porter au marché
ses produits nombreux et rémunérateurs. Il
n'a ni la vivacité ni la franchise du Beauce-
ron ; il dirait plutôt comme le Normand :
« Pour une année où il y a des pommes, il
n'y a pas de pommes ; mais pour une année
où il n'y a pas de pommes, il y a des
pommes. »
Si comme le Beauceron, le Percheron est
devenu laboureur, comme le Normand, il
est devenu processif. La fermière s'appelle
la Maîtresse, et elle nomme son mari sou
Maître. (Même coutume en Beauce où au-
trefois les époux ne se tutoyaient pas.)
L'auciennc fermière faisait elle-même la
cuisine, servait à table et mangeait debout.
Les Percherons ont la démarclie lourde, les
gestes lents et embarrassés. Leur caractère se
ressent d'une sorte de réserve qui se fait sen-
tir dans la conversation, dans les manières et
jusque dans les transactions commerciales.
René Courtiu traçait d'eux ce portrait, en
1611 : ('- Les Percherons pensent plus qu'ils
ET DU PERCHE 39
ne disent... Il faut reconnaître que la plu-
part sont paresseux, appesantis par la dou-
ceur et commodité du pays auquel ils s'at-
tachent, faisant valoir chacun sa petite closeric
ou métairie, sans pousser leur fortune plus
outre ; tellement qu'il est tenu en proverbe
d'eux : Ce sont les poulains du Perche^ ils se
défont au croître.,. Ce qui ne s'entend pas,
continue le critique, que l'âge venant, rabaisse
leur esprit et les rende imbéciles ; Texpé-
rience nous donne la preuve de ceux qui se
sont tirés du pays et ont brusqué la fortune
aux autres provinces.... » Si le portrait est
fidèle quant aux contemporains de l'auteur,
il n'est plus celui du Percheron moderne.
La période révolutionnaire a transformé ses
mœurs. Les nouvelles générations s'amé-
liorent sans cesse ; elles ont moins de noncha-
lance et plus d'ambition que leurs ancêtres ;
cependant elles n'aiment pas les innovations
en aoriculture.
40 FOLK-LORE DE LA BEAUCE
Au point de vue de la culture, la valeur
d'un homme est bien plus considérable que
celle d'une femme ; aussi la naissance d'un
gars est-elle considérée comme un bonheur.
Lorsque c'est une fille, on dit : Cen est qu'une
crétature ! Grâce aux produits variés de son
sol, le Percheron est moins sobre que le
Beauceron, et pourtant il vit de peu. Avec un
lopin de terre, un clos et une chaumière, il
se contente de lagoulce de biénasse (rente an-
nuelle de quelques centaines de francs).
Certains Percherons se retirent à la ville ;
mais la plupart révent de devenir, sur leurs
vieux jours, conseillers municipaux et mar-
guilliers de leur village. Car le Percheron
est crédule et dévot, mais d'une dévotion
plus vive qu'éclairée qui s'attache surtout
aux pompes extérieures du culte. Il est su-
perstitieux et raconte de singulières et cu-
rieuses légendes au sujet des pierres druidiques
ET DU PERCHE 4I
assez nombreuses en cette contrée. De même
que la Beaucc, le Perche voit disparaître, peu à
peu, les pratiques et les croyances supersti-
tieuses.
Au physique comme au moral, le Perche-
ron a suivi le progrès. Disparus, comme en
Beauce, l'habit bleu clair à larges basques, aux
boutons de métal brillant, la culotte courte,
le gilet à fleurs et le chapeau à larges bords,
costume vénéré que Ton n'endossait que
dans les grandes circonstances, celles qui font
époque dans la vie d'un homme. Le vêtement
commun est la blouse bleue piquée de fil
blanc au col et l'inévitable chapeau rond. Le
Percheron a, lui aussi, les lèvres et le men-
ton rasés ; les favoris encadrent sa figure. Les
femmes ont abandonne la coijfe de tois mo-
numentale de leurs grand'méres. Les coiffes
que l'on rencontre encore sont de propor-
tions raisonnables ; quelques-unes, ornées
de dentelles, valaient jusqu'à cent francs.
Les assemblées sont très suivies et très dan-
santes ; chacun s'en retourne avec sa chacune,
se tenant par la main, les deux petits doigts
enlacés . La danse est le plaisir favori du Perche ;
42 FOLK-LORE DE LA BEAUCE
dans beaucoup de gros bourgs, il était d'u-
sage, jusque dans la seconde moitié du siècle
dernier, de danser dés la matinée du di-
manche. Les garçons et les filles de ferme
venaient des hameaux voisins — et cela en
toute saison — pour assister à la messe de
six heures. L'office terminé, ils se rendaient
sur la place ou dans une grange, dansaient
quelques danses, buvaient une goutte, man-
geaient un carquelin (crequelin : petite ga-
lette), puis retournaient à la ferme afin que
les maîtres pussent, à leur tour, se rendre à la
grand'messe de dix heures. D'ailleurs le Per-
cheron est mélomane, et, s'il chante volontiers
seul en travaillant, il sait, à l'occasion, mo-
duler harmonieusement sa partie dans des
chœurs.
Doux, compatissant, hospitalier, le Per-
cheron est très accueillant envers l'étranger.
Il ofl:re facilement le pichet de cidre que Ton
déguste dans la pièce où se trouve le lit monu-
mental aux rideaux de serge verte. Le mobi-
lier est rustique, le sol n'est pas toujours car-
relé, mais tout y est propre et reluisant :
c'est le luxe de la maîtresse. On y trouve,
ET DU PERCHE 4^
comme en Beauce, le majestueux dressoir où
s'étale pompeusement la vaisselle à fleurs
bleues. Au mur, l'image de première com-
munion et les chromos encadrent un bou-
quet de superbes épis de blé, l'orgueil du
maître.
Beauce et Perche ne se ressemblent guère.
La première, avec sa monotonie, sa nudité,
sa sécheresse et sa modeste flore, envie au
second ses sites pittoresques, ses sombres
forêts, ses frais cours d'eau, ses prés verts
tout embaumés du parfum du thym, de la
fougère et du serpolet. De même Beaucerons
et Percherons sont, en bien des points, de
tempérament très diflerent. Cependant ces
archétypes du paysan ont beaucoup de qua-
lités communes, ainsi qu'on a pu le constater
plus haut. Parmi ces qualités, il faut citer
leur bon sens ; ils possèdent une grande droi-
ture d'intelligence et de jugement. Mais si,
dans la conversation, ils se font remarquer
par la justesse de leurs raisonnements, ils ne
brillent pas par la forme du langage.
44 FOLK-LORE DE LA BEAUCE
Le langage de la Beaucc et du Perche n'est
nullement un idiome particulier; il n'est
qu'une simple altération de la langue natio-
nale. Mais, au fond de quelques hameaux,
cette altération est si grande, certains mots
sont si outrageusement défigurés, l'incorrec-
tion est si extraordinaire, l'accent si étrange,
qu'il devient un patois dans le sens propre du
mot. Ce patois est rude, sans harmonie, sans
grâce. L'accent varie d'un canton à l'autre ;
le débit est plus rapide chez les Beaucerons
que chez les Percherons et la phrase, qui se
termine chez les premiers en baissant quelque
peu la voix, prend chez les derniers un ton
quasi interrogatif
De la partie septentrionale de la Beauce
(région parisienne) à l'extrémité méridionale
du Perche (pays manceau et normand), le
patois est le môme, sauf de légères variantes.
On articule fortement en prononçant oiiai.
ET DU PERCHE 45
Icsoî (B). Les noms terminés en al se disent
généralement au : un chevau, un maréchau ;
ceux qui se terminent en eau font invariable-
ment ieau : des cisieaux, des poirieaux. La
plupart des diminutifs se terminent en inu.
Un seul exemple : le petit de l'alouette se
nomme un alouettiau ; ce nom est appliqué
familièrement aux petits enfants, ainsi qu'en
témoignent les vers suivants :
P'tite alouette, monte en haut
Prier Dieu qui (pour qu'il) fasse chaud ;
De l'aouenne (avoine) plein eunc faux.
Du blé à grous moussiaux (en grande quantité)
Pour tous nos p'tits alouettiaux.
La terminaison des verbes, aux temps pas-
sés, se fait ordinairement en in : j'marchins
et j'courins, j'allins et j'venins (nous mar-
chions et nous courions...) (B) — ou en as :
j'marchas vite (je marchais vite) (P). Il se
dégage de la conversation un parfum bien
local lorsqu'aux verbes ainsi conjugués,
viennent se marier des mots du crû comme :
lubre pour lourd ; macabre pour brutal ; sou^
46 FOLK-LORE DE LA BEAUCE
bauU pour gourmand ; la clerié pour la clarté ;
il fait cîar pour il fait clair ; Vergent pour
l'argent ; jarbe pour gerbe ; Vharhe pour
l'herbe
Certains mots offrent pourtant un certain
charme et fleurent le vieux français. Sans
vouloir établir ici un i^lossaire beauceron et
percheron, en voici quelques-uns surpris au
hasard de la mémoire : harvoîler (voltiger) :
il barvolle de la neige ; — coger, décider
quelqu'un à faire une chose ; — crot
(crotum, creux), creux où l'eau séjourne ;
— déroquerj retirer le roc, la pierre d'une
terre ; — éveux, aquatique ; — gesleux,
suffisant, maniéré; — graisseux, patelin,
flatteur ; — grémir, broyer, écraser ; — les
larris (Larricium), terres en friches près
des bois ; — les ousches (olca ou olcha),
parcelles de terre adjacentes aux habitations
du village.
Dans l'arrondissement de Dreux, on appelle
les étrenncs du jour de l'an, Vaguilaii, le
gui de l'an. Ce mot remonte au temps des
druides et rappelle le gui du chêne (Au sud
de Chartres, on prononce Véguilaîi.)
ET DU PERCHE 47
Le patois beauceron est peut-être plus
incorrect que le patois percheron; mais il
faut bien admettre qu'un grand nombre de
mots ont une origine très ancienne puisqu'on
prétend qu a l'aide du patois de Tourouvre
(Orne), on lit couramment Joinville et
presque couramment Robert Wacc. A l'ap-
pui de cette prétention, il convient d'ajouter
l'assertion de Dureau de la Malle qui
dit que « le langage des habitants du
Bocage percheron n'a pas changé depuis
huit cents ans ».
#
DEUXIÈME PARTIE
DEUXIÈME PARTIE
A TRAVERS LA VIE BEAUCERONNE
ET PERCHERONNE.
(vieux usages ; vieilles superstitions)
CHAPITRE l^r
LA MÉDECINE RELIGIEUSE :
souvenirs DRUIDiaUES.
§ I. — De la Superstition en général,
|ANS la B^auce et dans le Perche,
la superstition joue un rôle pré-
pondérant ; elle s'est glissée dans
7 presque tous les usages : dans la
bourgeoisie comme dans le peuple, à la
ville comme au hameau ; ses nombreux
adeptes sont aussi fervents que simples.
Sans remonter jusqu'aux temps où les
52 FOLK-LORE DE LA BEAUCE
hommes primitifs vivaient en des cavernes,
certaines coutumes superstitieuses datent
évidemment des âges sans civilisation et de
mœurs rudimentaires. Les plus anciennes,
entachées d'idolâtrie, nous viennent de l'O-
rient; elles nous furent apportées par ces
peuplades nomades qui, parties des vallées
de riran, se fixèrent, après des années de
marche, dans les clairières des majestueuses
forets qui couvraient alors notre pays. Ces
tribus nous léguèrent les cultes idolâtriques
du soleil, de la foudre, des vents, des mon-
tagnes, des forets, des fleuves. Le culte de
l'eau principalement est de tous les pays et
de tous les temps. Près de cinq cents ans avant
Jésus-Christ, Hérodote engageait ses con-
temporains à ne jamais traverser un fleuve
sans dire une prière et sans tremper leur
main dans son onde afin de la purifier. Ce
culte universel de Teau s'est conservé vivace,
longtemps môme après que tous les autres
eurent disparu.
Les tribus qui fondèrent la Celtique obéis-
saient aveuglément à une caste sacerdotale :
c'étaient les Druides. La plus belliqueuse des
ET DU PKRCHE 5^
tribus celtiques, celle des Carnutes, fonda
une sorte de camp qui devint, sous les Ro-
mains, Autricum, sur l'emplacement actuel
de la ville de Chartres. Les Carnutes, comme
tous les Gaulois, étaient très superstitieux :
la superstition était l'un des traits distinctifs
de leur caractère.
Les Romains parurent apportant avec leur
civilisation plus avancée leur culte sensuel.
Le christianisme vint ensuite avec son souffle
d'amour et de liberté. Les Francs mêlèrent
leurs croyances barbares à cet amalgame de
dogmes si différents. Chacune de ces inva-
sions laissa le germe de quelque superstition
dans les replis les plus profonds de l'âme po-
pulaire. Les Beaucerons et les Percherons sont
restés, en fait de crédulité, les dignes fils
des Carnutes : ils croient encore de nos
jours aux sorciers, aux présages, aux lieux
hantés.
La superstition est une maladie de Tesprit ;
elle opprime les malheureux qui se livrent
à ses pratiques. C'est, en eflet, une vie
bien misérable que celle de l'homme qui
croit aux sorciers ; qui n'ose passer, tel jour
54 FOLK-LORE DE LA BEAUCE
OU à telles heures, en certains endroits ; qui
craint de demeurer dans une société de treize
personnes ; qui tire un mauvais présage de
telle rencontre, de la vue d'un oiseau, du
heurt d'un objct,d'un éternuement, de la po-
sition des astres, de la manière dont le feu
pétille, etc, etc.
C'est, nous semble-t-il, faire œuvre utile et
saine que de s'employer à déraciner ces er-
reurs absurdes, tout en respectant certaines
traditions antiques et vénérables.
Nous n'avons pas d'ailleurs la prétention
de détruire toutes les superstitions en les di-
vulguant ici ; elles ne sont pas près de dis-
paraître de nos campagnes : le vingtième
siècle passera avant que n'arrive leur dispa-
rition. Elles tiennent dans la vie moins de
place que jadis, on les pratique d'une ma-
nière moins apparente, mais elles restent an-
crées dans le cœur du Bauceron et du Per-
cheron.
Loin de nous la pensée d'abolir certaines
coutumes naïves, certaines vieilles croyances
qui charment l'imagination populaire tou-
jours avide de merveilleux. Respectons, au
Wf DU PERC9B 55
contraire, ces innocentes fictions, ces conso-
lantes illusions qui sont ce qu'on l'on appelle
la poésie de Vignorance. Laissons au villageois
crédule ce monde chimérique où il se com-
plaît et où il oublie peut-être par instants ce
que sa condition a de pénible. En le déta-
chant brutalement de son culte pour le passé,
craignons de le conduire au scepticisme. Car
alors nous ferions œuvre impie et cruelle
puisque nous lui enlèverions tout, sans
pouvoir lui donner quoi que ce soit en
échange.
W6
§ n. — Culte des Fontaines.
os ancêtres attribuaient des vertus
surnaturelles aux eaux des fon-
taines dédiées aux divinités. Ils
venaient pour recouvrer la santé ;
ils y pratiquaient certains rites religieux en
l'honneur des nymphes et des dieux qui pré-
sidaient aux sources sacrées ; ils laissaient dans
leurs eaux, comme offrande, quelques pièces
de monnaie ; les plus pauvres y jetaient un
clou. C'est ainsi que le lac sacré de Toulouse
contenait des trésors immenses, offrandes
de plusieurs générations, et dont les Romains
s'emparèrent en le desséchant.
Ni la Beauce ni le Perche ne renferment de
sources thermales; à peine y trouve-t-on trois
ou quatre eaux faiblement ferrugineuses. Si
quelques-unes de ces sources jouissent de
FOLKLORE DE LA BEAUCE ET DU PERCHE 57
réelles propriétés curatives, les autres doi-
vent leur prétendue vertu au culte dont elles
étaient l'objet dans Tantiquité. La fontaine
des nymphes devint la piscine des premiers
chrétiens. Dans la suite, les populations
ignorantes et croyantes pensèrent qu'une eau
qui régénérait l'âme devait aussi guérir les
maladies du corps : d'où le culte des fon-
taines.
Le clergé lutta ardemment contre ces ves-
tiges du paganisme ; mais canons de conciles,
prédications et menaces furent impuissants
contre ces abus dont la pratique se transmit
jusqu'à nous. Devant les résultats infructueux
de la lutte, le christianisme tourna la difficul-
té en consacrant les fontaines à la prière chré-
tienne : chacune d'elles fut placée sous l'é-
gide et le vocable d'un saint ou de la
Vierge.
Certes, la dévotion s'est afîiiiblie en nos
contrées et ces lieux de pèlerinages sont au-
jourd'hui peu fréquentés ; néanmoins on re-
trouve encore çà et là des traces durables de
ces superstitions anciennes.
58 FOLK-LORE DE LA BEAUCE
*
* *
La nudité de la Beauce, son manque de
relief, en font une contrée généralement dé-
pourvue d'eau ; c'est pourquoi l'existence
accidentelle d'une source semblait, à des po-
pulations arriérées, un fait merveilleux. Dans
le Perche, plus accidenté et plus boisé, les
sources sont plus nombreuses, mais leurs
propriétés curatives n'ont jamais existé que
dans l'imagination des malades superstitieux
et Ignorants.
Parmi les principales sources sacrées du
pays Chartrain, il faut citer la fontaine Sahit-
Maur (ou Salnt-Rémy) à Anneau, Elle guérit
les paralytiques, les goutteux et les épilep-
tiques. D'après Chevard, la popularité, la
vertu et l'importance du pèlerinage à cette
source remonteraient aux temps gaulois.
Deux faits importants concourent à prouver
l'ancienneté de cette origine : l'emplacement
de l'église bâtie près de la source et la date
ET DU PERCHE 59
du pèlerinage, la veille de la Saint-Jean ;
ceci et cela évoquent le souvenir du baptis-
tère des premiers âges chrétiens. Jusqu'au
milieu du siècle dernier, l'affluence des pèle-
rins était telle, qu'ils ne pouvaient trouver à
se loger dans le village. Pendant le jour, on
puisait à la piscine et on invoquait le patron.
La nuit venue, le cimetière était envahi par
plus de mille personnes qui couchaient sur
la terre nue par mortification en l'honneur
du boji saint Maur.
Il en était de même à Coulombs^ près de
Nogent-le-Roi, où saint Gratien était en
grande vénération et attirait chaque année
une foule de pèlerins.
Pour guérir les fiacres, on allait et Ton va
encore, le 4 juillet, dans le bois de Béville-
Îe-Comtc, à la fontaine de Saint-Martin.
Celle de Saint-Séverin de Fontenay et celle
de Chaunay ont perdu leur popularité.
La fontaine de Saint-Eman, près d'IIIiers,
à la source du Loir, jouit du même privilège
et guérit de plus les fluxions de poitrine.
Comme les précédents, c'est un pèlerinage
à date fixe ; on s'y rend surtout (mais en neu-
6o FOLK-LORE DE LA BEAUCE
vaine) à dater du jour de la fête du saint, le
i6 mai. Les pèlerins viennent puiser à la
fontaine, s'y baignent les mains, s'en hu-
mectent la figure ; ils y trempent des che-
mises qui, appliquées à nu sur le malade,
doivent être conservées pendant neuf jours ;
ou bien ils emportent de Teau, dont on boit
pendant neuf jours. Cette eau préserve les en-
fants du mal de Saint-Eman qui les fait enfler.
*
* *
Un certain nombre de sources sont répu-
tées favorables aux enfants. On les conduit,
pour les maladies de langueur, à la fontaine
de Notre-Dame de Gallardon.
Celle de Salnt-Odoir (ou Saint- Audevoir)^
commune de Saint-Presl, est connue sous le
nom de Fontaine d'aller ou venir. Cette déno-
mination suggestive indique suffisamment
Topinion attachée à l'usage de ses eaux qui
avaient la vertu de déterminer une crise chez
les enfants en état de langueur. On plongeait,
ET DU PERCHE 6l
nus, ces petits êtres malingres, dans l'eau
glacée, et leur sort devait se décider sur-le-
champ : ils guérissaient aussitôt ou mou-
raient. Inutile d'ajouter qu'ils résistaient rare-
ment à cette immersion.
On frémit en songeant au nombre de vic-
times qu'ont pu faire l'ignorance et la su-
perstition. Comment des coutumes aussi
barbares ont-elles été tolérées jusqu'à nos
jours ? Car il existe encore, paraît-il, des pa-
rents assez inintelligents pour venir plonger
clandestinement dans le bain glacial leurs
petits enfants malades.
La fontaine de Saint-Victur^ (ou Saini-Vi-
gur), près de Ver-lès-Chartres, a servi, elle
aussi, à ces barbares usages ; mais elle a per-
du aujourd'hui tout son crédit et beaucoup
de gens du pays ignorent même son ancienne
vertu soi-disant miraculeuse.
Tout près de cette dernière se trouve la
Fontaine de Saint-Caprais qui jadis jouissait
de la renommée de guérir la gale. La source
est aujourd'hui presque tarie.
La même vertu est attribuée à la fontaine
de SainUSanciin^ de Chuisnes, Saint Sanctin,
62 FOLK-LORE DE LA BEAUCE
évoque de Meaux, retiré, dit-on, à Chuisnes,
puisait de l'eau à cette source. Une légende
rapportée par M. Lefèvre, dans sa Notice sur
r abbaye de Saint-Sanctin^ raconte l'origine de
la dévotion :
« Il y a bien longtemps, la Dame de
Chuisnes avait deux chiens atteints de la
gale, qu'elle osa plonger dans la fontaine,
dont les eaux sont souveraines contre cette
maladie ; les chiens guérirent, mais la profa-
nation reçut son châtiment : la châtelaine
fut atteinte de la gale, et aucun remède ne
pouvait l'en délivrer, parce qu'elle n'avait
pas foi dans la vertu salutaire de la fontaine,
qui n'était bonne, disait-elle, que pour des
chiens. Cependant, revenue à de meilleures
pensées, elle fit vœu de bâtir une belle cha-
pelle à saint Sanctin s'il voulait la guérir ;
aussitôt son mal cessa, et, fidèle à sa pro-
messe, elle fit bâtir la chapelle, et, sur le haut
du pignon, placer deux chiens affrontés en
reconnaissance et souvenir de sa cure mira-
culeuse. ))
BT DU PERCHE 63
En quittant le pays Chartrain pour le
Drouais, nous sentons redoubler, vers Dreux,
le souffle de druidisme et nous y retrouvons
des traces indélébiles des Carnutes, dans les
•
monuments, dans les sources, dans les sou-
venirs et les légendes. Monuments et légendes
étant traités dans d'autres chapitres < revenons
aux fontaines qui, nombreuses autrefois, ont
en partie disparu par suite de la perméabilité
du sol. Ce phénomène est attesté par l'inter-
mittence de» rivières (Biaise, Avre et Meuvette)
qui sont absorbées par des bétolres. Mais nos
ancêtres étaient peu accessibles aux explica-
tions simples et judicieuses ; ils préféraient
attribuer la cause de ces disparitions aux
caprices des fées, à la malveillance des
hommes ou aux maléfices du diable.
C'est ainsi que la tradition populaire
veut que la fontaine de la Herse, aux Châte-
lets, celle des Forges, près de la Puisaye, çt
64 FOLK-LORE DE LA BEAUCE
bien d'autres, aient été méchamment aveu-
glées par des balles de laine et de coton. Cette
étrange croyance n'est pas localisée dans le
Drouais.
Les Percherons accusent les moines de
Thiron d'avoir usé du même procédé pour
boucher les sources qui alimentaient l'étang
de h Motte y au sujet duquel ils étaient en
querelle avec le duc de Sully.
Les Beaucerons d'Orléans regrettent tou-
jours la belle fontaine de VËtuvée, célèbre dans
l'antiquité par ses pèlerinages fréquentés. Elle
était, disait-on, étouffée avec de la laine;
mais des fouilles opérées, il y a un demi-
siècle, n'ont mis à découvert que des débris
romains et une inscription votive attestant
l'ancienne réputation de cette fontaine sacrée.
De même les seigneurs de Viabon et ceux
de Saint- Germain y en querelle pour le par-
tage des eaux, ont bouché la source qui ali-
mentait leur étang.
Ailleurs, la superstition prend une autre
forme : elle croit les sources hostiles à la
profanation.
La fontaine de Saini-Eliph et Saint-Félixy
ET DU PERCHE 65
située dans le bois de Bienvenue, près de
Montigny'le'Chartify dont Teau puisée avant
le lever du soleil préserve de la fièvre, était,
dit-on, autrefois dans le village même. La
tradition rapporte qu'une femme y ayant lavé
les langes de son enfant, la fontaine, souillée
et indignée, se déplaça et se retira où on la
voit aujourd'hui.
Le pèlerinage à la chapelle et au puits de
Saint'Rochf à Digny, était autrefois très fré-
quenté pour la guérison des maladies conta-
gieuses. Lors de la Révolution, la chapelle a
été désaffectée et transformée en une maison
d'habitation. La chronique locale prétend
que cette maison n'a jamais pu être habitée.
Autr efois y iSaint'Luper ce ^ près de Chartres,
on plongeait les enfants, pour les faire mar-
cher, dans une fosse où il y avait de l'eau ; on
l'appelait la Fontaine de Saint-Luperce. Depuis
que la fontaine est tarie, on fait dire un évan-
gile de saint Luperce.
La vertu principale des sources du pays
Drouais semble être la guérison des fièvres.
Telle est du moins la réputation des trois
fontaines suivantes ; celle des Dougrins près
5
66 FOLK-LORE DE LA BEAUCE
de Sainl-Lubifi'de-Cravant, Voici son ori-
gine d'après la légende : saint Lubin, évêque
de Chartres, allait de Saint-Lubin-des-Jon-
cherets à Saint-Lubin-de-Cravant ; sa mule
eut soif, et, frappant du pied le sol, elle fit
jaillir la source. Pour être efficace, l'eau doit
être bue avant le lever du soleil ; — celle de
Saint-Jacques, à Fonlaine-les-Ribouis ; — celle
de Sainte-Geneviève de Senantes, où l'on vient
à jeun en pèlerinage certain vendredi de mai*
On boit chaque jour de l'eau de la fontaine
et Ton fait le voyage pendant neuf jours. On
apporte au premier voyage une chemise que
l'on fait bénir par le prêtre et toucher à la
statue de la sainte ; le malade doit porter cette
chemise pendant la neuvaine.
Puisque nous parlons des fièvres, trans-
portons-nous en pays Dunois, sur les bords
de la Conie où règne l'endémie paludéenne.
Nous y trouvons, près de Courbehaye^ la pe-
ET DU PERCHE . 67
tite fontaine de Saint-Martin et les ruines de
la chapelle Sainte-Colombe où les pèlerins se
rendaient autrefois en foule, dans le mois de
septembre. Quelques fiévreux vont encore
sur ces ruines demander leur guérison.
On va boire l'eau de la fontaine de Saint-
Mamerty prùs de Donne main y pour soulager
les affections d'entrailles.
La modeste fontaine de 5rt////-/.r7//;'m/, près
de la Ferté-Villeneuil, guérit, dit-on, du mal
de dents.
Près de Charray, la fontaine de Saint-Gcn-
dulfe est l'objet d'une dévotion toute parti-
culière de la part des fiévreux.
Sur les bords du Loir, la fontaine de Vou*
vray, en aval de Bonneval, guérit les fièvres ;
celle de Saintc-Mabile, près d'Eguilly, est fré-
quentée par les scrofuleux*
* *
Dans le Perche Dunois, nous constatons,
comme dans le pays Drouais, la même uni-
formité curativc des fontaines: les fièvres. Or
68 FOLK-LORE DE LA BEAUCE
le climat n'est nullement pyrétique ; mais le
paysan, prenant l'effet pour la cause, con-
fond k fièvre au général, avec les maladies
qui la donnent. Et il vient naïvement à la
source au lieu de recourir aux soins éclairés
du médecin.
C'est ainsi que, par habitude, par avarice
et par superstition, on continue à aller en
voyage à la fontaine des Trois-Maries^ près de
Méréglise ;
A celle de Saiut-Jeaiî, près de Ltiigny ;
A celle du Jtief, près Unverre ;
A celle de la Boêche^ près d'Yèvres ;
A celle de Saint-Eliph et Saint-Félixy près
de Montigny-le-Chartlf ;
A celle de Measlay^ près d'Arrou ;
A celle de Saint-Jean^ à Brou ; (Brou pos-
sède aussi la fontaine de Saint-Cloud qui
guérit les furoncles, appelés vulgairement
clous) ;
A celle de Saint-Gilles, dans le parc de
Fraie ;
A celle de Saint-Benoit, à Arrou;
A celle de Saint-Martin y^Saint-Pcllerin ;
A celle de Saint-Pierre^ près Danipierrêy
ET DU PERCHE 69
dans le champtier de Bois-au-Roi^ etc.
La plupart de ces sources sont entourées
d'une grille à laquelle est fixé un tronc. Le
tronc reçoit les offrandes et, à la grille, sont
suspendus des rubans, pour y attacher et lais-
ser la fièvre.
En pénétrant dans le Perche Nogentais,
les fontaines sacrées changent d'aspect. Elles
ont l'apparence de petits monuments ; le
patron y est presque toujours représenté dans
une chapelle que les gens du pays nomment
une Mariette. Le pèlerinage prend ici une
forme plus dévotieuse ; le malade boit à la
source ; il vient surtout pour prier, et les ^x-
î;o/o, toujours modestes, souvent naïfs, suspen-
dus dans ces modestes oratoires, témoignent
plus en faveur du nombre que de la ri-
chesse des visiteurs.
Toujours pour guérir des fièvres on
assiste en foule, les 14 et 15 septembre.
''3.. - -,-«-
C'-iiui "renier ii=LinJi<;. le clc^é de
li rir:iiîc ce F.'rzrlne-Sîr^jr vi en procès*
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::: rc-cr/Tir i'eiu zir^relle se nomme la
i'.rrjL.z.t Lt S zir.Z'Li'.^'-.r' , rjrce que ce trou
r.-; ^crii: iu:re eue l'ez:rre:z:e de son bâton ;
f.z. ^r,T!z'Lt 1 l'eau li verrai fébrifuge. L'é-
Ci'Ii-e .;•: icro5::ii:rc ie L"cz:preîate du pied
de -air.: L::umer qui attire un grand nombre
La petite ntarîette de S ihm- Agathe^ près de
la Piiisaw, est visitée par les personnes at-
teintes de maladies d'ester r.tjc.
On amène de très loin les enfants, lents
a marcher et à parler, à la chapelle de
Saint-Cyr ou Saiui-Cic du cimetière de
ET DU PERCHE Jl
V :;:
Saint' Jean- Pierre- Fixte, près de Nogeni-le-
RotroUy est un lieu de pèlerinage très fréquen-
té, le 23 juin. L'eau puisée à la fontaine ce
jour-là, avant le lever du soleil, ne se cor-
rompt jamais; elle guérit tous les maux.
Comme dans les fontaines de Saint-Odoir et
de Saint-Viciur, citées plus haut, on plongeait
dans celle de Saint-Jean-Pierre-Fixte les en-
fants nus, afin de les faire aller ou venir.
La Baxpche-Goiiët a deux sources : celle de
la Chapelle-du-Bois guérit les fièvres ; celle
du Gné-de-Peristé fait disparaître les maux
d'yeux.
On boit et Ton conserve pieusement Teau
prise, le 23 juin, à la fontaine de Saint-Jean,
à Charbonnières ; elle enlève les fièvres. Il en
est de même à la Croix-de-Beaiivais ^ près Cha-
pelle-Guillaume.
Dans le choeur de Téglise de Champrond-
en-Gâtine se trouve la fontaine Saint-Sauveur
72 FOLK-LORE DE LA BEAUCE
fermée par une plaque de fer. Par les temps
de sécheresse, on vient en procession deman-
der la pluie et on ne manque pas à tremper
le bâton des bannières dans la source. Les ha-
bitants de la commune de Combres y sont
allés en pèlerinage, il y a quelques années.
On observe la môme pratique et pour le
même motif à la fontaine de Sahit-Emany près
à'Illiers ; ici, c'est le bâton du saint que l'on
.trempe trois fois dans l'eau, après avoir
promené le saint autour de l'église, le visage
tourné à l'ouest, si Ton veut de la pluie, à
l'est au contraire si l'on veut du beau temps.
La fontaine de Notre-Dame-des-Marals yprès
l'église des RessuiuieSy est également l'objet
d'une grande dévotion dans les années de sé-
cheresse.
*
Sur la commune de Biisloup, près de la fo-
ret de Fréieval (Loir-et-Cher), existe une
source à laquelle on attribue des vertus mi-
raculeuses ; elle attire de nombreux pèlerins
ET DU PERCHE 73
et fut probablement consacrée par la supers-
tition druidique.
Non loin de là, au château des Mnssets^
l'eau d'une fontaine passe encore pour gué-
rir les maladies des enfants.
Un peu au sud est la chapelle Saint-Vrain ,
petit sanctuaire isolé près duquel est une fon-
taine sacrée qui attire, à certains jours, une
foule considérable de pèlerins.
Qjioique assez éloignés du pays Chartrain,
nous sommes toujours sur le plateau Beauce-
ron, et la fontaine de Saitit- Bouchard peut en-
core trouver place ici. Située à une centaine
depas du village de Selommes (Loir-et-Cher),
cette petite source aurait, d'après la chro-
nique locale, une origine miraculeuse. Un
pieux cénobite, saint Leufroy, vint, vers 692,
d'Evreux au tombeau de saint Martin à
Tours. Passant par une bourgade nommée So-
lemniacum (aujourd'hui Selommes), fatigué,
il se reposa ; altéré, il demanda un peu d'eau
qu'on lui refusa. En vrai disciple du Christ,
il secoua la poussière de ses sandales et s'é-
loigna en silence ; mais, dès qu'il fut hors du
bourg, il frappa la terre de son bâton de pè-
74 FOLK-LORE DE LA BEAL'CE
lerin et en fit jaillir une source. C'est la fon-
taine de Saint-Bouchard où Ton va en pèle-
rinage pour la gucrison des fièvres.
A *
Près du château historique de Villebon
qui fut la demeure de Sully, se trouve le vil-
lage de vS'a/;//-D^«îW^^-Pw/75. Dans le cimetière
attenant à l'église existe un puits au fond du-
quel est, dit-on, le bon saint Denis et dont
l'eau préserve de la rage les chiens et les ani-
maux mordus par des chiens enragés. Il faut
pour cela, dans les quarante-huit heures qui
ont suivi la morsure, leur verser de l'eau de
ce puits sur le corps afin sans doute de guérir
le mal par la méthode des contraires. Puis,
pour achever la guérison,il faut, pendant neuf
jours, leur faire manger le matin, à jeun, du
pain trempé dans cette eau. Il arrive quelque-
fois que les animaux restent incommodés pen-
dant plusieurs jours de ce qu'on appelle dans
le pays la rage mtie^ mais ces incommodités
disparaissent rapidement.
ET DU PERCHE 75
*
Il est presque impossible de citer toutes
les croyances superstitieuses, qui subsistent
encore dans nos contrées et dont les sources
dites sacrées sont l'objet ; car, en outre des
vertus curatives qu'on leur prête, elles ont
pour la plupart des légendes populaires at-
tachées à leur origine ; ou bien elles sont, la
nuit, hantées par les fées ou les revenants :
telle la fontaine située près des Grandes-Ab-
bayes du Loir où l'on a vu des danses noc-
turnes et des rondes fantastiques. Le passant
attardé traverse ces lieux avec effroi {cf. 11^
Partie chap, F. § i : Les mauvaises fées des fon-
taines deBarbotonet deSainville, — IV^ Partie
chap. I : La légende du Pont-de-VIsle.)
M. de Boisvillette, à l'érudition duquel
nous avons eu recours, pour nombre de cou-
tumes relatives aux fontaines, aux mégalithes,
aux arbres, aux voies romaines, a ouï dire
encore qu'à Maillebois, non loin de Dreux,
76 rOLK-LORE DE LA BEAUCE ET DU PERCHE
le parc et l'étang sont hantés par Jeanne-la-
Laveuse qui se promène la nuit et se retire au
matin dans les souterrains du château. « Evi-
tez le mauvais œil et priez pour l'âme en
peine de cette Dame des eaux ! »
§ ni. — Culte des Pierres,
iOUS n'essayerons pas, dans ce
modeste ouvrage, de décrire tous
les monuments préhistoriques de
la Beauce et du Perche. Ces
pierres gigantesques, en grand nombre sur
Je territoire Carnute, sont ordinairement ap-
pelées celtiques et surtout druidiques en raison
de cette croyance qu'elles étaient consacrées
au culte druidique. Naguère encore, le paysan
ne passait qu'avec crainte devant ces roches
brutes qui étaient l'objet d'une terreur su-
perstitieuse.
Comme dans le reste du pays gaulois, on
trouve en notre contrée les menhirs, pierres
levées, souvent isolées ; les dolmens^ pierres
plates posées horizontalement surdos socles;
les £romlechs, pierres rangées en cercle (plus
rares que les deux premières). Qui découvri-
78 FOLK-LORE DE LA BEAUCE
ra la véritable destination qu'avaient ces
pierres ? Représentaient-elles, chez les peuples
primitifs, un symbole religieux ? Ces dolmens
furent-ils des autels où Ton sacrifiait les vic-
times humaines ? Ces cromlechs marquent-ils
des sépultures, des enceintes sacrées ou des
lieux d'assemblées publiques ? Ces vestiges
des âges disparus furent-ils enfin le siège du
prêtre ou du juge ? Les savants sont en dé-
saccord sur tout ce qui concerne ces monu-
ments mégalithiques.
Nous éviterons donc d'aborder cette téné-
breuse question, dans laquelle nous sommes
incapable d'apporter la moindre clarté. Nous
nous bornerons dans ce chapitre à donner les
noms étranges^ parfois baroques, de certaines
pierres, à noter les souvenirs qui s'y rattachent
et les superstitions dont elles sont l'objet»
Noms et croyances sont imprégnés de cou-
leur locale et prouvent que la tradition qui
nous les a transmis donne à ces pierres une
origine religieuse ou les considère comme
l'œuvre des fées, des lutins ou d'autres êtres
surnaturels.
ET DU PERCHE 79
*
Plusieurs de ces monuments préhistoriques
sont encore aujburd'hui l'objet d'un culte spé-
cial qui a pour but de s'assurer le bonheur,
l'amour ou la fécondité. Il n'est donc pas
téméraire d'en inférer que certains rites, obser-
vés encore de nos jours, remontent à la plus
haute antiquité et sont arrivés jusqu'à nous,
fidèlement pratiqués à travers les siècles.
Ces rites s'accomplissent clandestinement et
varient suivant les contrées et le vœu à exau-
cer, mais ils sont toujours caractérises par
le contact d'une partie quelconque du corps
de la personne avec la pierre à laquelle elle
atti*ibue des vertus miraculeuses.
Nous n'avons pas comme en Bretagne les
« Roches écriantes » sur lesquelles les jeunes
filles ou les jeunes femmes se laissent glisser,
jupons relevés, du sommet jusqu'au bas, pour
trouver un mari ou pour être fécondes. Mais
récemment encore les jeunes filles qui dési-
80 FOLK-LORE DE LA BEAUCE
raient un mari, allaient, le soir, frotter leur
ventre contre une aspérité de la Pierre de
Chantecoq, dite aussi la Mère au Cailles. Les
jeunes femmes qui désiraient avoir des enfants
accomplissaient le même acte. Ce menhir est
situé près de Gallardon, dans un champ rem-
pli de petits cailloux, tous de môme forme
allongée et de même dimension. L'aspect de
ce champ rappelle, en miniature, la fameuse
plaine de la Crau, en Provence
A Villars, existe un terrain appelé le Per"
ronde Saint-Biaise où se trouve une grosse
pierre brute autour de laquelle on fait circuler
les chevaux atteints de tranchées.
*
* *
Le pays Drouais, grand centre gallo-drui-
dique, est riche en monuments mégalithiques.
D'après la tradition, la pierre du Monsscl au-
rait été transportée en cet endroit par le
démon.
La Grosse-Pierre de Saint- Lubin-dc-Cravant,
ET DU PERCHE 8l
d'après la légende du pays, se levait pendant
la messe de minuit, au moment de l'évangile,
laissait apercevoir un trésor et retombait
ensuite.
A un demi-kilomètre de Brezolles, se
trouve un bois appelé le Champ-des-Pierres.
Ces blocs naturels sont connus sous le nom
de Pierres de la Justice et passent, dans la tra-
dition locale, pour avoir été des autels drui-
diques.
Un groupe de pierres, près d'Ecluzelles,
est connu sous le nom de Pierres-des-Dniides.
Le beau dolmen des Aunaies de Monlouet,
qui a 4 mètres de long sur "^^$0 de large et
o™50 d'épaisseur, se nomme le Palet de Gar-
gantua. Cette appellation désigne suffisam-
ment l'origine qui lui est attribuée.
Non loin du confluent de la Voisc, se
trouve le groupe du Changé, composé de
peulvans et d'un menhir, qui porte la même
désignation de Palets de Gargantua, D'après
la tradition, Gargantua s'amusait à lancer des
pierres vers un but ; le but est le menhir et
les palets sont les rochers épars lancés par le
géant contre le but.
82 lOLK-LORE DE LA BEAUCE
Morancez a la Picrre-qui-toiirne ; Corancez,
la Pierre- Cotwertc ; Ver, la Pierre- Pesant. Le
Cromlech de Gellainville, composé de douze
blocs, n'existe plus ; ses débris ont servi à
l'empierrement des routes du voisinage.
Prunay-lc-Gillon possédait deux dolmens,
de grande dimension, distants l'un de l'autre
de trois kilomètres : la Tierre-Couverte et la
Grosse-Pierre d' Ymorville. La première a été
détruite par la mine, l'autre est à demi enfouie
dans le sol. Deux cavités se remarquent à sa
partie supérieure : Tune se termine en fourche
et représente assez exactement une empreinte
de pas d'animal. La Pierre-couverte^ appelée
aussi Picrre-qiii'virc^ a sa légende.
« Tous les ans, dans la nuit de Noël, au
moment où le prêtre commençait le chant
de la gcncalogic, la pierre se mettait à
tourner sur elle-même, décrivait une demi-
rcvolulion et laissait à découvert rorifice
KT DU PERCHE 83
d'un vaste souterrain. Ceux qui avaient le
courage d'y pénétrer, voyaient, à l'entrée,
des vases pleins de monnaie de cuivre et de
billon ; un peu plus avant étaient des bassins
remplis de pièces d'argent, puis des mon-
ceaux de pièces d'or, et enfin des tas de dia-
mants et de pierres précieuses. Le visiteur
pouvait puiser tout à son aise dans ces ri-
chesses amoncelées par des génies inconnus.
Mais malheur à lui s'il se laissait enivrer par
la soif immodérée du lucre. Une loi fatale
l'obligeait à sortir de la caverne avant que
fût terminé le chant de la généalogie ; car, à
ce moment décisif, la pierre sacrée achevait
son évolution circulaire, et le malheureux,
n'ayant plus d'issue, restait enfermé avec ses
trésors et condamné à ne pouvoir sortir que
l'année suivante.
On ne citait personne qui se fût enrichi
par ce moyen ; nul ne voulait tenter l'épreuve.
Ce n'est pas seulement la brièveté du délai
qui intimidait les chercheurs d'aventures,
mais on tremblait à la pensée d'entrer en re-
lation avec les esprits mystérieux, gardiens
de ces antiques monuments. A la longue, ces
84 FOLK-LORE DE LA BEAUCE
légendes avaient perdu de leur gravité ; on les
répétait sans y attacher d'importance, et l'on
se permettait même d'en plaisanter comme
du Bonhomme Noël.
On disait aussi, à Prunay, que celui qui, le
jour de la Mi-Carême, allait au pied de la
Pierre-loiirnanie d'Ymorville, et y restait à
attendre pendant un temps convenable,
voyait apparaître la Mi-Carême en personne,
qui, moyennant la modique offrande d'une
poignée dé foin, gratifiait le visiteur d'une
énorme quantité de harengs salés... Hélas!
la vénérable pierre, à moitié enfouie en terre,
a perdu sa vertu en même temps que sa po-
sition primitive, et la Mi-Carême est de plus
en plus introuvable. »
* *
fj Le pays Dunois offre, en grand nombre, de
beaux spécimens de pierres celtiques. Peu de
légendes s'y rattachent aujourd'hui ; mais leur
désignation indique bien l'origine qu'on leur
ET DU PERCHE 85
a prêtée. La personnification de la force, sous
le nom du géant populaire, Gargantua, y est
représentée : à Alluyes, par le Palet-de-Gar-
gantua ; au château de Thoreau, rive gauche
du Loir, par un dolmen et un menhir appelés
Palet et Quillette de Gargantua ; sur la Conie,
près du parc de la Brosse, par le Palet-de-
Gargantua.
Toury, possède aussi une Pierre de Gargan-
tua. Le géant, en suivant la grande route
de Paris à Orléans, se débarrassa, en cet
endroit, d'un petit caillou qu'il retira de
son soulier : ce caillou c'est la Pierre de
Gargantua.
Près d'Illiers, se trouvent la Pierre-La'ce
de la Nicoltière, la Pierre- Piquée de Feuge-
rolles ou de Montjouvin ; le grand dolmen
de Quincampoix.
Près de Bonneval, on remarque le peulvan
de Dangeau ; le cromlech de Saint-Maur, ac-
compagné d'un peulvan et de deux dolmens.
A Villeau, près de Voves, on voit le dol-
men de la Pierre-au-Grée. Plus près de Vovcs,
celui des Genièvres.
86 FOLK-LORH DE LA BEAUCE
Vers la Conie, se dresse le beau dolmen,
dit Pierre-de-Saint-Marc, qui, placé sur une
source, fut le but d'un pèlerinage très suivi
jusqu'à la Révolution ; le dolmen de Couvre-
Clair de Neuvy-cn-Dunois, encore en par-
fait état ; la Pierre-Couverte de Civr}' ; la
Grosse-Pierre de Péronville.
Prés de Nottonvillc, une vaste enceinte de
pierres est connue sous le nom de Bal-des-
Dames de Bainville. La chronique locale rap-
porte qu'en cet endroit trois figures vêtues
de blanc viennent pendant l'Avent danser, la
nuit. Cette légende populaire, très accréditée
dans le pays, rappelle les hôtes fantastiques
des monuments bretons et se fait probable-
ment l'écho de la tradition qui veut que ces
enceintes aient servi de lieux de réjouissances
publiques aux premiers habitants de nos con-
trées.
Sur le bord du Loir, près de l'ancienne voie
ET DU PERCHE 87
romaine d'Orléans au Mans, se trouve le dol-
men de Fréteval (Loir-et-Cher) qui délimita
apparemment le Dunois du Vendômois, Non
loin de Sargé (Loir-et-Cher) on voit deux rocs
isolés connus sous le nom de Pierres-du-Breuil,
qui, suivant la tradition locale, tournent sur
elles-mêmes le jour de Noël, à minuit. La
superstition populaire accorde la même fa-
culté au menhir conique situé tout prés de
Vendôme, sur la route de cette ville à Blois.
* *
Gargantua a marqué son passage dans
l'Orléanais. Il a laissé un palet et une drue à
Saint-Sigismond (Loiret). Dans les environs
de Beaugency, se trouvent deux dolmens,
distants entre eux de trois lieues, et appelés,
l'un Pierre Tournante, l'autre Pierre d^Orcières.
D'après la tradition, le géant posait en
même temps un pied sur chacune de ces
pierres.
De même qu'à Saint-Sigismond, le géant
88 rOLK-LORE DE LA BEAUCE
a laissé à Tripleville, près d'Ouzouer-le-Mar-
ché (Loir-et-Cher) un palet et une drue
comme monuments de ses jeux.
Une légende, semblable à celle de Toury,
prétend qu'en suivant la route de Vendôme
à Blois, le géant se débarrassa, au hameau du
Temple (Loir-et-Cher), d'un gravier qui le gê-
nait dans sa chaussure ; c'est la Tierre-Levée^
dite aussi le Gravier de Gargantua,
A Verdes (Loir-et-Cher) se trouvent les Lu-
nettes de Gargantua : c'est une pierre longue
de dix pieds et échancrée par le milieu. Sur la
même commune, on voit la Soupière de Gar-
gantua. Les gens du pays donnent ce nom à
une grande excavation, voisine d'un tumulus
et de pierres qui rappellent les temps drui-
diques.
Les pierres, dites de Gargantua, se ren-
contrent dans toute la France ; mais elles sont
surtout nombreuses dans les départements
d'Eure-et-Loir, de Loir-et-Cher et du Loiret.
Or Rabelais a habité longtemps le château de
Glatigny, situé commune de Souday, prés de
Mondoubleau (Loir-et-Cher), presque à la li-
mite de ces trois départements. L'immense
ET DU PERCHE 89
cheminée de la cuisine existe encore et
porte toujours le nom de Cheminée de
Gargantua,
Doit-on en inférer que ces appellations
multiples tiennent au voisinage de Thabita-
tion de Rabelais ? que Tauteur étant connu
dans la contrée, les légendes se sont formées,
nombreuses, en souvenir du héros fameux ?
Oui, si Rabelais est l'inventeur du person-
nage mythologique de Gargantua. Mais si,
comme on Ta prétendu — à tort peut-être
— , les légendes du héros gigantesque re-
montent à l'époque celtique, Rabelais, alors,
n'aurait fait qu'emprunter à la tradition po-
pulaire et le nom de son héros et ses histoires
fabuleuses. Dans ce cas, l'auteur n'aurait
choisi, pour résidence, le château de Glatigny
qu'afin d'être au centre même de cette tradi-
tion.
Quoi qu'il en soit, hercule gaulois ou
géant plus moderne, la mémoire de Gar-
gantua s'est conservée fidèle dans les plaines
de la Beauce, principal théâtre de ses
exploits.
90 FOLK-LORE DK LA BEAUCE
Quoique moins riche en monuments méga-
lithiques que la Beaucc, le Perche en possùde
quelques-uns assez remarquables. De ce
nombre est la Grosse-Pierre de la Madeleine-
Bouvet, connue sous le nom de Fontaine de
Sainl-Lniimcr, et dont la célébrité a été rap-
portée au chapitre des Fontaines sacrées.
Sur les confins du Perche et de la Nor-
mandie, dans la commune de Mont-Merrey,
à trois kilomètres de Mortrée, se trouve le
Camp de César, appelé aussi le Châtellier.
Cest un plateau élevé de la forme d'une
ellipse, mesurant environ 15 arpents. Nos sa-
vants ne sont pas d'accord sur Torigine de ce
camp ; ils voient là, les uns un camp romain,
les autres un camp gaulois. Sans prendre part
à leur controverse, disons — et la légende nous
viendra en aide — qu'il s'agit vraisembla-
blement d'une enceinte druidique, occupée
tour à tour par les Gaulois et par les Romains.
ET DU PERCHE 9I
Sur une colline qui forme comme un
versant du camp de César, se trouve une large
pierre affectant la forme d'un carré long et
supportée par trois autres pierres à demi
enfouies dans le sol. Pour nous, c'est un dol-
men ou autel druidique ; pour les habitants
du pays, c'est la Pierre- Tourfwire. A quelques
mètres plus loin se trouve un autre dolmen,
identique comme forme, mais de dimensions
plus restreintes. Si un léger doute s'élevait
dans l'esprit du touriste, au sujet de l'usage
de ces monuments anciens, ce doute s'éva-
nouirait aussitôt en apercevant, non loin de
là, d'un côté la chaire en pierre où siégeait
le chef des Druides, et, un peu plus bas, une
petite fontaine dont les eaux servaient aux
ablutions rituelles. Deux menhirs abattus
se trouvent l\ quelque distance du grand
dolmen.
Ces lieux, jadis témoins des cérémonies
druidiques et des sacrifices humains, aujour-
d'hui silencieux et déserts, sont l'objet de
légendes bizarres. Les a anciens » racontent
que le dolmen, ou plutôt Iz^ierre-Tournoire,
cache un trésor immense. Mais, comme il
92 FOLK-LORE DE LA BEAUCE
recouvre la demeure du diable, personne
n'ose y toucher. Un jour, cependant, les habi-
tants de Mont-Merrey attelèrent tous leurs
chevaux après la pierre qui résista à cet
effort.
Au dire des braves Percherons, chaque
année, la veille de Saint-Jean, au soleil
levant, la pierre se dresse d'elle-même et
aussitôt retombe lourdement. A' certains
jours, des milliers d'ombres fantastiques
sortent de terre. Ce sont des guerriers de
Vancien temps qui deux à deux défilent devant
leurs chefs ; parfois ils s'arrêtent, puis
reprennent leur marche silencieuse et s'éva-
nouissent, avec les brumes, dans les premiers
rayons du soleil.
A Condé-sur-Laison, il y aurait une pierre
druidique, nommée la Pierre-Cornue, qui, au
premier chant du coq, s'ébranle et descend
vers la grande fontaine pour s'y désaltérer.
A Saint-Cyr-la-Rosière (Orne), au lieu
dit « La Pierre du Sablon » non loin du dol-
men la Pierre Procureiix, se trouvait, dit une
légende, un trésor caché ; ce trésor s'ouvrait
également pendant la nuit de Noël ; mais tou-
ET DU PERCHE 93
jours par crainte des mauvais esprits qui le
gardent, les paysans des environs n'osaient
jamais s'en approcher.
Il a disparu quelques spécimens de ces
beaux débris d'une civilisation qui, ne sachant
pas écrire, savait signer les traces de son
passage en caractères durables. Les autres
sont appelés peut-être à subir le môme sort.
Leurs fragments serviront à empierrer les
chemins et leur emplacement sera cultivé. Il
était donc intéressant d'en fixer le souvenir
dans cet ouvrage composé des traditions et des
choses du passé. Nous pourrons ainsi nous
reporter par la pensée en ces temps lointains,
avec ces témoins imposants de la force de
nos ancêtres : pierres-couvertes, couchées,
trouées, clouées ou couverclées, fixées, fi-
chées, piquées ou levées, et les légendes mer-
veilleuses ou fantastiques des trésors cachés,
des géants ou des fées.
94 1 OLK-LORE DE LA BEALXE ET DU PERCHE
Tous ces contemporains de l'humanité
primitive sont peut-être la plus belle parure
de notre contrée. Quoique muets, ils nous
parleront de nos ancêtres et nous initieront à
leurs cultes, à leur vie même, à laquelle nous
pourrons prêter toutes les nuances, toutes les
sublimités, comme aussi tout le réalisme
dont elle était faite. Nous avons essayé d'en-
registrer les noms de ces antiques débris et
les croyances qui y sont attachées, sans nous
préoccuper de savoir s'ils composaient un
alphabet mystique figurant par sa forme l'ini-
tiale des membres du panthéon de la théo-
logie gauloise : Esus ou Hms^ le terrible,
l'être suprême des Gaulois; Tentâtes, le père
des hommes ; Camul, le Mars gaulois ; Crom^
d'où cromlech, la courbe sans commence-
ment ni fin ; Tarann le Zens (Jupiter) ; Kori^
dwciiyh fée blanche i la nature.
Jt
§ IV. — Culte des Arbres.
A forêt Carnute avait un caractère
sacré. C'était le lieu de réunion
générale des Druides gaulois. Les
dolmens et les menhirs qui par-
sèment nos contrées sont, nous venons
de le voir, les vestiges irrécusables de cette
époque. Une vaste clairière s'est formée au
milieu de cette forêt : le plateau delaBeauce.
Il ne reste de l'immense forêt Carnute
que la ceinture qui comprend : au nord, en
allant vers l'est, les forêts de Dreux, de Ram-
bouillet ; au sud, celles de l'Orléanais et du
Blaisois ; à l'ouest, le bocage Percheron, ré-
gion forestière par excellence qui vient se re-
lier à la forêt de Dreux. Les essences forestières
étaient très variées dans l'antique forêt Car-
nute, et très remarquables les espèces du
chêne sur lequel les Druides cueillaient le gui
96 FOLK-LORE DE LA BEAUCE
symbolique. C'est également sous ces arbres
sacres que les Druides rendaient leurs juge-
ments, que les Romains appelaient par dérision
Injustice du chêne. De là, chez cette nation pri-
mitive, le culte matériel des arbres, et en par-
ticulier des chênes, allant de pair avec celui
des fontaines et celui des pierres.
Comme pour les fontaines, le clergé lutta
contre ces vestiges de paganisme et les con-
ciles ordonnèrent aux évéques d'empêcher
d'adorer les arbres, les pierres et les forêts
(Arles 442 ; Auxerre 585 ; etc). Les mêmes
moyens furent employés ; les arbres vénérés
reçurent une niche dédiée à la vierge ou
aux saints.
Le chêne de La Loupe y situé sur la levée
de l'étang, est vieux de quinze siècles au
moins. Cet ancien roi de la forêt disparue a 14
mètres de circonférence à la base, 15 mètres
de hauteur et 25 mètres d'envergure. Ce
ET DU PERCHE 97
chêne a sa légende. Dans une Crevasse du
tronc, on place une statuette, protégée par un
grillage, représentant la Vierge tenant TEn-
fant-Jésus dans ses bras. On raconte qu'en
181 5, les Prussiens brisèrent cette statuette.
Pendant qu'on la frappait, on vit des pleurs
couler de ses yeux, et, dans la nuit même, à
la place de la statuette brisée, poussaun cham-
pignon qui en avait exactement la forme.
D'après une autre version, cet événement
aurait eu lieu pendant la Révolution.
Le Perche possède d'autres témoins de
l'âge celtique : le chêne du bras de LouvillierSy
doyen de la forêt de Senonches ; celui de
Manouyau, sur la commune de Fontaine-Si-
mon ; celui de Saint-Denis-des-Tuits, appelé
Chêne-Doré^ en souvenir de la tradition drui-
dique du gui cueilli avec une faucille d'oi*.
Ce chêne, de même hauteur que celui de la
Loupe, n'a que lo mètres de pourtour à sa
base ; son tronc est entièrement creux.
Un vieux et beau houx, situé au hameau
de VOrme, commune de Fraié^ a été jusqu'au
milieu du XIX^ siècle l'objet d'une vénéra-
tion spéciale et un but de pèlerinage pour la
7
98 FOLK-LORE DE LA BEAUCE ET DU PERCHE
guérison de certaines maladies. Son tronc et
ses branches étaient garnis de rubans attachés
par les pèlerins. Une croix, dédiée à la Vierge
et à saint Evroult, remplace aujourd'hui ce
signe ancien de dévotion.
Somme toute, il reste bien peu de ces
chênes géants qui peuplaient la forêt Carnute
au sein de laquelle les druides déposaient
leurs sépultures.
*
* *
D'autres arbres, pour être beaucoup plus
jeunes, n'en sont pas moins respectables :
les six maronniers du plateau de Saint-Jean,
à Nogent-le-Rotrou, qui passent pour avoir
été jT/lantés de la main même de Sully ; le
chêne de Saint-Louis^ dans la forêt de Bellême,
sur la commune de Saint-Martin-du-Vicux-
Bellcmc, sous lequel, d'après la tradition,
saint Louis, venant prendre possession de son
comté du Perche, se serait arrêté et y aurait
attaché son cheval (i 228-1 230).
§ V. — Filles anciennes. — Camps Romains,
— Voies romaines.
|ANS vouloir pénétrer aucunement
dans le domaine de l'archéologie,
examinons sommairement ce que
furent, dans la Beauce contem-
poraine de ces monuments anciens, les
oppida-villes (centres d'habitations), les oppida-
refuges {camps romains), \qs voies commerciales
et stratégiques.
Des villes ou des enceintes retranchées ser-
vant de refuge contre les attaques des peu-
plades ennemies, la plupart ont été détruites
lors de la conquête de César. D'autres ont dis-
paru postérieurement dont on connaît l'exact
emplacement.
Sur le î^rand chemin de Chartres à Sens,
dit chemin de Saint-Mathurin, subsistent ks
vestiges de deux agglomérations considé-
100 FOLK-LORE DE LA BEAUCE
rables de l'époque gallo-romaine, sur les
terrains dits de La Maune et de Sampuy, La
Maune est située au carrefour du grand che-
min d'Orléans à Ablis, par Allaines : son
emplacement est couvert de substructions et
de débris gallo-romains, et on y a trouvé
nombre de médailles datant d'Antonin. Parles
temps de neige, on remarque facilement les
endroits occupés par les puits qui alimentaient
d'eau cette immense cité.
Sampuy est un peu plus loin, à la jonction
du chemin de Blois, entre Allaines et Mérou-
ville. Centre romain couvrant un espace de
400 mètres de long sur 200 de large, son
existence est affirmée par la découverte de
souterrains, de bronzes, de poteries et d'objets
d'art remarquables.
Allaines qX Allonnes, sur le grand chemin
de Chartres à Orléans, points d'intersection
importants, offrent par leur nom {al celtique).
ET DU PERCHE lOI
leur vieux clocher isolé du village moderne,
tous les caractères des stations romaines.
Allonnes en possède d'ailleurs de nombreux
vestiges.
Sur le chemin de Chartres à Bourges, par
Blois, (appelé en Eure-et-Loir chemin de
Bourges ou chemin de Beaugency) à Masson-
ville, près du Gault-Saint-Denis, se trouvait
éo^alement un centre romain dont on a retrou-
vé des vestiges.
Sur le parcours de cette même voie ro-
maine, on trouve près de Saint- Clou d (Eure-
et-Loir) des traces de vilhv romaines authen-
tiques.
Verdes et Ouiouer-le-Doyen (Loir-et-Cher)
furent des stations romaines considérables à
en juger par les constructions, monnaies et
objets de cette époque, mis à jour il y a un
demi-siècle.
Les restes romains découverts au carrefour
de Tourouvre, formé par le grand chemin de
Chartres à Bayeux (dit Vieux Chemin Chartrain)
Qt\e Grand Chemin Perrey d'Evreux au Mans,
accusent l'emplacement d'une station très
importante.
102 FOLK-LORE DE LA BEAUCE
M. de Boisvillette, dont le savoir nous
guide au milieu de ce réseau d'anciens che-
mins peu connus, a découvert à Montemaiity
outre une belle villa romaine, de nombreux
restes celtiques qui permettent d'affirmer
qu'en cet endroit se trouvait un centre d'une
certaine importance. Montemain est situé près
de Saumeray,sur le chemin de Chartres à Brou.
Trois villes sont restées assises sur leur
emplacement primitif : Chartres (Aulriciim)y
l'ancienne capitale ; Orléans (Genabum), l'en-
trepôt commercial de la Méditerranée à
l'Océan ; Dreux, (Durocassiutn), sur la route
de la Loire à la Seine.
* *
Les camps romains, appelés communément
Camps de César, sont d'une authenticité discu-
table, bien que la tradition leur ait conservé
cette appellation.
Le camp dit de Plancus (lieutenant de
J. César) est le plus important dans nos con-
ET DU PERCHE 10 3
trées ; il est placé à deux kilomètres au sud
de Maintenon.
Le camp de Saint-Mandé paraît également,
par sa forme et par sa position, remonter à
cette époque. Situé sur le grand chemin de
Chartres à Bourges, il coupe la distance de
Chartres à Blois et garde le passage.
Il en est de même du petit camp situé
commune de Landelles^ près de Courville,
il est caché dans le bois des Fourches, au
carrefour des chemins de Chartres à Bayeux
et de Chartres à Jublains et Rennes.
On cite encore le camp des Marnières, un
peu au nord de Prudemanche ; le camp de
Songé (Loir-et-Cher), forte position sur le
cap avancé de la Braye et du Loir.
La tradition, nous l'avons déjà dit, attri-
bue sans hésitation ces camps aux Romains,
mais latradition n'est rien moins qu'historique;
elle a souvent donné prise à la fantaisie et à
l'erreur en attribuant aux ancêtres ce qui
était l'œuvre des descendants. Ici, d'autres
faits, cependant, la corroborent ; la forme et
l'emplacement de ces camps qui répondent
bien aux règles établies par la castramétation
104 FOLK-LORE DE LA BEAUCE
romaine. Et enfin, la résistance acharnée des
Girnutes à l'invasion romaine donne une
vraisemblance incontestable à la construction
par l'envahisseur de ces camps retranchés.
Joignant à leur esprit d'indépendance gau-
lois le fanatisme religieux druidique, les
Girnutes furent, en effet, les premiers à lever
l'étendard et les derniers à soutenir la lutte
avec Vercingétorix. Il était donc naturel,
pour les soumettre, que les Romains éta-
blissent ces camps qui dominaient et com-
mandaient les clairières où se trouvaient
placés les autels druidiques.
En dehors des gratids chemins mentionnés
plus haut au sujet des villes disparues, il
faut citer celui de la Seine à la Loire, dit de
Chartres à Orléans, qui se continue par
Dreux et Evreux ; celui de Reims, Etampes,
Chartres et le Mans ; celui de Chartres vers
Tours, par Châteaudun et Vendôme. Il reste,
ET DU PERCHE I05
en outrC; nombre de voies anciennes qui
reliaient vraisemblablement des cités et des
camps aujourd'hui disparus. Ces chemins,
fortement bloqués et bien pavés servaient
aux Carnutes pour leurs transports commer-
ciaux de la Seine à la Loire, pour leur im-
portation et exportation de voisinage.
Les chemins sont appelés communément
chemins de César, voies romaines. Sont-ils
antérieurs à cette époque ? Datent-ils réelle-
ment des Romains ? On ne peut sur ce point,
de même que sur les camps, se fier à la tra-
dition, qui a gardé un souvenir vivace de
l'invasion romaine et s'est faite, par suite,
l'écho de ces appellations.
*
* *
De vastes souterrains, à galeries multiples,
existaient en nos contrées : on les attribué,
pour la plupart au moyen âge. On les désigne
sous le nom de Croth-aux-Fées, (ou encore
Groties-aiix-Fces), Le Croth-aux-Fées de Char-
I06 FOLK-LORE DE LA BEAUCE
très se prolongeait souterrainement vers Fon-
taine-la-Guyon, sur une distance de plus de
trois lieues ; celui de Dreux mettait en com-
munication le château de cette ville avec Fer-
mincourt . Ne remontraient-ils pas plutôt à
l'époque gauloise ? Le nom celtique, Croth,
indiquerait bien que ces galeries étaient la
demeure des prêtresses du culte druidique.
D'ailleurs César affirme dans ses Commen-
taires que les Celtes excellaient à creuser des
voies souterraines qui, au moment de l'inva-
sion ennemie, leur servaient d'asiles secrets
pour s'y cacher avec tout ce qu'ils possédaient.
Chartres et ses environs possèdent — nous
l'avons vu plus haut — des souterrains de
vastes dimensions. Les distributions inté-
rieures et les étages superposés forment de
véritables labyrinthes dont les galeries
montent, descendent, se communiquent,
s'entrecroisent, et peuvent avoir, dans leur
ensemble, une longueur de plusieurs lieues.
Ces asiles secrets offraient, en cas de guerre,
un refuge sûr qui fut utilisé, en 1870, par les
Beaucerons pour y cacher butin, mobilier,
grains, bestiaux même.
ET DU PERCHE I07
Ces souterrains étaient encore appelés
Grottes des Vierges, des Sybilles, et comme ils
se trouvent toujours voisins d'anciennes lo-
calités gauloises, ils doivent avoir servi de
demeures aux prétresses druidiques, non
moins vénérées que les druides eux-mêmes.
Ces prêtresses, auxquelles les légendes accor-
daient une puissance bienfaisante ou terrible,
formaient, comme les druides, des espèces de
communautés monastiques ou collèges et se
liaient par des vœux de chasteté. Vêtues
d'une robe noire, les cheveux épars, elles
prenaient part aux cérémonies sanglantes et
remplissaient elles-mêrnes les rites barbares.
En résumé, ces sombres demeures nous
reportent bien aux temps du fanatisme drui-
dique dont les Contes de fées ont conservé,
dans la naïveté des impressions populaires,
les vagues et effrayants souvenirs.
«
CHAPITRE II.
LA MT'îDECINE RELIGIEUSE (suite) :
SAINTS PROTECTEURS ET GUÉRISSEURS.
§ P"" — Les Voyageuses,
m
JOUR soulager leurs maux ou gué-
rir d'une maladie, nos ancêtres
avaient recours tantôt aux remèdes
populaires, tantôt aux moyens em-
piriques, ou encore aux secrets des sorciers.
Dans nos campagnes, la guérison était
surtout demandée aux saints. Pour ces naïfs
croyants, la puissance divine disparaissait
devant la puissance spéciale de guérir attribuée
à chaque saint. On ne demandait pas son
intercession, on invoquait son pouvoir ; et,
bien souvent, Tinvocation n'allait pas au delà
1 10 FOLK-LORE DE LA BEAUCE ET DU PERCHE
de la représentation matérielle du saint, elle
s'adressait directement et uniquement au per-
sonnage de bois ou de plâtre.
Jusqu'à notre époque, cette tradition s'est
conservée et la foi est surtout vive en temps
d'épidémie. Certains saints sont l'objet de pè-
lerinages très fréquentés ; la ferveur popu-
laire les invoque en des prières et oraisons
particulières, non seulement dans les cas de
maladie, mais encore pour obtenir la pluie ou
le beau temps, Téloignement de la grêle, la
réussite d'une entreprise...
Plusieurs de ces saints, aux noms plus ou
moins apocr^^phes (saint Gall, saint Charbon,
saint Mamard, saint Genou, saint Raboni,
etc.) provoquent les maladies qui portent
leur nom et les guérissent ensuite.
* *
Si Pon est atteint d'un mal de sainte on doit
aller en pèlerinage (on dit : en voyage) dans
l'église où se trouve le saint. Certaines églises
ET DU PERCHE I T I
de la Beaucc et du Perche possèdent des
saints dont la réputation de guérir s'étend
très loin. En dehors des pèlerinages à date
fixe, on fait isolément des voyages auprès de ces
saints : on fait brûler des cierges en son hon-
neur ; on se fait dire des évangiles ; on touche
le saint avec un objet que portera le malade ;
on lui attache au cou, au bras, à la jambe,
un ruban ; on fait des neuvaines .
Le malade n'est pas tenu d'aller lui-même
en voyage auprès du saint. Il existe des
femmes qui font métier de voyager ; on les
appelle d'ailleurs voyageuses. On les consulte
d'abord sur le genre du mal et sur le saint
qu'il faut invoquer. Expertes en la matière,
elles indiquent la maladie et, dès le lendemain,
se mettent en route. Elles désignent quel-
quefois deux ou trois saints comme devant
être invoqués : c'est alors deux ou trois
voyages à accomplir en des lieux différents et
parfois très éloignés.
La voyageuse part de grand matin, à jeun
et à pied ; elle prie au départ, elle prie en
chemin, elle prie au terme du voyage, elle
prie au retour, elle prie toujours. Elle em-
112 FOLK LORE DE LA BEAUCE ET DU PERCHE
porte dans un panier >sa maigre pitance qu'elle
ne doit manger qu'après avoir accompli au-
près du saint tous les rites traditionnels. A
son retour, elle rend son voyage, c'est-à-dire
fait une dernière prière à la maison et prend
généralement part au repas de la famille du
malade.
On prête aux voyageuses des vertus parti-
culières ; leur renommée est grande. Bien
des malades, qui pourraient eux-mêmes ac-
complir le voyage, préfèrent s'adresser à
elles. Ils croient que les voyageuses possèdent
des pouvoirs particuliers, que leurs relations
suivies avec les saints les rendent familières
à ces derniers, en un mot qu'elles obtiennent
plus sûrement la guérison.
^ II. - Le Berceau de saint Biaise,
•VANT de parler de nos contem-
porains, nous jetterons un coup
d'œil rétrospectif sur la vogue
dont jouit, du XI® à la fin du
XVIII<^ siècle, saint Biaise, guérisseur des
aliénés.
En ce temps-là, !es infortunés atteints d'a-
liénation mentale n'avaient d'autre asile que
ia prison où, dans un cachot obscur et in-
fect, ils restaient jusqu'à leur mort, menottes
aux mains et fers aux pieds. Ils étaient sou-
vent considérés comme frappés par la colère
divine et la science médicale, à l'état d'enfance
sur ce point, n'essayait nullement d'opérer
leur guérison. C'est pourquoi les parents de
ces malheureux tentaient d'apitoyer Dieu sur
leur sort.
La grotte de saint Biaise de l'église de Saint-
8
114 FOLK-LORE DE LA REAUCE
Maurice-lùs-Chartres était un lieu de pèle-
rinage réputé par le grand nombre de guéri-
sons obtenues. Dans la grotte se trouvait le
Berceau de saint Biaise, sorte de couchette
faite de fortes pièces de bois de chêne et
garnie de ferrures servant à maintenir les
aliénés furieux pendant la neuvaine accom-
plie à leur intention par les membres de leur
famille. Tout le pays chartrain et même les
provinces limitrophes envoyaient là leurs
malades. De telle sorte que la grotte devenant
trop exiguë, un local, en dehors de l'église,
fut aménagé aux mêmes fins, vers la fin du XV^
siècle. Deux siècles plus tard, on dut agrandir
le local devenu insuffisant. Pendant la neuvai-
ne, le malade ne devait pas quitter la grotte qui
renfermait le Berceau de saint Biaise. Chaque
jour, le chapelain disait la messe à son in-
tention, récitait un évangile en lui posant son
étole sur la tête ; sa famille communiait pour
lui et versait son offrande dans le tronc de la
chapelle. Une redevance de cinq sols par
jour était due au chapelain pour la paille
mise dans le Berceau. Les dons en nature,
jambons, œufs, fruits, chandelles, filasse, de-
ET DU PERCHE II5
venaient aussi le profit du chapelain. Ces
offrandes étaient nombreuses, car saint Biaise,
suivant la naïve croyance de nos ancêtres,
possédait, en outre, le pouvoir de guérir les
maladies des enfants et celles des bestiaux.
*
Lorsqu'un cheval était malade, on le pro-
menait autour de l'église et de la Grotte ; si le
cheval guérissait peu de temps après cette
promenade, son propriétaire clouait au-dessus
de la porte de la Grotteun de ses fers en guise
d'ex-voto, (i)
(i) Cette coutume des ex-voto se retrouve assez
fréquemment en France : à la porte de Téglise de
Palada (Pyrénées-Orientales), à celle de la cathé-
drale d'Embrun (Hautes- Alpes). (Bulletin monu-
mental, t. 31, p. 87).
Anciennement, il était d'usage dans la Beauce,
lorsqu'un maréchal-ferrant s'installait dans une
commune, qu'il clouât sur la porte de l'église des
fers neufs, pour indiquer qu'il mettait ses travaux
sous la protection divine.
Il6 rOI.K-I.ORE DE LA BEAUCE ET DU PERCHE
Aujourd'hui encore, dans nos campagnes,
certains paysans ont plus de confiance dans
les prières, dans les procédés empiriques,
dans les recettes surannées d'un ancien ma-
réchal que dans les connaissances scientifiques
du vétérinaire.
Saint Biaise fiit jusqu'à la Révolution Tob-
jet d'un véritable culte en notre pays char-
train où l'expression « avoir été mis dans le
berceau de saint Biaise » était considérée
comme une injure, un propos diffamatoire
pour celui à qui elle était adressée
§ III. — A Chartres.
A. S. Morin a dresse la Statistique
Hagiographique d'Eure-et-Loir ;
nous profilerons du fruit de ses
recherches sur cette matière ,
après les avoir toutefois expurgées de leurs
commentaires et complétées par les rensei-
gnements que nous avons personnellement
recueillis.
*
Cathédrale. — l^ierge Noire
ou Vierge de sous-terre.
D'après les hagiographes chartrains, le
culte de la Vierge Noire (dans la Crypte)
remonte à plus d'un siècle avant la naissance
de Jésus-Christ ; les Druides avaient élevé un
Il8 FOLK-LORE DE LA BEAUCE
autel à la Vierge qui devait enfanter le Sau-
veur du monde, Virgini pariturx. Elle fut
toujours Tobjet d'un grand nombre de pèle-
rinages. On lui attribue des guérisons por-
tant sur toutes maladies. Elle est surtout in-
voquée pour faire cesser la stérilité des
femmes : plusieurs reines de France, parmi
lesquelles Anne d'Autriche, sont venues en
pèlerinage auprès de la Vierge Noire de
Chartres.
* *
Le Puits des Saints-Forts.
Dès le premier siècle de notre ère, le chris-
tianisme se répandit sur toute la Gaule, fai-
sant de nombreux adeptes. Mais tandis que
le paganisme expirait sur presque tous les
points du sol celtique, il se maintenait avec
obstination chez les Carnutes attachés à leurs
mœurs et à leur culte druidique. Vaincus,
mais non soumis parles Romains, ils restaient
les ennemis acharnés de tout ce qui venait
ET DU PERCHE 119
de Rome. Or, le christianisme, étant prcchc
par des missionnaires romains, devait les
trouver réfractaires à cette nouvelle religion.
Aussi les premiers apôtres qui pénétrèrent
dans le pays chartrain furent-ils massacrés.
Ceux qui se convertirent au christianisme
subirent le même sort.
Le puits des Saiiils-Forls, situé dans la
cr}'pte de la cathédrale de Chartres, aurait,
suivant la tradition, reçu les cadavres des
premiers martyrs chrétiens : de là son nom.
En 858, un certain nombre de Chartrains,
dont révêque Frotbold, furent égorgés par
les Normands et jetés dans ce puits. De tout
temps des malades vinrent en pèlerinage in-
voquer les Saints-Forts et puiser de l'eau
pour se guérir. Démoli et comblé vers 1850,
Torifice était si habilement dissimulé sous de
nouvelles constructions qu'on n'avait pu de-
puis lors en retrouver l'emplacement. Des
fouilles longues et difficultueuses faites au
commencement de 1901 ont permis de re-
trouver ce puits antique, dont l'histoire est
associée à celle de nos plus loitaines origines.
120 rOLK-LORE DE LA BEAUCE
* *
Dans un bas-côte de la cathédrale se trouve
la Ficrge du Pilier, qui est l'objet d'un pèle-
rinage des plus fréquentés de la chrétienté.
Elle date du commencement du XVI« siècle.
On l'appelle encore Notre-Dame du Pilier ou
Notre-Dame de Chartres et même rierge Noire
(comme celle de la crypte) à cause de son
visage brun noirâtre. Son culte a éclipsé ce-
lui de toutes les vierges de la contrée. On y
amène des milliers d'enfants le 8 septembre.
Une quantité de cierges brûlent chaque jour
devant elle, et un chapelain se tient en per-
manence pour dire des évangiles. Un nombre
considérable d'ex-voto sont suspendus en
guirlandes le long des murs ; tous les pèle-
rins baisent le pilier qui supporte la Vierge.
On invoque la Vierge du Pilier pour toutes
les maladies.
ET DU PERCHE 121
*
4: *
Les malades — • mais en moins grand
nombre — ont également recours à Notre-
Dame de Pitié, à Notre-Dame des Sept-Doiikurs y
placées dans des chapelles au bas du clocher
neuf et du vieux clocher.
*
* *
Sur le vitrail d'un bas-cote du chœur est
représentée la Vierge que, pour cette raison,
on appelle Notre-Dame de la Belle- Verrière.
La couleur du vitrail lui a fait donner le nom
de Vierge Bleue, Comme elle suggère de
bonnes inspirations à ceux qui Tinvoquent,
on la nomme Notre-Dame de Bon-Conseil.
Enfin, comme elle accélère la maladie dans
un sens ou dans Tautre, on l'appelle encore
Notre-T)ame d'aller ou venir.
122 FOLK-LORE DE LA BEAUCE
Les principaux saints qui ont leur statue
dans la cathédrale sont :
Saint André, qui guérit de la coqueluche ;
Saint Charbon, qui guérit du charbon ;
Sainte Christine, qui guérit les maux de
dents et préserve de la morsure des bêtes
venimeuses ;
Saint Clair, qui guérit la cécité et les maux
d'yeux ;
Saint Joseph, qui guérit les maux de jambes ;
Sainte Venice et sainte Véronique, qui sont
invoquées par les femmes pour les indispo-
sitions auxquelles elles sont sujettes. Sainte
Venice a eu sa statue et son culte à l'église
Notre-Dame de Nogent-le-Rotrou, et à Ceton,
dans l'Orne, sur les confins d'Eure-et-Loir.
La cathédrale possède les reliques de saint
Plat et de saint Taurin : le premier de ces
saints procure du beau temps ; le second
donne la pluie.
ET DU PERCHE 12^
*
On invoque à Téglise Saint-Pierre :
Saint Marcow, contre les écrouelles ;
Saint SolènCt contre les douleurs rhumatis-
males.
*
On va à l'église Saint-Brice invoquer le
saint patron qui fait parler les enfants. On
fait bénir une brioche dont l'enfant mange
pendant les neuf jours de la neuvaine.
*
* *
La chapelle de Saint-Jclien possùde douze
statues de saints :
Sainte Catherine de Sienne guérit les maux
de jambes et les maux de sang ;
124 FOLK-LORE DE LA BEAUCE
Saint Maur^ les douleurs rhumatismales et
le croup ;
Saint V vain y les enfants en langueur ;
Saint Eutropc, l'hydropisie ;
Saint André, les rhumes ;
Saint Jean- Baptiste, le feu de Saint-Jean ;
Sainte ApolVme, les maux de dents ;
Saint Antoine^ le feu de Saint Antoine ;
Saint EvrouU., les fleurs de Saint-Evroult ;
Saint ////;^;/, le feu de Saint-Julien ;
Sainte Radec^oudc, les dartres ;
Saint Joseph, tous les maux.
* *
Danslachapcllede I'Hôtel-Dieu se trouvent
les Jers de saint Léonard (on dit à la cam-
pagne : saint Liénard), qui servent à faire
marcher les enfants. Cest une tringle de fer,
cylindrique, d'un mùtre de longueur environ,
dans laquelle sont engagés et glissent libre-
ment quatre anneaux de fers. Le 9 mai, beau-
coup de femmes de la campagne amènent
ET DU PERCHE 12
leurs petits enfants à la messe qui est célébrée
ce jour-là dans la chapelle. On passe les
jambes et les bras de Tenfant dans les anneaux,
on fait brûler un cierge devant le saint et on
fait dire un évangile pour Tenfant. Cette
coutume superstitieuse n'est respectable que
par son ancienneté. Elle se pratiquait bien
avant le XVII® siècle, puisque J.-B. Thiers,
le savant théologien, l'ennemi des supersti-
tions, la signale à peu près en ces termes :
« Faisant allusion à son nom — allusion
aussi naïve que ridicule - on dit que saint
Liénard lie ou délie. A cet effet, les personnes
affligées de certaines maladies de langueur
se font dire des évangiles de saint Liénard,
afin de guérir ou mourir bientôt. Dans
Téglise de Mellerai, près de Montmirail, il y
avait autrefois une chaîne de fer attachée à
la muraille près d'un autel de saint Liénard,
avec laquelle on attachait les personnes pen-
• dant qu'on leur disait les évangiles de saint
Liénard. Les prêtres de cette église se trou-
vaient bien de cette dévotion, parce qu'elle
leur attirait quantité d'évangiles et de messes
qu'on leur faisait dire, et dont ils étaient fort
126 FOI.K-LORE DE LA BKAUCE ET DU PERCHE
bien payés. Ils s'épargnaient volontiers la
peine d'examiner et de consulter si cette
pratique était superstitieuse. Il fallut Tinter-
vention d'un de leurs amis, plus éclairé, pour
les retirer de cette erreur et pour en désabu-
ser le peuple, en enlevant la chaîne de
l'église. »
§ IV. — Dans la Beauce et dans le Perche.
oici, pour le département d'Eure-
et-Loir, les différentes localités
où les saints ont une réputation
solidement établie :
,y4Uonîîes :
Saint Sulpice guérit maux de sang et maux
de jambes.
Anet a les reliques de saint Lathuiu (ou
Laifj) qui, jusqu'aux invasions normandes,
appartint à Séez.
Arcrenvilliers :
Saint Antoine guérit de la peur et des feux
de saint Antoine.
128 FOLK-LORE DE LA BEAUCE
Anneau :
Saint Maur guérit les douleurs et les
rliumatismes (cf. Culte des Fontaines).
*
Baicrnolet :
i>
Sainte Sébastienne guérit les maladies épi-
démiques et contagieuses.
Beaunwnt'ks-Auteîs :
Sainte Apolline guérit les maux de dents ;
saint Julien, les feux de saint Jean ; saint
GourgoUy les fraîcheurs et les rhumatismes.
BoisviUe-la-Saint'Père :
Saint Laurent guérit les maux de jambes
et les fleurs de saint Laurent.
ET DU PERCHE I29
Bonnevnl :
Saint Gilles guérit de la peur. Il fraternise
avec saint Leu, comme l'atteste ce vieux
dicton local :
Saint Gilles et saint Leu
Guérissent de la peu'.
*Brou :
Saint f^nhin guérit les maux de jambes ;
sainte Claire^ les maux d'yeux ; sainte Félicité,
diverses maladies.
Bruxelles :
Saint Gilles et saint Julien auxquels on
s'adresse simultanément pour les enfants.
Champhol :
Saint DeUis guérit de la rage.
130 FOLK-LORE DE LA BEAUCE
Champrond-en-Gâtine :
Saint Sauveur donne la pluie (Cf. Culte des
Fontaines).
J.-B. Thiers combat, avec un zèle digne
d'un meilleur résultat, les différentes pratiques
superstitieuses de son époque. Il constate que
les évangiles que les gens se font dire, avec
Tétole du prêtre posée sur la tête, est une pra-
tique tolérée par l'Eglise sans figurer cepen-
dant dans aucun missel ni rituel ; mais il
condamne, en la relatant, la coutume étrange
suivante. Jadis, dans les environs de Cham-
prond, les gens atteints de la gale se faisaient
dire un évangile de saint Fiacre en tenant à
la main une chandelle éteinte. Ils agissaient
ainsi dans la pensée que, si la chandelle était
allumée, la gale s'allumerait davantage.
D'autres croyaient que tels jours, telles heures
seulement étaient propices à la guérison et
que, pendant la cérémonie, il fallait se tenir
le menton dans la main droite, ou encore te-
nir le pied droit élevé.
ET DU PERCHE I3I
Charray :
Saint Marcou guérit les écrouelles.
Chassant :
Saint Lubin jouit ici d'un crédit beaucoup
plus grand qu'à Brou. Aux deux jours de
fête annuelle (Commémoration de la Mort
du saint et Translation de ses Reliques)
plusieurs prêtres sont occupés, pendant toute
la matinée, à dire des évangiles pour les
pèlerins. Autrefois, relate J.-B. Thiers, on
avait l'habitude de faire dire des évangiles
de saint Lubin sur un autel pour des per-
sonnes absentes ; dans ce cas, le prêtre met-
tait le bout de l'étole sur l'autel. C'est assez
prouver que les prêtres qui disaient ces évan-
giles, n'étaient ni plus éclairés, ni plus religieux
que les personnes qui les leur faisaient dire.
Saint Gourgon et saint Lubin, guérissent les
douleurs.
132 FOLK-LORE DE LA BEAUCE
ChâtelUers^N^'D, {Les) :
Notre-Dame guérit les maladies des enfants ;
sainte D^esme^ les maux de tête.
Cbuisnes :
Saint Sanctin guérit de la gale. (C/. chap. I^
§ II : Culte des Fontames.) Les malades
enfoncent des épingles dans la statue du
saint pour fixer le mal.
Combres :
Saint Antoine guérit de la peur et, par
surcroît, les maladies des porcs. On va
beaucoup en pèlerinage à Combres, non seu-
lement à saint Antoine, mais aussi à saint
Julien, (éruptions) à saint Roch, (peste) à
saint Loup, à saint Arnoult, à saint Vrain»
(convulsions) à saint Laurents, (mal de dents
des garçons), à sainte Apolline j (filles), i
saint Maur, (douleurs), à samt Marcou,
(ccroucllcs).
ET DU PERCHE I33
Corancei :
Saint Biaise guérit les maladies des enfants ;
saint Laurent guérit les maux de dents et
favorise la dentition chez les enfants.
Coudray (^Le^y près Chartres :
Saint Julien guérit des dartres, du mal de
saint Evroult et des fleurs de saint Julien.
Coudreceau :
Le 3 février, grand pèlerinage à saint
Biaise, qui guérit les maladies des bestiaux.
Dans la chapelle du château de Morissure,
saint Antoine guérit les enfants de la peur.
Coulombs :
Au moyen âge, les moines de l'abbaye de
Coulombs s'enorgueillissaient de posséder
le saint Prépuce de Notre-Seigneur, qui
rendait fécondes les femmes stériles et
134 FOLK-LORE DE LA BEAUCE
procurait d'heureux accouchements. La dé-
votion à cette relique a heureusement dis-
paru, de môme que le culte autrefois rendu
à la Lartt{e du Christ, au Lait de la Vierge^ etc.
Courbehaye :
Sainte Colombe guérit des fièvres.
Croix du Perche (La) :
Saint Biaise empêche les vaches d'avorter.
La personne qui vient l'invoquer, doit être à
jeun.
Dampierre-souS'Brou :
Saint Maur guérit des douleurs et fait
cesser la stérilité des femmes.
Dreux :
Pèlerinage à saint Gilles contre la peur.
ET DU PERCHE I35
*
* *
Favril (JLe) :
Saint Evroult contre le mal de ce nom.
Fouiaine-la-Guyon :
La fête de saint Gourgon, le 9 septembre,
est très fréquentée des pèlerins. On vient
à saint Gourgon pour un grand nombre
de maladies, mais spécialement pour la
gale. Les malades doivent passer sous la
châsse pour obtenir la guérison. Ils vont
ensuite au cimetière faire leur prière et
déposer une épingle sur un des bras de
la croix qui est en fer. Cet acte a pour
but de fixer le mal qui est censé déposé sur la
croix et par conséquent enlevé à celui qui en
souffrait.
Dans la même localité, saint Ambroise gaé-
rit des fièvres, de la gale et rend fécondes
13e FOLK-LORE DE LA BKAUCE
les femines stériles. Là encore, les pèlerins
enfoncent des épingles dans les portes de la
chapelle pour j^.xTr h mal,
Foniaim-Sîmon :
Pèlerinage à sainte Anne. (Cf, chap. I, § II :
Culte des Fontaines.)
Fontenay-sur-Eure :
Saint Eulrope guérit de Thydropisie et saint
Vrain les enfants en langueur ou atteints de
la coqueluche.
Fontenay-sur-Conh :
On va en pèlerinage à l'église pour avoir
de la pluie.
Francoiirville :
Saint Fiacre guérit la dysenterie.
Fra:{è :
Saint Mamcrs guérit la colique ; saint Leu
et saint Gilles^ les convulsions.
ET DU PERCHE I37
Fresfiay-le-Comte :
Pèlerinage à saint Eutrope, qui guérit des
enflures et protège les enfants.
Frétigny :
Saint André guérit de la toux.
Friai^e :
Saint Bhise est très en renom pour la
guérison des bestiaux. La personne qui
vient l'invoquer doit être à jeun. Vers
1850, toutes les communes avoisinantes of-
fraient à ce saint le beurre fait avec le pre-
mier lait des génisses. Chaque dimanche, à
l'issue de l'office, ce beurre était vendu à
l'encan, et le produit employé au paiement
des messes dites, dans le cours de l'année,
pour la conservation des bestiaux.
138 FOLK-LORE DE LA BEAUCE
*
Gallardon :
Saint Mathieu guérit les enfants en langueur.
Gaudaine {La) :
Saint Mammès a le pouvoir d'empêcher les
enfants de crier. On l'appelle saint Criard^
et c'est sous ce nom populaire qu'il était
autrefois connu dans la contrée.
Il y a également un saint Criard dans les
églises de Ceton et de Coulotiges (Orne). Dans
cette dernière localité, les nourrices font
toucher à la statue du saint une chemise que
l'enfant doit porter pendant huit jours.
*
Happonvilliers :
Saint Biaise a ici les mêmes prérogatives
qu'à Friaixe. Le jour de la fête du saint,
ET DU PERCHE 139
on orne sa statue de branches de laurier :
les pèlerins en détachent chacun une feuille
qu'ils déposent dans un baquet plein d'eau,
et ils font boire cette eau à leurs bestiaux,
pour lesquels elle sert de préservatif contre
toutes sortes de maux.
Houx :
Tous les ans, le jour de la Pentecôte, il
y a un pèlerinage au hameau de Villeneuve,
dans la chapelle dite de saint Manier i qui gué-
rit de la colique.
Illiers :
Saint Marcou guérit des écrouelles.
*
* *
La Loupe :
S'il faut en croire la vieille tradition
suivante, en ce temps-là, saint Thibault
(autrefois seigneur de la Loupe, aujourd'hui
140 FOLK-LORE DE LA BEAUCE
son patron) et saint Eliph (seigneur d'un
village voisin) vivaient en mauvaise intelli-
gence :
Un j our, en revenant de la Loupe , saint El iph
entra dans le parc dont saint Thibault était
propriétaire, pour y prendre quelques fraises.
Ce dernier le surprit et lui trancha la tcte
d'un coup de sabre. Comme saint Denis,
saint Eliph reçut sa tête dans ses mains et la
porta jurqu'à son village. Apres ce miracle,
saint Eliph fut béatifié et les habitants du
village le prirent pour patron.
Est-ce à cause de cet acte cruel que saint
TViibault ne jouit dans la contrée d'aucune cé-
lébrité? Cependant quelques pèlerins viennent
l'invoquer contre les feuyi qui portent son
nom.
• II y a un demi-siècle, Leroux de Lincy écri-
vait : « Saint Thibault de La Loupe qui ne
maudit n'y n'absout (^/V). » D'après lui, on
dit dans la contrée de ceux qui ne peuvent
faire ni bien ni mal : <s Ils sont comme saint
Thibault de la Loupe, ils ne maudissent n'y
n'absoudent. »
ET DU PERCHE I4I
Lèves :
Pèlerinage le vendredi qui précède le
dimanche de la Passion à Saint Lazare qui
guérit de la rage, des rhumatismes et fait
parler et marcher les petits enfants.
Dans la même localité, on invoque saint
Gilles qui guérit de la peur. Sa statue est
placée dans une niche d'un mur de la ferme
du Bois-de-Lèves. On noue des rubans aux
barreaux de la grille de la niche.
Levéville-la-Chenard :
On conduit à l'église les enfants qui ont le
carreau (ventre ballonné).
Loiiville-la-Chctiârd :
Saint Pie, dont la châsse est dans l'église,
guérit des maux de tète.
Lîicé :
Saint Pantalcon donne du lait aux nourrices
(Cf. III« partie, chap. I®^, § V : Les Nourrices).
142 FOLK-LORE DE LA BEAUCE
Il préserve, en outre, des couleuvres tout le
territoire de sa paroisse.
Luisant :
Saint Gilles guérit de la peur.
A Bonneval, on associe saint Gilles et saint
Leu ; à Luisant, pour que la guérison soit
complète, il faut invoquer : saint Gilles^ dans
la paroisse ; saint Loup et saint A moult , aux
villages qui portent ces noms. Luisant pos-
sède aussi saint Fiacre, qui guérit les enfants
affligés d'une descente de rectum.
Liimcaii :
Saint Loup guérit de la peur.
Lîtplanlé :
Sainte Philomène guérit les maladies des
enfants.
MaintenoH :
Saint Marner t guérit de la colique.
ET DU PERCHE I43
Mainvilliers :
On va dans cette commune à Toratoire
de la Vierge des Vaux-Roux qui guérit par-
ticulièrement les fièvres. (Lors du service
septénaire, elle faisait obtenir de bons nu-
méros aux jeunes conscrits). Les fiévreux
attachent des rubans aux barreaux de la
grille pour fixer le mal.
Marchéville :
Saint Biaise a les mêmes prérogatives qu'à
Friaiie ; sainte Barhe préserve de la grêle et
de la foudre.
Margon :
Saint Gilles guérit les maladies des enfants.
Marolles :
Sainte Barbe guérit de la fièvre
Après les prières d'usage et la cérémonie
de l'évangile, les pèlerins accomplissent la
pratique superstitieuse suivante : ils grattent
144 FOLK-LORE DE LA BEAUCE
avec un couteau le mur de la chapelle, mêlent
dans un verre d'eau la poussière ainsi obte-
nue, et boivent cette potion pour se guérir
de la fièvre.
Méréglise :
Sainte Corneille guérit les enfants du mal
bleu qui leur fait pousser des cris de corneille
(c'est l'angine couenneuse).
Meslay-h'Grenel :
Pèlerinage très fréquente à saint Biaise,
pour la conservation des bestiaux.
M i^ ni ères :
t
Grande affluencc de pèlerins chaque année,
les 22 mai et 22 octobre, à la chapelle des
Trois-Maricy classée colnmc monument his-
torique pour sa peinture murale. Les Trois-
Marie guérissent des fièvres, de la colique
et d'une foule d'autres maux.
La chapelle a deux entrées ; or, d'après
une ancienne légende, les deux portes ne
ET DU PERCHE I45
pouvaient se fermer en même temps : l'une
restait ouverte pendant que l'autre se fermait,
et cela forcément, par suite d'une puissance
occulte. Aujourd'hui, les deux ' portes se
ferment bien simultanéniënt, et le bedeau en a
les clefs.
Mittainvilliers :
On va à Téglise pour faire marcher les
petits enfants.
Moinville-la-Jeulin :
Saint ^an guérit les panaris.
Moutainville :
Pèlerinage, le 27 septembre, à saint Côine
et saint Datnien qui guérissent des hémor-
rhoïdes,
Montharville :
Pèlerinage, le 8 septembre, à saint Vrain
qui guérit les enfants du mal de ce nom.
On dit qu'ils sont attachés du bon saint Vrain;
ils portent, jusqu'à sept ans, un cordon violet,
que l'on a fait bénir.
10
14^ FOLK-LORB DE LA BEAUCE
Montlgny-'le^Chartif :
Pèlerinage à saint Lié et à saint Délié. Ce
dernier délie les nerfs; on l'invoque pour les
enfants noués. On retrouve, au Perche, ces
mêmes saints, sous les noms de saint Féli
(Félix) et saint ï)éli.
Montigny-le-Gannelon :
Sainte Félicité et sainte Thilomène attirent,
en cette localité, nombre de pèlerins qui
viennent demander la guérison des maladies
des enfants : la peur, les maux de dents, etc.
Montlouet :
Saint Léonard, appelé vulgairement saint
Fort, fortifie les enfants.
Morancei :
Saint Germain guérit la colique chez les
enfants.
Moriers :
Saint Antoine guérit les feux dç Saint-
Antoine,et sainte Anne les boutons de Sainte-
Anne.
ET pu PERCHE 147
MoUflhard :
Saint Marcou guérit les écrouelles.
Nogent'le-Roirou :
L*église Notre-Dame possédait atitrefois
sainte Venke (Cf. 11^ partie, chap. II, § Ht :
Cathédrale). A Téglise Saint-Laurent, sont
invoqués saint Gilles^ dit saint Criard ; sainte
ApollinCy contre les maux de dents ; saint Féli
et saint Déli, pour les enfants noués ; le pa-
tron, saint Laurent, guérit la colique et les
maux de dents. Dans Tancienne église ab-
batiale de Saint-Denis, saint Boudard et saint
Criard guérissaient autrefois^ chez les enfants,
les deux défauts représentés par les statues.
NonvilliçxS'Gfandhoux :
Dans l'église pa^oissi^le^sairxt ÇçurgângULé-
rit les douleurs et saint André» la coqueluche.
14^ FOLK-LORE DE LA BEAUCE
Dans l'église de Grandhoux, saint Julien est
invoqué contre les convulsions des enfants.
Orgères :
Saint Vraitî guérit chez les enfants le mal
de Saint- Vrain.
Orrouer :
Saint Evroult guérit du mal et des fleurs de
Saint-Evroult.
Ouarvïlle :
Le i^"* dimanche de mai, les mères font
passer, sous la châsse, leurs petits enfants,
pour les faire marcher.
Féiyt
Saint taurin donne de la pluie; saint
Biaise guérit les bestiaux.
ET DU PERCHE I49
Pré-Saint'EvrouU :
Lieu de pèlerinage très fréquenté pour
guérir du mal et des fleurs de Saint-Evroult,
chose vague qui comprend : eczémas, fu-
roncles, pustules, dartres, tumeurs blanches,
etc. Saint Evroult est un de ces saints qui sont
à la fois dispensateurs et guérisseurs de la
maladie qui porte leur nom. Chaque année,
le dimanche précédant la fête de l'Ascension,
des milliers de pèlerins, formant la popula-
tion rurale la moins éclairée, viennent in-
voquer saint Evroult. Le jeûne, la marche
du voyage, le changement de régime, et la
foi aidant, des guérisons sont opérées^ dont
le saint bénéficie.
Du canton de Voves, on va à SainUÊvroult
pour guérir à la fois des fleurs du dit saint,
itsfeux de saint Antoine et des boutons de sainte
Anne ; mais il faut passer par l'église de Mo-
riers. D'autres personnes croient que, pour
guérir sûrement, il faut invoquer successive-
ment : saint £vrow//,àPré-Saînt-Evroult, saint
Julien, au Coudray, près Chartres, et saint
Arnoulty à Saint-Arnoult-des-Bois.
t50 FOLK-LÔRE DE LA BEAUCE
Réclainvitle
Saint PieîTf guérit divers maux.
*
Saivt'Aruotilt-deS'Bois :
Le i8 juillet, pèlerinage pour la guérison
des fleurs de Saint-Evroult. Le 26 juillet,
pèlerinage à saint Aune qui guérit des fièvres.
Saint-Avit (prts d'Illiers) :
Pèlerinage à La Croix, près d'Eguilly, pour
invoquer sainte Mahile(Cï. Culte des Fontaines),
ê
Saint'Cloud :
Saint Cloud guérit les clous ou furoncles.
Saifît-Dems-d'Authou '
Saint Cyr et saint Laurent guérissent des
coliques. Les femmes enceintes vont en pèle-
rinage à la Chapelle de Sainte-Délivrance,
ET DU PERCHE I51
Saînt'DeniS'deS'Puits :
Saint Denis, au fond d'un puits très pro-
fond, guérit de la rage (Cf. § II, Cnlle des
Fojiitdnes).
Saint'Eliph :
Notre-Dame guérit douleurs et blessures
(Cf. Culte des Fonîahies).
Saint'Etnan :
Pèlerinages nombreux à saint Eman qui
donne la pluie (Cf. Culte des Fontaines^.
Autre pèlerinage, le 30 avril, à saint Eulrope
qui guérit de Thydropisie. Avant de partir
en pèlerinage, le malade doit prendre un
écheveau de fil et se le passer trois fois au-
tour du cou et le long du corps, de haut en
bas. Il doit avoir soin de ne pas faire par-
courir au fil la direction inverse : cette erreur
ferait remonter le mal. Il se fait dire un évan-
gile à saint Eutrope et trempe, dans la fon-
taine de saint Eman, un ruban qu'il porte
pendant neuf jours.
152 FOLK-LORE DE LA BEAUCE
Saint'Jean-PierrC'Fixte :
Les 23 et 24 juin, grande affluence de
pèlerins auprès de saint Jean-'Baptisie et à la
fontaine (Cf. Culte des Fontaines). On in-
voque, dans la même église, sainte Christine,
pour les enfants noués.
Saint-Loup :
Saint Loup et saint Gilles guérissent de
la peur. Dans la chapelle de la Bourdinièrey
saint Jean-Baptiste est invoqué pour les
bestiaux.
Saint'Luperce :
Saint Luperce fait marcher les enfants (Cf.
Culte des Fontaines).
Saint- Maur :
Saint Maur guérit des douleurs. Pèle-
rinage le 15 janvier.
Saint-Prest :
Saint Prest est invoqué pour les maladies
des enfants. (Cf. Culte des Fontaines.)
ET DU PERCHE I53
Saint-Victor-de-Buthon :
Saint Gï7/« guérit de la rage et de la peur.
*
Sandarville :
Saint Jouvin guérit les enfants atteints
de hernies. Certains pèlerins superstitieux
complètent les cérémonies religieuses par
la coutume suivante : ils enterrent un œuf
sur la fosse d'un garçon : quand l'œuf est
pourri, le malade est guéri.
Santeuil :
Pèlerinages à sainte Philomène et à saint
Gilles pour les convulsions, la peur, etc.,
chez les enfants.
Senantes :
Sainte Geneviève guérit des fièvres (Cf.
Culte des Foniaives),
154 folk-lOKe de la beauce
Senonches :
Saint Cyr fait marcher les enfants.
Soi':(^é :
Certains paysans viennent invoquer saint
Gilles et lui mettent des rubans pour
obtenir une bonne venue en faveur des petits
cochons.
Souancc :
Saint Georges^ patron de la fontaine (Cf.
Culte des Fontaines).
S ours :
Saint Germain est invoqué pour les
enfants
*
Theuville :
Saint Ouen guérit de la surdité.
ET DU PERCHE I55
ThieuHn {Le) :
Saint Fiacre est invoqué pour obtenir des
enfants mâles.
Thiron :
Saint Evrouli guérit les Fleurs de saint
Evroult, les convulsions des enfants et les
maladies des moutons. On amène les mou-
tons, dans l'église même, le premier ven-
dredi de carême. A Tautel de tous les saints,
on invoque saint Antoine pour les maladies
des bestiaux.
JThivars :
Sainte Radegonde guérit des dartres.
Vaupillon :
La chapelle de ssâni Hubert, bâtie en 1630,
a été consacrée à ce saint, auquel on se
recon^.mandait contre les loups enragés, très
nombreux, à cette époque, dans la contrée.
156 FOLK-LORE DE LA BEAUCE
Ver-lès-Chartres :
Saint Viciur et saint Caprais, patrons de
fontaines autrefois réputées, sont aujourd'hui
bien délaissés (Cf. Culte des Fontaines^.
Villars :
Saint Biaise guérit les tranchées des
chevaux.
VUkfteuve-Saint-Nicolas :
Saint Maur guérit des douleurs.
Villiers-Saint-Orien :
Sainte Christine fait parler les enfants. On
fait bénir une brioche, dont l'enfant mange
pendant les neuf jours de la neuvaine.
Villehon :
Saint Jean- Baptiste est invoqué pour les
agneaux.
Voves :
Sainte Philomène guérit les maux de tête.
ET DU PERCHE IJ7
Yèvres :
Sainte Claire guérit les maux d'yeux ; saint
Co«5/a«/ guérit delà fièvre. La fontaine de
la Boêche lui a été dédiée (Cf. Culte des
Fontaines).
*
Dans la région percheronne de l'Orne,
voisine d'Eure-et-Loir, on va en voyage :
• A Condeau^ au bon saint Gilles qui guérit
les convulsions chez les enfants et Tépilepsie
chez les adultes ;
A Saint' Agnan-sur-Erre^ pour la riffle des
enfants et les maladies de peau en général ;
A Saint'Germain-deS'GroiSy à Saint-Quentin-
le-Petit (réuni à Noce), à Saint-Pierre La-
Bruyère : on se rend dans ces localités, le
3 février, jour de saint Biaise ; une messe y
est dite à l'intention des bestiaux delà ferme.
Après la messe, les fervents se font dire un
évangile, à la même intention.
I 58 FOLK-LORE DE LA BEAUCE ET DU PERCHE
A Saint'Germain-des-Grois, il existait au-
trefois un bâton de saint Biaise (sorte de bâton
surmonté d'une châsse). Chaque famille te-
nait à honneur d'avoir, au moins pendant
une année, la garde de ce précieux bâton qui
portait bonheur ; le jour de la fête parois-
siale, cette famille offrait le pain bénit à
Téglise. Il y a environ un demi-siècle, un
brave Percheron, possesseur du précieux
talisman, le rendit à son curé, avant l'expi-
ration de Tannée, en disant qu'il n'en vou-
lait plus, attendu qu'il avait laissé crever son
viau. Depuis lors, le bâton fut moins re-
cherché et la coutume finit par disparaître.
Il existait autrefois, — jouissant du même
privilège et des mêmes honneurs — à Con-
deaUy le bâton de saint Gilles y et à Verrières,
le bâton de sainte Barbe,
%
CHAPITRE III
LA MÉDECINE EMPIRIQUE :
REBOUTEURS *, PANSEUX DE SECRET ;
REMÈDES POPULAIRES.
§ I. — Rebotitetirs, RenoueurSy Rhabilleurs.
ous avons vu, dans les deux pré-
cédents chapitres, nombre de
préjugés, mêlés à la foi reli-
gieuse, dont la pratique est telle-
ment enracinée depuis des siècles, qu'elle
subsiste toujours, quoique cependant à un
degré moindre. Ce chapitre de la Médecine
Empirique est la transition naturelle qui nous
conduira à la Sorcellerie.
Il ya, dans l'esprit aveuglément crédule de
certains paysans, une couche d'ignorance,
un fonds de superstition, l'attrait du merveil-
l60 FOLK-LORE DE LA BEAUCE
leux, l'espoir d'une intervention surhumaine,
et même un peu d'avarice, qui les font,
pour obtenir la guérison, s'adresser à tout,
choses, reliques et gens, plutôt qu'au méde-
cin. Il existe, pour eux, une réelle affinité
entre le toucheur^ au secret duquel ils font ap-
pel, le sorcier^ dont la puissance occulte les
effraie, et le saint qu'ils invoquent, parce que
telle circonstance de sa vie et la consonnance
de son nom offrent quelque rapport avec la
maladie : saint Raboni, saint Aignan (saint
Teignan), saint Genou, saint Eutrope.
N'ont-ils pas,chacun,(toucheur, sorcier ou
saint) une spécialité médicale ? Ne possèdent-
ils pas, avec le pouvoir de les guérir, le don
de provoquer les maladies ? Les Gaulois n'a-
vaient-ils pas déjà les sorciers médecins^ et les
sources dédiées aux dieux guérisseurs ? C'est
donc par pur atavisme que ces compatriotes
attardés conservent leur confiance aux em-
piriques et aux panacées qui doivent les gué-
rir ou les préserver de toute maladie.
ET DU PERCHE l6l
*
Tous ces charlatans, sans aucun savoir,
mais avec beaucoup de savoir-faire, étaient
possesseurs de secrets ou de recettes de famille
qui se transmettaient de père en fils. Parmi les
Rebouteurs, Renoueurs, et RhahiUeurs de notre
contrée, les membres de la famille Goupil,
d'Alluyes (E.-et-L.), ont eu, au siècle der-
nier, une célébrité que n'a jamais atteinte au-
cun chirurgien. Ils déboitaient, remboitaient,
disloquaient les membres avec une habileté,
qui n'avait d'égale que la confiance des pa-
tients . Dès leur jeunesse, les enfants Goupil
(garçons et fille) venaient en aide à leur père
dans les opérations que ce dernier effectuait.
Ils s'initiaient ainsi à Vart qu'ils devaient plus
tard exercer en d'autres localités.
A la moindre luxation, à la moindre fou-
lure, on courait chez Goupil qui, dans un
simulacre d'importante opération, déboitait
et remboitait le membre luxé ou foulé. Le
public, trompé par ces vaines et doulou-
II
l62 FOLK-LORE DE LA BEAUCE ET DU PERCHE
reuscs prouesses, chantait ses louanges, van-
tait son adresse et revenait le trouver dans
les cas plus graves. Alors, la pratique et le
hasard aidant, des cures étaient obtenues ;
mais combien de malheureux sont sortis es-
tropies de ses mains ? On cachait ces acci-
dents qui, lorsqu'ils étaient connus, tour-
naient encore à la gloire de l'opérateur : la
cassure était trop profonde, telle aggravation,
impossible à prévoir, était survenue, le ma-
lade était venu trop tard, un véritable chi-
rurgien n'eût pu faire mieux !
Malgré sa grande réputation, la famille
Goupil ne possédait pas le monopole exclu-
sif du rhabillage : dans la Bcauce, les maré-
chaux- ferrants et les bergers ; dans le Perche,
les tisserands se livraient à cette fantaisiste
et dangereuse spécialité. A Chartres, ainsi
que dans beaucoup d'autres villes, le bour-
reau (!) exerçait clandestinement le métier
de rebouteur: il vendait de la oraîsse hu-
ma'inc : c'était, disait-on, un remède souve-
rain contre les douleurs articulaires et sur-
tout contre le lumbago.
^^^^t^^^^
§ IL — Toucheurs : Marcous.
lA croyance populaire prête à cer-
tains hommes le privilège de gué-
rir des maladies, (écrouelles, en-
torses, dartres, etc.) soit par leur
contact, soit par des paroles secrètes, accom-
pagnées de signes cabalistiques ; ce sont les
guérisseuXy les toucheux, les panseux de secret.
Parmi ces esculapes d'occasion, les uns
pansent du velin (venin) ; les autres pansent
des dartres ; du résipère (érésipèle) ; du mal
d'écharpe; etc., etc. Panser, dans toutes ces
expressions, a la valeur de guérir^ traiter.
Les uns emploient une médication composée
de drogues quelconques ; les autres se con-
tentent de signes et de paroles magiques ;
d'autres enfin pratiquent l'une et l'autre de
ces deux méthodes. Presque tous se sont
imposés à la crédulité publique par leur
audace ; quelques-uns seulement tiennent
l64 FOLJ^-LORE DE LA BEAUCE
leur prérogative des circonstances de leur
naissance : ce sont les Marcous,
Les Marcous exercent leur petite industrie
depuis plusieurs siècles. J.-B. Thiers les
tient comme suspects de magie et condamne
leurs procédés. • « Plusieurs, dit-il, croient
qu'en France, les septièmes garçons nés de
légitimes mariages, sans que la suite ait été
interrompue par la naissance d'une fille,
peuvent guérir des fièvres tierces, des fièvres
quartes et môme des écrouelles, après avoir
jeûné trois ou neuf jours avant de toucher
les malades. »
Le nom de Marcou vient de ce que saint
Marcou est célèbre par sa spécialité de guérir
les écrouelles.
Les rois de France ont joui, de temps im-
mémorial, de la faculté de guérir, par leur
attouchement, cette maladie d'humeurs acri-
monieuses. N'ayant pas à leur disposition le
doigt d'un souverain, les Beaucerons et les
Percherons se contentaient di un Marcou.
ET DU PERCHE 165
*
Nous ne savons ce qu'est devenu le marcou
Octave Delafoy, de Réclainville (E.-et-L.),
que nous avons connu, en notre jeune âge ;
peut-être exerce-t-'û encore son lucratif mé-
tier en quelque coin de la Beauce ? En dehors
du régime qu'il imposait à ses malades, il
faisait,lui-même, dans certains cas, un voyage
auprès du marcou de Mignières qui était alors
le doyen des Marcous de la région et, à ce
titre, possédait certains avantages sur ses con-
frères, plus jeunes que lui. Très jeune, sans
expérience, sachant à peine lire, le marcou
Delafcy se bornait — simple plagiaire — à
ordonner à ses malades le régime qu'impo-
sait aux siens un de ses devanciers, Nérée,
marcou beauceron, né au hameau de Vovette,
commune de Theu ville (E.-et-L.). Voici
l'ordonnance hygiénique de cet empirique,
telle que l'a relatée M. E, Menault^ dans la
Galette des Hôpitaux. Nous en donnons la
copie textuelle ;
l66 FOLK-LORE DE LA BEAUCE
Régime que doivent tenir les pèlerins.
« lo Après qu'ils ont fait leur neuvaine,
« les pèlerins doivent s'abstenir d'oignons,
« choux, pois, poireaux, chaire salée, oi-
« seaux, et de toute aigreur, jusqu'à ce
« qu'ils soient guéris.
« 2° Ils doivent se garder toute leur vie de
« manger anguilles, tanches, barbeaux, lam-
(( proies et de tout poisson de limon, ni de
« chèvres, ni de cannes, ni de ce qui en
« provient, ni aucune espèce de tête, ni de
« pois chiches^ ni de lentilles.
« 3<* Ils doivent garde les fêtes de saint
« Marcoul, la première, le i^r mai, la
« deuxième, le 7 juillet, et la troisième, le
(( 2 octobre. Ils doivent, chaque année, en-
« voyer 6 liards pour acquitter leur con-
« frérie en l'église Saint-Pierre de Chartres.
« 4° Ils peuvent user de toutes les dou-
« ceurs, telles que lait, miel, viande de porc
« mâle, guerre salée, des œufs, mais ôter le
« germe, du fromage blanc bien égouté, ne
« hoir que de l'eau, mais un peu rougie. Si
« l'on veut, de la soupe au lait, aux fèves,
« aux navets, à la crème douce ; des pommes
ET DU PERCHE 167
« de terre et des poires douces, ôter les pé-
(( pins ; des pruneaux, ôter les noyaux ; du
« raisin bien mûr, ôter les pépins.
50 « On peut encore manger poulet, la-
« pin, salsifie, asperges , hartichauts, salade,
(( guerre de vinaigre. »
Tel était le fameux régime que le marcou^
Nérée, ordonnait à ses clients, après les avoir
gardés en pension, au moins pendant neuf
jours, au cours desquels il leur faisait le ma-
tin, à jeun, force attouchements sur les par-
les malades. Les clients payaient généreuse-
ment et s'en allaient pleins de confiance. Si,
plus tard , la maladie réapparaissait, ils reve-
naient, avec la même foi naïve, vers l'opéra-
teur dont le prestige n'était nullement atteint
par les insuccès. On ne guérit pas un malade
de ses croyances superstitieuses.
^
•r
§ III. — Toncheurs : GuérisseuXy Panseux
de Secret.
\L's> Marcous , êtres privilégiés de
naissance^ n'étaient pas les seuls
toncheurs de la contrée. Les çrué^
risseuXy possesseurs de secrets ma-
giques, d'onguents prétendus efficaces, de for-
mules médicamenteuses, soi-disant merveil-
leuses, étaient en grand nombre jusqu'au mi-
lieu du siècle dernier. Ils exerçaient leur art
en toute liberté et vendaient leurs produits,
parfois dangereux, en toute impunité.
Les secrets sont de deux natures différentes.
Le toucheur, appelé aussi panseux ou guéris-
seux, opère au nom de Dieu ou d'un saint, ou
bien au nom du diable ou de l'un de ses sup-
pôts. Dans les deux cas, le toucheur, par son
secret, contraint la puissance surnaturelle in-
voquée, quelle qu'elle soit, à intervenir.
Le toucheur garde précieusement son secret;
FOLK-LORE DE LA BEAUCE ET DU PERCHE 169
il l'a reçu de son père et le transmettra à son
fils aîné. En dehors de la famille, le toucheur
ne peut apprendre son secret qu'à une per-
sonne plus vieille que lui. Le secret com-
prend les signes cabalistiques, les paroles ma-
giques et presque toujours la composition
d'un onguent ou d'un médicament, qui doit
achever la guérison.
Les signes et les paroles n'ont d'autre por-
tée que celle d'en imposer au malade et de
donner aux opérations une sorte de solennité.
Les médicaments augmentent les petits béné-
fices de l'opérateur.
Les formules magiques consistent surtout
dans la répétition des mêmes syllabes, des
mêmes mots dépouiTus de tout sens.
*
On guérit les entorses en prononçant les
paroles suivantes : Atité, anté , super anté,
atité super anté té, La formule se répète trois
fois ; elle est la même pour les personnes et
pour les animaux.
170 FOLK-LORE DE LA BEAUCE
Les brûlures, disent les toucheurs, agran-
dissent pendant neuf jours, si on ne les fait
pas toucher. Elles doivent disparaître devant
cette incantation :
Feu de Dieu^
Apaise tes chaleiis {chaleurs)
Comme Judas perdit ses couleus {couleurs')
Au jardin des Olives
Lorsquil trahit notre Seigneur.
La for ç lire, ouiour de reins, a disparu aprùs
ces paroles : Forçiire, reforçiire, je te force et
reforce.
Le toucheur de dents pose un clou neut
sur la dent malade , en marmottant des
prières ; il enfonce ensuite ce clou dans une
porte, une poutre ou une solive. C'est ainsi
qu'opère encore actuellement M™^ Paragot
de Moinville-hi-Bourreau (E.-et-L.).
La Beaucc et le Perche ont eu plusieurs
familles qui s'arrogèrent le pouvoir de guérir
la teigne, la gale, la maille^ le charbon, etc.
Fauconnet, de Pont-Tranche-Fétu, soignait
l'hydrophobie par une médication si éner-
ET DU PERCHE IJl
gique qu'elle avait plus de chance de donner
la folie que d'enlever la rage.
Les toucheurs d'entorses et de foulures exis-
taient dans presque chaque commune : pour
opérer, ils devaient être à jeun. La plupart
touchaient de leur pied nu (droit ou gauche)
le pied nu (gauche ou droit) du malade. Ils
formaient, avec le gros orteil, certains signes
et marmottaient quelques paroles. Les fric-
tions et le repos faisaient le reste. A Réclain-
ville, Esther Lânon, femme Corlay, guérit
encore les entorses.
*
Un charpentier de Gallardon avait la spé-
cialité de guérir du mal (Tcjoharpe, (sorte de
tumeur dont nous regrettons de ne pouvoir
donner la définition exacte) avec le vent de
sa cognée. Ce guérisseur accomplissait avec
sa hache certains rites bizarres : il la bran-
dissait au-dessus de la tcte du patient ; il
faisait, trois fois, le simulacre d'en frapper
le siège du mal ; il touchait la tumeur ; enfin
172 FÔLK-LORE DE LA BEAUCE
il passait et repassait sa hache au-dessus du
mal, et le vent produit par ces mouvements
achevait la guérison.
Le charpentier de Gallardon eut, jusqu'en
ces années dernières, un adepte dans la per-
sonne du charron de Châtenay (E.-et-L.).
Le charbon, autrefois très fréquent dans
nos plaines de Beauce, était dû à ce que, par
ignorance, on n'enfouissait pas assez profon-
dément les animaux morts de cette maladie.
Effrayés, à juste titre, par ce terrible mal,
les paysans, au moindre bouton douloureux
et enflammé, avaient recours aux guérisseurs.
Ceux-ci, profitant de la confusion établie
entre un simple furoncle et la pustule ma-
liorne, s'attribuaient facilement des cures mer-
veilleuses. Les bergers et les maréchaux-
ferrants étaient experts dans le traitement du
charbon.
Les Percherons appellent estomac chu, les
vomissements répétés des enfants ou des
adultes. Ils vont trouver le guérisseur qui
doit être à jeun (toujours !) ; une tierce per-
sonne peut se présenter aux lieu et place du
malade. Le guérisseur, après une feinte aus-
ET DU PERCHE I73
cultation du malade, se livre à des contor-
sions effroyables, afin, dit-il, de se décrocher
aussi Testomac : car V estomac chu n'est autre,
pour les paysans, que l'estomac décroché. En-
suite, avec les mêmes contorsions, il remet
son estomac en place : coût moyen, deux
francs, et le traditionnel cafeii (café) largement
additionné de herhiche (eau-de-vie de cidre).
*
Une catégorie de guérisseurs, non moins
célèbres que les précédents, découvrait dans
les urines la cause et les symptômes de la
maladie et les moyens de guérison : c'étaient
les médecins aux urines^ appelés plus commu-
nément jugeux d'eaux, La femme Virlouvet
acquit, dans cette spécialité, une grande répu-
tation à La Bazoche-Gouèit et à Ailonnes
(E.-et-L.).
Un berger de Nogent-le-Pbaye (E.-et-L.)
cut,pendant quelque temps, la réputation d'un
honjugenx d'eau. Comme tous ses collègues
en charlatanisme,il employait des plantes plus
174 FOLK-LORE DE LA BEAUCE
OU moins médicinales pour la préparation de
SCS rcmcdes : V armoise était sa plante préférée.
Les Beaucerons n'ont plus de jugeux d'eaux
dans le pays chartrain. Les partisans de ce
mode de guérison se rendaient, récemment
encore, aux Loges (Sarthe), ou à Condé-sur-
Huisne (Orne).
Tous ces guérisseurs possédaient, outre le
pouvoir de guérir une maladie spéciale, celui
de barrer le mal, lorsque ce mal n'était pas
de leur compétence. Barrer le mal, ce n'était
pas le guérir, c'était seulement en arrêter
subitement les progrès. On pouvait encore
souffrir d'un mal barré, mais il n'augmentait
plus désormais.
*
Est-il besoin d'ajouter que ces charlatans
sont les simples continuateurs de ces exploi-
teurs de la crédulité populaire, qui ont existé
dans tous les- temps et dans tous les pays ?
L'antiquité a eu ses mages qui pratiquaient
cette science occulte, basée sur l'invocation
ET DU PERCHE I75
des dieux et des esprits. Les Egyptiens, les
Perses, les Grecs, les Romains ont employé
la puissance des conjurations. Les Gaulois
avaient les druides et les druidesses qui excel-
laient dans Tart de guérir tous les maux. Le
moyen âge a eu ses remégeuses, {i^^g^^ en an-
cien français, signifiait médecin opérateur)
dans la personne des châtelaines.
Dans ces croyances superstitieuses, nous
nous heurtons toujours à l'atavisme, à cette
ignorance séculaire que les bienfaits de l'ins-
truction sont heureusement appelés à vaincre
dans un délai très rapproché. Car, si nous
pouvons rire des signes et des paroles ma-
giques, mais inoffensifs, des ioticheurs ; si nous
pouvons être indulgents pour certaines re-
cettes médicales anodines des guérisseurs (de
même pour les remèdes de commères indi-
qués dans le paragraphe : Remèdes populaires) ,
nous devons attaquer à outrance les préjugés
et les erreurs populaires, les opérations dan-
gereuses pratiquées et les substances nuisibles
délivrées par les charlatans et qui peuvent
porter atteinte à la santé, souvent à la vie
même, de nos semblables.
§ IV. — Somnambules,
cette nomenclature de charlatans,
il convient d'ajouter encore les
somnambules, appelées aussi dor-
meuses : ce rôle est presque exclu-
sivement joué par une femme.
Pour certains paysans, la somnambule
tient du sorcier et du médecin ; c'est un être
privilégié jouissant, dans son sommeil ma-
gnétique, du don de prophétie et de divina-
tion. C'est avec une confiance aveugle que
les naïfs s'adressent à la somnambule. Son
pouvoir merveilleux est presque sans bornes.
Dans son état de somnambulisme, elle dé-
couvre le siège et la nature du mal, elle pré-
cise la médication infaillible, et cela, au
simple toucher d'un objet quelconque ayant
été porté par le malade, d'un seul cheveu
de celui-ci. Par le môme procédé, aussi com-
mode qu'expéditif, elle découvre les objets
FOLK-LORE DE LA BEAUCE ET DU PERCHE I77
perdus ou volés, elle dévoile les mystères de
l'avenir* Elle prédit au jeune campagnard le
numéro qu'il tirera pour la conscription, la
couleur des cheveux de sa future, le nombre
des enfants qui naîtront de son mariage, le
gros héritage qu'il fera d'un parent éloigné,
et souvent ignoré, etc., etc. Elle étend ses
consultations jusqu'aux maladies des bestiaux,
et ses prophéties jusqu'aux mercuriales des
grains. Elle excelle dans tous les genres ; ses
réponses sont décisives ; ses remàdes sont
efficaces ; ses oracles sont irréfragables, aussi
bien dans les diagnostics que dans la bonne
aventure.
* *
Soit qu'il se rende au domicile de la âor-
meuse, soit qu'il monte dans, sa roulotte, un
jour de foire, le paysan crédule répond naï-
vement aux questions insidieuses qui lui sont
tout d'abord posées ; il écoute religieusement
les paroles de la pythonisse ; et il sort de là,
12
178 FOLK-rLORE DE LA BEADCE
joyeux, sans avoir vu les signes d'intelligence
échangés entre Thabile compère et aa com-
plice. Car, pas de somnambule sans Tindis**
pensable compagnon qui questionne d'abord
et dicte ensuite la réponse. Si ce dernier a
pu recueillir auprès du naïf une provision
suffisante d'informations, les réponses de
la sybille seront claires et précises ; ellet
resteront vagues et générales, dans le cas
contraire.
Parmi les somnambules beauceronnes du
siècle dernier, celle de Vilquier (commune
de Saint-Denis-des-Ponts), et celle de Bron**
ville, (commune du Gault-Saint-Denis) ont
eu une certaine célébrité au pays Dunois.
Leur réputation fut cependant éclipsée par
celle d'une servante d'Oysonville (canton
d'Auneau), bien connue alors de toute la
Beauce.
Le succès inexpliqué de cette dernière
réside peut-être entièrement dam la mcK
dique rémunération qu'elle exigeait dea
consultants : prix fixe, soixante -quinze
centimes !
Moins merveilleusement douées que leurs
rr DU PEKCHE 179
sœurs des foires et marchés , nos sybilles
beauceronnes guérissaient volontiers bêtes
et gens ; mais leurs prophéties n'allaient pas
au-delà des cours (un an à Tîtvance) des
grains et des laines.
§ V. — Visionnaires.
fiEN que l'état pathologique des vi--
sionnaires soit tout diflférent de ce-
lui des somnambules, la célébrité
acquise par ceux-ci nous amène
à parler de ceux-là.
La Beauce eut ses visionnaires, et si leurs
apparitions furent contestées par un grand
nombre d'incrédules, elles comptèrent, hélas I
beaucoup de croyants dans le monde des
naïfs et des dévots. Parmi les visionnaires
beaucerons, nous mentionnerons spéciale-
ment Martin (i) de Gallardon, dont les ap-
paritions et les prophéties occupèrent pen-
dant longtemps l'opinion publique. Ses pro-
phéties, publiées à plus de dix éditions, tra-
duites en allemand, en anglais, en italien,
parurent, en outre, dans tous les ouvrages
(i) Martin (Thomas-Ignace), né à Gallardon, le
i8 février 1783.
FOLK-LORE DE LA BEAUCE ET DU PERCHE l8l
catholiques du milieu du XI X^ siècle.
Voici succinctement rapportés, les faits
étranges sur lesquels nous laissons à nos lec-
teurs du XX« siècle le soin d'émettre leur
opinion.
On était en 1816, après la deuxième Res-
tauration ; la Terreur Blanche régnait sur
toute la France . Les partisans de la Répu-
blique et ceux de l'Empire, confondus sous
la qualification, alors injurieuse, de Libéraux,
étaient surveillés, dénoncés, persécutés par
les Blancs ou Ultra- Royalistes, La fièvre
Bourbonnienne, surexcitant les esprits, sé-
vissait jusque dans les moindres bourgades :
elle influa vraisemblablement sur le cerveau
de notre héros.
Martin, marié, père de quatre enfants en
bas âge, était aricandier (i) et vivait hono-
rablement, mais péniblement, du fruit de
son travail, dans la petite ville de Gallar-
don (Eure-et-Loir). Le 15 janvier 181 6, Mar-
tin était seul dans la plaine , occupé à
(i) Voir ce mot au tome II : IIIc partie, chap.
IV, §1.
l82 FOLK-LORE DE LA BEAUCE
répandre du fumier sur une de ses piàces de
terre lorsqu'il aperçut, tout à coup, auprès de
lui un personnage étrange. Grand, fluet, im*
berbe, revêtu d'une longue redingote blonde
boutonnée jusqu'au bas, coiffé d'un chapeau
à haute forme, l'inconnu lui dit, sans autre
préambule : u II faut que vous alliez trou-
ce ver le roi ; que vous lui disiez que sa per-
ce sonne est en danger, ainsi que celles des
« princes ; que de mauvaises gens tentent
« encore de renverser le gouvernement ;
« que plusieurs écrits ont déjà circulé. . ;
(( qu'il faut qu'il relève le jour du Seigneur. . . ,
ce qu'il abolisse et anéantisse tous les dé-
(( sordres qui se commettent dans les jours
(c qui précèdent la sainte quarantaine : sinon
w toutes ces choses, la France, tombera
« dans de nouveaux malheurs. »
Martin, effrayé tout d'abord, écouta ce-
pendant avec attention le langage de l'é-
tranger dont la voix était douce et insinuante.
Il lui répondit naïvement : u Pour faire votre
c< commission au roi, vous pouvez bien y
« aller vous-même. Pourquoi vous adressez-
« vous à un pauvre homme comme moi.
ET DU PERCHE 183
« tandis qu*il n'en manque pas d'autres et
« de plus savants ? »
— « Ce n'est pas moi qui irai, reprit l'in-
« connu, mais ce sera vous ; écoutez-moi
« bien, faites tout ce que je vous recom-
« mande, a
Après ces dernières paroles, le personnage
fantastique disparut : « son corps, se rapetis-
sant insensiblement, prenant une forme va*
poreuse, devint invisible. »
Dès le soir, Martin alla voir M. Laper-
ruque, curé de Gallardon, a pour savoir ce
que cette vision pouvait signifier w. Celui-ci
crut, avec raison , à un moment d'hallucination
de la part de son paroissien ; il prit cependant
note du discours de l'inconnu. Mais de nou-
velles apparitions survinrent à Martin : le
18 janvier, dans sa cave ;le 19, dans sa cuve-
rie ; le dimanche 20, à l'entrée de l'église ; le
24, dans son grenier. Cette fois, le mystérieux
messager tutoie Martin : « Fais selon ma
« commande, il n'est que temps, lui dit-il^
« d'un ton ferme. »
184 FOLK-LORE DE LA BEAUCE
Tenu au courant de ces apparitions suc-
cessives, le curé de Gallardon, intrigué lui-
mcme, envoya Martin vers son supérieur,
qui était alors Tévêque de Versailles.
Le 30 janvier, Martin se trouvant encore
en face de l'inconnu lui demanda son nom.
« Quant à mon nom, répondit-il, il restera
« inconnu ; quant au nom de celui qui
« m'envoie, il est au-dessus de tout I » Et du
doigt, il montra le ciel.
Durant le mois de février, nouvelles appa-
ritions et nouvelles insistances de l'étranger.
Le 5 mars, Martin est appelé auprès du Pré-
fet et, deux jours après, auprès du Ministre
de la Police En présence de ces deux per-
sonnages, Martin répondit simplement et pla-
cidement aux questions insidieuses qui lui
furent posées; il renouvela exactement ses
dires au sujet de l'inconnu qui lui apparut
avant chacune de ces audiences.
ET DU PERCHE 185
Le 9 mars, Têtre mystérieux se manifesta
à Martin, en sa chambre d'hôtel, à Paris ; il
le prévint qu'un grand médecin le viendrait
visiter : le soir même, le célèbre docteur Pinel,
spécialiste pour le traitement des affections
mentales, venait l'interroger. Pendant trois
jours consécutifs, le D"* Pinel renouvela ses
visites : l'inconnu fit de même et, dans l'une
d'elles, déclara être « V Archange Raphaël, ange
« très célèbre auprès de Dieu, et possédant le
« pouvoir de frapper la France de toutes
« sortes de plaies ».
Les rapports du docteur Pinel au Ministre
de la Police se terminaient ainsi : ce Martin
est atteint d'une hallucination des sens, ou
aliénation intermittente. »
En conséquence de ces rapports , sur
l'ordre du Ministre de la. police , Martin fut
conduit, le 1 3 mars à Charenton, par le doc-
teur Pinel, lui-même.
Martin resta dans cet asile d'aliénés jus-
qu'au 2 avril. Il y fut traité avec égard et
bonté. Ses visions avaient fait sensation en
haut lieu et excité la curiosité publique; il
reçut les visites des sommités de la noblesse
l86 FOLK-LORB DE LA BEAUCE
notamment celles de MM. de Talleyrand-
Périgord, Sosthùncs de la Rochefoucauld, de
Montmorency.. . et encore, et toujours
celle de VAfjge qui, le 3 1 mars, lui serra la
main ! I
Royer-Collard, se refusant à voir, dans
Martin, un véritable aliéné, obtint sa mise en
liberté, le 2 avril. Ce jour-là, le visionnaire
fut conduit devant le roi qui le pria de lui
faire connaître, en toute sincérité, la mission
dont il était chargé à son égard. Martin fit à
Louis XVIII le récit fidèle de ce que Tin-
connu lui avait dit. Le lendemain, il était
rendu à sa famille.
Martin vécut alors tranquillement, à Gai-
lardon, pendant quelques années. De i8ai à
1830, il eut de nouvelles révélations. Il n'a-
perçut personne, mais une voix surnaturelle
lui fit un long pronostic sur les événements
futurs. Cest alors que son rôle de vision-
BT DU PERCHE I87
naire semble devoir changer et qu*il aspire
au rang de prophète. Suivant ses assertions,
tous les événements politiques ou religieux
n'ont rien de caché pour lui : il annonce
l'existence de Louis XVII et se croit appelé
à placer sur le trône de France ce personnage
mystérieux.
La Révolution de 1830 lui fit redouter les
représailles de 181 6. « Averti par la voix sur-
naturelle de se cacher en lieu sûr », Martin
quitta son domicile et mena désormais une
vie errante, une existence ignorée du monde.
Il mourut à Chartres, en 1834, sans cesse
importuné et obsédé par la voix étrange qui
venait, nuit et jour, le menacer d'accroitre
ses souffrances s'il ne s'attachait pas à la
cause du prétendu Louis XVIL
§ VI. — Remèdes populaires. — Médecine
champêtre.
A flore de nos contrées n'est pas
extrêmement variée, et nos pay-
sans ignorent le véritable nom de
la plupart des plantes qui les
environnent. Ou ils altèrent et dénaturent le
nom de la plante, ou ils lui en donnent un,
vulgairement emprunté à sa forme, à sa cou-
leur ou à ses usages. Ils emploient un grand
nombre de plantes pour leur propre guérison
ou celle de leurs bestiaux.
Nous ne voulons faire ici ni l'éloge ni la
critique des remèdes populaires réputés sou-
verains dans telle ou telle maladie. Nous nous
contenterons de rapporter quelques exemples
de la médecine champêtre de la Beauce et du
Perche.
Ampoule. — Si l'on a une ampoule au pied,
on la frotte avec des orties, ou on la traverse
FOLK-LORE DE LA BEAUCE ET DU PERCHE 189
d'un fil de lin qu'on laisse dans Tarapoule.
Angine. — S'entourer le cou, le soir en se
couchant, du bas retiré de la jambe gauche et
mis à Tenvers. Ou bien s'entourer le cou du
môme bas rempli de cendres chaudes. Cata-
plasmes faits avec des pommes déterre cuites
dans les cendres du foyer.
Bains de pieds , — On remplace quelquefois
la moutarde par la cendre de bois ou par la
plante connue vulgairement sous le nom d'é-
clairé, et qui est la chélidoine.
Barbes. — Si un veau avait les barbes (ma-
ladie de la langue), on lui frottait la langue
jusqu'au sang, avec une pièce de six liards.
Blessures (Plaies ou Enflures), — Si une per-
sonne s'est blessée dans une chute, on ap-
plique,sur la partie malade et enflée, un cata-
plasme de mousse bouillie dans du lait. Pour
les plaies, on emploie le plantain lancéolé,
dit herbe aux cinq coutures, ou encore la
feuille de violette.
Brûlures. — Pour calmer le feu des brû-
lures, on y applique de la râpure de pommes
de terre, de la gelée de groseilles, des pétales
190 FOLK'LORE DE LA BEAUCE
de fleur de lis conservées dans de Thuile de
camomille camphrée, des compresses de lait
baratté, ou enfin de la bouse fraiqhe de vache.
Conslipiitiotu — On fait des tisanes de chi-
corée sauvagc.On boit du lait de beurre baratté.
Convulsions. — Quand un enfant a de»
convulsions, on lui asperge la figure de
quelques gouttes d'eau bénitç.
Coqueluche. — On fait boire aux enfants,
le matin, à jeun, une tasse de lait de chèvre.
Le lait d'ànessc est, dit-on, plus souverain ;
mais il est plus difficile de s'en procurer,
Cors-nu X'pieds. — Prendre un bain de pieds
d'eau salée ; appliquer sur le cor de l'ail pilé
ou du vert de poireau.
Coupures, — Pour arrêter le sang d'une
coupure, on couvre la plaie avec des toiles
d'araignées, de la poix^ ou des feuilles de
plantain écrasées.
ET DU PERCHE I9I
Dartres, ^ — Le matin, à jeun, humecter les
dartres avec de la salive. D'autres pilent, avec
du sel gris, la plante, nommée éclaire^ et en
font un emplâtre qu'ils appliquent sur les
4artres,
Dents, — Les remèdes contre le mal de
dents sont aussi variés que bizarres, On se
met dans le creux de la dent malade un grain
d'encens : la dent se casse et tombe sans
douleur. On fait des fumigations avec du
lierre ou avec des fleurs de sainfoin. Dans du
vinaigre en ébullition, on met quelques
petits silex et l'on se tient, la bouche ouverte,
au-dessus de cette vapeur !
Diarrhée, — Tisanes de feuilles de ronce,
de vigne, de chêne, de racine de fraisier.
Ecréma, — Cataplasmes faits avec du suif,
de la suie et du lait.
Ençfehires, — Se laver deux ou trois fois
[92 FOLK-LORE DE LA BEAUCE
les mains ou les pieds dans du jus de fraise ;
appliquer ensuite un cataplasme de marrons
cuits et écrases.
Enrouement. — Boire le matin, â jeun, un
verre d*cau bien fraîche ou de la tisane faite
avec des jeunes pousses de ronces .
lïrysipèle. — Fumigations et cataplasmes
de fleur de sureau.
Fièvre. — Infusions de la seconde pelure
de l'ccorcc du saule. Boire de l'eau bénite.
Se rouler dans la rosée d'avoine le jour de
Saint-Jean, avant soleil levé.
Fièi're aphteuse. — Pour préserver les vaches
de la cocotte, on leur met au cou des colliers
de chêne.
Hoquet. — Se pincer fortement le petit
doigt de la main gauche. Rester sans respirer
le plus longtemps possible. Surprendre la
personne qui a le hoquet et lui faire peur,
soit en poussant un grand cri, soit en don-
nant un fort coup sur une table.
ET DU PERCHE I93
*
Inconiiueuce d^irine. — Frotter, avec des
orties, les reins des enfants atteints de cette
infirmité.
Muguet. — Lorsqu'un enfant a le muguet,
(vulgairement appelé chancre) on le fait tou-
cher par une honne femme qui lui met du vi-
naigre sur la langue et dit des prières, à son
intention, le matin, avant soleil levé,
ATe:;^ (saignements de). Pour arrêter les sai-
gnements de nez, on fait lever le bras, du côté
de la narine d'où s'échappe le sang ; on ap-
plique sur la peau du dos, à la base du cou,
une clef pleine ; on se place bien au-dessus
de quatre fétus disposés en croix. Si l'hémor-
rhagie persiste, on roule, en forme de bou-
lettes, des feuilles d'ortie et on les introduit
dans les narines.
Œil, — Pour faire disparaître les orgelets,
(compères-loriots) on se lave les yeux dans
de Teau chaude dans laquelle on a fait bouil-
lir de la camomille oudcsfcuillcs de plantain.
194 FOLK-LORE DE LA BEAUCE
On applique, le soir, sur Tœil, du lait caille
ou du fromage mou. bien frais, que l'on étend
sur un linge et que Ton conserve toute la
nuit.
La sève de la vigne, que Ton appelle les
pleurs de la vigne, est réputée salutaire i la
vue. Au printemps, on recueille cette sève
dans une bouteille dont le goulot est placé
au-dessous d'un bourgeon préalablement
coupé. On se lave les yeux avec la sève de
vigne pour guérir les ophtalmies, ou simple-
ment pour avoir la vue claire.
Un œuf, frais pondu et encore chaud, pro-
mené sur les yeux, rend également la vue
claire.
Quand les petits enfants ont mal aux yeux,
les nourrices y font couler de leur lait.
Pour enlever un grain de poussière de
l'œil, se frotter l'autre œil.
Oreilles. — Le cérumen qui se forme dans
les oreilles est souverain, au dire des bonnes
femmes, pour guérir les piqûres des mous-
tiques : elles en recouvrent immédiatement
l'endroit pique.
ET DU PERCHE I95
Oreillons. — On prétend que ce mal dispa-
rait, si Ton mange dans une assiette qu'un
chat vient de lécher.
Panaris. — On l'appelle tournure ou mal
blanc» Introduire le doigt malade dans un œuf
frais, mettre Tœuf dans Teau bouillante et
maintenir le doigt jusqu'à ce que l'œuf soit
dur. Appliquer ensuite des cataplasmes, sou-
vent renouvelés, faits de mie de pain et de suif.
Poux de poules, — Mettre du yèble dans le
poulailler, et les poux disparaîtront.
Reins. — Pour guérir les douleurs de reins,
se ceindre avec un fil de lin ou une ficelle de
chanvre; se fustiger les reins avec des orties;
s'appliquer sur les reins un petit sac rempli
d'avoine grillée.
Rhumatismes. — Dormir sur un lit de fou-
gère et se frotter la partie malade avec des or-
ties ou avec des feuilles de verveine, pilées
avec du sel et du poivre.
Rhumes. — H y a trente-six plantes qui
196 FOLK-LORE DE LA BEAUCE ET DU PERCHE
servent à faire des infusions : racines de chien-
dent, feuilles de fougère, plantain, avoine, etc.
Cataplasmes brûlants faits de mie de pain et
de suif de chandelle.
Rhumes de cerveau. — Se mettre sur les
tempes et sur le nez une forte couche de suif
de chandelle.
Sein. — Les nourrices, qui ont des ganglions
au sein, appliquent, sur cette petite tumeur,
des crêpes trùs chaudes et très grasses qu'elles
renouvellent pendant plusieurs heures.
Verrues, — Pour faire disparaître les ver-
rues, les faire saigner et les imbiber de salive,
le matin, à jeun. Prendre une poignée de pois
(haricots, crin, etc.), en frotter la verrue et
enterrer : quand les pois pourrissent les ver-
rues s'en vont ; les frotter avec l'éclairé ou
chélidoine.
Vers. — Quand les petits enfants ont des
vers, on leur met au cou un collier de gousses
d'ail.
CHAPITRE IV.
La Sorcellerie et la Diablerie.
§ I. — De la Sorcellerie en généraL
je nos jours, il n'y a plus guère que
les très vieilles gens qui croient
aux sorciers, qui se rappellent
et racontent sur eux des his-
toires extravagantes autant qu'effrayantes. Il
a fallu, pour détruire ces stupides croyances
en la sorcellerie , la Philosophie du
XVIIIe siècle et la Science du XIX^. Ces
erreurs absurdes avaient si profondément
plongé leurs racines dans les mœurs popu-
laires qu'il suffirait de gratter légèrement la
mince couche de civilisation que possèdent
198 FOLK-LORE DE LA BEAUCE
certains de nos paysans pour en retrouver
des traces indélébiles. Ce n'est plus , il est
vrai, cette terreur superstitieuse que le nom
de sorcier inspirait autrefois. Non. Ces
quelques rares ignorants ne vivent pas avec
la préoccupation constante des sorciers. Les
horreurs auxquelles se livrèrent les sorciers
ne les hantent nullement ; non plus d'ailleurs
que les longues persécutions et les cruels sup-
plices qu'ils subirent. En un mot, la terreur
a disparu, mais l'influence reste. Ils en parlent
rarement, mais ils y pensent quelquefois.
Ces croyances à la sorcellerie et à la dia-
blerie (car pas de sorciers sans un pacte avec
le démon) s'affaiblissent chaque jour. Dans
quelques années, elles n'existeront plus. H
est utile de signaler quelques vestiges qui
subsistent encore. Ridicules aujourd'hui, ces
traditions funestes ont été un fléau épouvan-
table pour nos populations beauceronnes et
percheronnes.
Les Bohémiens (wontreurs d'ours, metteurs
de loups) et les bergers étaient tous, ou à peu
près tous, considérés comme sorciers. Ces
gens-là allaient à l'école du diable. Ils fai*
ET DU PERCHE I99
saient avec lui un pacte qui leur procurait un
pouvoir surnaturel. Ils avaient un livre
appelé grimoire^ dans lequel ils pouvaient lire
le passé, le présent et l'avenir de tous les
êtres vivants. C'est à l'aide de ce grimoire
qu'ils apprenaient à jeter des sorts, à évoquer
les esprits. Jeter des sorts, c'était envoyer la
maladie et même la mort à un ennemi,
à un membre de sa famille ou à ses
bestiaux.
Par contre, certains sorciers avaient le
pouvoir de déjouer les sorts; on avait re-
cours à ceux-ci pour réparer le mal fait par
ceux-là.
Nous ne voulons pas nous étendre ici sur
ces philtres ou breuvages, préparés par les
soi-disant sorciers, dans le but de donner de
Tamour à un homme pour une femme, ou
réciproquement; de tuer les hommes, les
femmes, les bestiaux : c'étaient là de véri-
tables empoisonnements. Nous nous borne-
rons à raconter quelquçs exploits de la sor-
cellerie et de la diablerie, sous lesquels se
cache toujours plus ou moins de supercherie.
Si en quelque hameau isolé, il reste encore
200 1-OLK-LORE DE LA BEAUCE
des vestiges de cette crédulité, ils se trou-
veront atteints par cette divulgation : les
journaux et le temps feront le reste.
* *
Dans tous les temps, chez tous les peuples,
les bergers ont occupé leurs longs loisirs du
jour à étudier les plantes, et leurs nuits à
observer les astres. La superstition et l'igno-
rance populaires prêtaient à leurs connais-
sances empiriques et à leurs observations
astronomiques une crédulité dont ils abusèrent
parfois. Ces humbles pasteurs furent sou-
vent regardés comme des sorciers capables
degTiérir certaines maladies, mais, par contre,
de jeler des sorts. De h\, leur autorité sur les
esprits simples qu'ils exploitèrent pendant
plusieurs siècles.
La Beauce a eu aussi ses sorciers, et, si
leur règne était passé avec notre génération,
le temps était si proche et le souvenir de
leurs maléfices si vivace encore lorsque nous
étions enfant, qu'il ne se passait guère
de veillées sans que quelques-unes de leurs
ET DU PERCHE 201
pratiques superstitieuses fussent racontées.
Ces traditions de sorcellerie et de diablerie
n'offrent rien de particulier ni d'original.
Elles ressemblent à celles de toutes les pro-
vinces de France avec des variantes qui se
ressentent du tempérament des ancêtres.
Dans le midi, elles conservent la trace des
fictions imagées des Sarrazins ; en Bretagne,
elles planent dans les landes féeriques ; dans
le nord, elles se ressentent des idées supers-
titieuses des Franks et des Saxons ; chez nous,
elles ont gardé l'empreinte du vieux sol
gaulois.
Les Beaucerons et les Percherons de la
première moitié du XIX^ siècle ont transmis,
sans altération notable, à notre génération, le
souvenir de faits inouïs, relatifs à la sorcellerie.
Chaque commune a ses traditions et ses
légendes sur ce sujet ; elle a soit un coin om-
bragé de son territoire, soit un vieux chîiteau
féodal, ou une bicoque abandonnée, ou le
cimetière silencieux qui sont les lieux tré-
202 FOLK-LORE DE LA BEAUCE
quentés par les fantômes ou les sorciers. On
voyait des sorciers partout : les grands bois,
les carrefours éloignés, les carrières profondes
étaient, par eux, de préférence, choisis pour
leur réunion nocturne ~ leur sabbat^ — le
vendredi de chaque semaine. Là, se perpé-
traient des crimes innombrables, des profa-
nations horribles, au milieu des danses éche-
velécs. Certains vieillards prétendent avoir
assisté, de loin, une seule fois, à ces orgies
où des enfants étaient mangés ou servaient à
d'abominables pratiques î
Pendant les heures de sabbat, les sorciers
avaient le droit de tout faire ; mais le nom
de « Dieu » ni celui de « Saint » ne devaient
jamais être prononcés. Les victuailles , les
vins fins étaient servis en abondance sur les
tables ; ces produits, les sorciers» les obte-
naient, par le pouvoir du diable, des arbres
des plantes, qu'ils transformaient à leur gré.
Avant de se rendre au sabbat, les sorciers de-
vaient s'oindre le corps d'une certaine graisse
dont la composition leur avait été enseignée
par le diable. D'aucuns disent que cette
graisse s'obtenait en faisant bouillir un
ET DU PERCHE 2O3
enfant nouveau-né, coupé en morceaux.
Recueillie et consen^ée dans des vases, elle
était bénie par des prêtres, sorciers eux-
mêmes, qui récitaient des prières à rebours.
Telles étaient les idées de nos ancêtres sur
la sorcellerie. Voyons, maintenant, quels
étaient les pouvoirs attribués aux sorciers ?
^ IL — Le Pouvoir des Sorciers.
EXDiAXTS OU bergers, montreurs
d'ours ou meneurs de loups, tous
ces thaumaturges étaient des sor-
ciers, des jetteurs de sorts ou de
maléfices. Notre contrée avait plusieurs es-
pèces de sorciers parmi lesquels nous citerons
les caillebotierSy les courtilierSy les g?'éleurs, les
noueurs d'aigniîkites, les envoùieiirs.
*
* *
On appelait caillehoiicrs^ ceux qui possé-
daient Tart diabolique de faire tarir — à leur
profit — tout le lait des vaches. Leur pouvoir
s'étendait même, dit-on, jusqu'aux nourrices.
Mais ils exerçaient de préférence leurs pra-
tiques contre le bétail qu'A leur gré ils faisaient
maigrir.
FOLK-LORE DE LA BEAUCE ET DU PERCHE 205
Il iious a été impossible de connaître,exac-
tement les procédés employés par les caillc-
botiers dans leurs ensorcellements. Ils tra-
çaient, paraît-il, certains signes avec le doigt
à la porte des étables et prononçaient des
paroles diaboliques. Les effets du sortilège
se faisaient sentir peu après ; car, dés qu'une
établée avait reçu un sort, les vaches, les
chèvres n'avaient plus de lait et dépérissaient
à vue d*œil.
Fort heureusement, divers moyens exis-
taient pour rompre le charme, ou, suivant
l'expression locale, pour déjouer le sort du
caillebotier. Il suffisait de conduire les bétes
maléficiées à la foire voisine, et de les faire
marchander par trois maquignons différents,
pour les faire revenir à leur état normal.
Lorsque, par hasard, ce procédé restait ineffi-
cace, le maître ou la maîtresse de la maison
allait, le matin, dès son lever et à jeun, dans
retable, réciter VcvangUe de saint Jean, cela
pendant neuf jours. Si enfin les résultats de
la neuvaine étaient nuls ou insuffisants, on
avait recours au panscux de secret qui, nous
l'avons vu précédemment (chapitre III), gué-
2o6 FOLK-LORE DE LA BEAUCE
rissait bêtes et gens, au nom de Dieu ou au
nom du diable.
L'œuvre ténébreuse des cotirtiliers était en-
core plus à craindre que celle des caillebo-
tiers. Non seulement les désastres qu'ils ac-
complissaient étaient plus terribles, mais il
n'existait aucun moyen de les réparer. Les
courtilierSy avec leur souffle seulement, des-
séchaient les plantes, arrêtaient la végétation
des arbres et des jardins, annihilaient les
blés et les raisins.
Personne ne vit jamais de courtiliers et ce-
pendant tout le monde croyait à leur pou-
voir. On aurait pu remarquer que les mal-
heurs qu'ils étaient censé causer coïncidaient
avec les années, où, en été, se produisaient
de brusques et fréquentes alternatives de
pluie et de soleil, causes véritables et natu-
relles de ces fléaux ; mais on était au temps
du surnaturel, et les sorciers, seuls, étaient
capables de tels forfaits !
ET DU PERCHE 207
* *
Des être malfaisants, qu'on appelait des
greleurs^ avaient le pouvoir de faire des fiuées
et de déchaîner des orages de grêle sur une
contrée. Ces sorciers opéraient ainsi : ils
battaient, avec de longues perches, l'eau de
certains étangs ou mares ; des vapeurs s'éle-
vaient, des nuées épaisses se formaient, qui
s'en allaient tomber, en grêle, au gré du ca-
price des sorciers : c'était, à la veille des
moissons, toute une contrée ravagée, anéan-
tie. La mare de la Grande-Lfie, à Pézy (E.-
et-L.), fut, d'après la tradition, plusieurs fois,
le lieu où s'évertuèrent les grêleurs.
En ce temps-là, heureusement, les cloches
avaient la vertu découper les nuées. C'était alors
une coutume générale de sonner les cloches
pendant l'orage, et l'on était persuadé que
leurs voix bénies préservaient la paroisse de la
grêle et de la foudre. Aussi lit-on fréquem-
ment cette inscription sur les cloches un peu
anciennes : ce Vivos voco^ mortiios plango,
fulgura frango, n (J'appelle les vivants, je
208 FOLK-LORE DE LA BEAUCE
pleure les morts, je brise les foudres j.
Dès qu'un orage suspect semblait, à Thori-
zon, s'avancer vers la paroisse, le sonnenr
mettait la cloche en branle pour déjouer le
maléfice du grêleur. Plus d'un sonneur a
payé de sa vie cette imprudence. Devant
rinutilité, d'une part, et, de l'autre, le danger
de cette coutume, l'autorité civile intervint
et interdit de sonner les cloches pendant
l'orage.
Il existe encore quelque^s vestiges de cette
croyance en la vertu protectrice des cloches.
A Illiers (E.-ct-L.), jusqu'en ces dernières
années, du i*^*" mai au i^»" septembre, on son-
nait, chaque soir, pendant une demi-heure,
la cloche dite des biens de la terre. Mais peut-
être cette vieille coutume ne s'est-elle perpé-
tuée, au milieu de l'indifférence religieuse de
nos cultivateurs contemporains, que grâce à
la piété intéressée du sacristain. Toute peine
mérite salaire : or, le fait de prendre soin,
chaque jour, des biens des paroissiens, mé-
ritait une récompense. Ainsi pensait le sacris-
tain qui, la moisson terminée, faisait une
fructueuse tournée clicz les cultivateurs, pe-
ET DU PERCHE 209
tits et grands, de la commune. Beaucerons et
Percherons s'exécutaient de bonne grâce et
rétribuaient, qui en nature, qui en monnaie,
l'homme qui faisait chez eux (( la pluie et le
beau temps » .
Nous ne nous arrêterons pas à ces sorciers,
nouenrs d^ aiguillettes y l'effroi des jeunes ma-
riés. On trouvera, au chap. V, ^ 2 de la III''
partie (Tome 77), les moyens employés autre-
fois pour conjurer ce maléfice.
*
Les envoùteurs remontent au moyen âge ; ils
ont disparu dans nos contrées avant la fin du
XVIII* siècle. Ces sorciers représentaient,
par une petite statue en cire, la personne à
laquelle ils voulaient du mal. Cette image,
bénie par un prêtre, était mutilée, ou piquée
à l'endroit du cœur, ou fondue, suivant le
genre de supplice que l'on désirait à son
ennemi. Des formules superstitieuses, des in-
vocations au diable complétaient le sortilège.
H
210 rOLK-IORE DE LÀ BEAUCE
* *
Les populations primitives de la Beaucc se
sont groupées sur les plateaux d'alluvion ar-
gileuse qui conserve parfaitement Teau du
ciel, afin tfavoir, sans travaux ni frais, des
réservoirs naturels pour abreuver les bestiaux.
Ces mares et les puits trcs profonds doivent
suffire aux besoins de la population.
La recherche des sources a donc été, de
tout temps, la grande préoccupation de ce
pays altéré. Mais l'ignorance et la crédulité
de nos ancêtres les ont toujours portés vers
les moyens surnaturels ; aussi accordèrent-ils
aux sou trias le pouvoir de découvrir les
sources, les trésors et les choses cachées.
Un hâlon, une verge ou une baguette rc-
présenUiient le symbole extérieur de leur pou-
voir surnaturel. Le bois de coudrier passait
pour avoir une réelle sympathie avec Teau,
Por et Targent ; mais, plus tard, la baguette
fut indifl'éremmenl en métal, en bois, en corne
ou en ivoire. Ce qu'il fallait obtenir, c'était
la dextérité, le unir de main alin de faire
ET DU PERCHE 211
tourner la baguette pour lui faire signaler les
sources, les trésors, les crimes, etc. Cette
adresse tenta bientôt les sorciers qui se tirent
sourciers et exploitèrent largement les naïfs.
Il arriva nécessairement que, sur l'indication
des hydroscopes, des sources furent mises à
jour, dont les sorciers ne soupçonnaient pas
l'existence. Ces heureux résultats augmen-
tèrent leur prestige qui dura jusqu'au début
du XIX« siècle.
§ III. — Conjuration des sorts.
'N dehors des sorciers dont la spé-
cialité malfaisante était nettement
déterminée , il en existait d'au-
tres qui procuraient des avan-
tages au moyen de sortilèges. Ceux-.ci étaient
consultés lorsqu'on voulait se débarrasser
d'un ensorcellement : c'étaient les bons sor-
ciers. Ils détruisaient, par des pratiques à r^
bours, les maléfices des mauvais sorciers.
Un grand nombre de moyens étaient em-
ployés pour neutraliser les effets du sort» On
atteignait fréquemment ce but en portant
sur soi des talismans ou amulettes : un ser-
pent empêchait d'avoir la vue charmée ; une
tête de cerf-volant ou lucane, muni de ses
cornes, ou quelques grains de sel, cousus
dans rhabit,assuraient au conscrit un bon nu-
méro ; des grains de sel au fond des baratte
ou dans le fumier des établcs, un os de taupe
FOLK-LORE DE LA BEAUCE ET DU PERCHE 21 3
porté SOUS Taisselle gauche, un des bas
chaussé à l'envers, le buis, la ver\^eine, le
trèfle à quatre feuilles suffisaient, non seule-
ment à nous mettre à Tabri des sorts, mais
encore à nous assurer le bonheur et l'accom-
plissement de tous nos désirs.
Si un méchant sorcier nous avait gratifié
de -la fièvre, le bon sorcier nous en délivrait
en prpnonçant certaine formule magique à
laquelle il mêlait notre nom. Pendant Topé-
ration, il tenait à la main une baguette de
coudre (coudrier), qu'il lançait ensuite par-
dessus son épaule gauche.
Le fiévreux pouvait aussi employer le
moyen suivant : recueillir les rognures de
ses ongles, les déposer, la nuit, dans un trou
pratiqué dans le tronc d'un jeune tremble.
Le trou aussitôt rebouché, l'arbre prenait la
fièvre du malade.
*
Porter sur soi de la corde de pendu pré-
servait des maléfices.
Lorsqu'une épidémie atteignait les ani-
2 14 rOLK-LORE DE LA BEAUCE
maux d'une écurie, d'une étable ou d'une
bergerie, les ignorants n'en soupçonnaient
pas la cause en dehors de la sorcellerie : un
ennemi leur avait jeté un sort. Au lieu
de chercher, par une hygiène bien comprise,
à combattre le fléau, ils se contentaient, pour
déjouer le sort, de prières, de neuvaines ; ou
bien, dans plusieurs communes des environs
de Chartres, ils faisaient tourner les che-
vaux, les vaches, les moutons autour d'un
feu, fait de certains bois, afin de guérir leurs
bétes et de les préserver de tout autre malé*
fice pendant l'année.
Nos ancêtres, dans leur simplicité, ont fait
appel à tous les moyens pour chasser les
maléfices : ils ont usé de la nécromancie, de
Taéromancie, de l'hydromancie, de la géo-
mancie, de la pyromancie, de la botano-
mancic, de la cristallomancie, de la chi-
romancie, etc., etc.
Les sorciers, paraît-il, choisissaient, de
préférence, les carrefours des routes pour
danser et chanter. Ils pouvaient ainsi s'em-
parer d'un plus grand nombre de gens. Le
clersçé ordonna d'v élever des croix. Et
ET DU PERCHE 21 5
comme les sorciers, suppôts du diable, ont
horreur des croix, ils furent obligés d'aller
faire leur sabbat dans les carrières ou dans
les bois : la sécurité des chemins fut assurée.
*
* *
S'il était agréable de pouvoir conjurer les
sorts, il ne Tétait pas moins de faire souffrir
les sorciers qui avaient jeté ces sorts. Pour
obtenir ce résultat, on avait recours aux sor-
ti ers-envoiiteur s, ou bien on prenait un cœur
de bœuf dans lequel on enfonçait des épin-
gles, des clous ; et, tout en prononçant des
paroles d'imprécation, on le mettait cuire,
sans eau, dans un vase de terre neuf. L'odeur
qui s'échappait de cette préparation magique
attirait le sorcier qui venait, suppliant, de-
mander sa grâce. Le cœur de bœuf, jeté à
ses pieds, enlevait le sort.
Une peine plus sévère à infliger au sorcier
consistait à faire dire une wesse du ^Saint-
Esprit. Cette messe devait être dite par un
prêtre-sorcier ; elle était dite // rebours et avait
pour effet terrible de contraindre le sorcier
2 l6 1 (M.K-I.OKE DE LA BEAUCE ET DC PERCHE
qui avait jeté un sort à courir toutes les nuits
le loup-garou.
Dans beaucoup d'histoires de sorciers, il
est mention de prêtres se mêlant à leurs
exercices nocturnes. Les curés, aux yeux des
paysans, passaient pour avoir un pouvoir
analogue à celui des sorciers. Ils possédaient
le secret de barrer le feu et même de mettre
fin aux incendies, surtout lorsqu'ils prove-
naient du/r// du t'icl. Barrer h feu^ c'était,
au moyen de patenôtres secrètes, arrêter su-
bitement les progrès de l'incendie .
§ rV. — Les LoupS'Garous.
Ie diable joue un grand rôle dans
la sorcellerie, puisque les sorciers
tiennent leur pouvoir d'un pacte
conclu entre eux et lui. Cepen-
dant, s'il faut en croire la tradition, le diable
n est pas malin. Belzébuth , raconte-t-on ,
eut avec saint Martin une association passa-
gère. Il s'agissait d'un champ de carottes et
de blé qu'ils avaient laboure et ensemencé
de compagnie. Dans le premier cas, le diable
choisit la partie de la plante qui sort de terre :
saint Martin eut la racine. Voyant qu'il avait
été attrape, il prit, dans le second, la racine
de la plante : nouvelle déconvenue. Il s'en
arracha les cheveux de rage, assure-t-on.
On rapporte, sur le compte du diable,
nombre de faits dans lesquels il montre plus
de méchanceté que d'adresse, plus de bêtise
que de finesse. Partout il est bafoué, trompé.
2l8 FOLK-LORE DK LA BEALXE
pris au piège et même battu lorsqu'il opère
en personne. Mais, lorsqu'il transforme en
loups des sorciers ou des sorcières (ce sont
les loupS'garous)^ il jette l'épouvante dans les
troupeaux et les populations.
Jusqu'au commencement du XIX« siècle,
notre contrée était infestée de loups. Le
nombre de leurs victimes fut considérable et
grande la légitime terreur qu'ils inspiraient.
Les paysans croyaient que les loups avaient
des intelligences avec les sorciers et des ac-
cointances avec le diable. On appelait me-
fleurs de loups les gens qui avaient le pouvoir
de charmer ces bêtes sauvages et de faire dé-
vorer les troupeaux de leurs ennemis par
leurs dociles compagnons.
Nos populations beauceronnes croyaient
fermement aux loups- garous. C'étaient des
sorciers qui se changeaient en loups. Cette
transformation , d'après la croyance popu-
laire, était ou volontaire ou imposée par le
diable; mais, dans les deux cas, ils avaient
ET DU PERCHE 219
les goûts et les mœurs des animaux auxquels
ils ressemblaient. Les garous, en effet, ne se
sont pas toujours changés en loups ; on les a
vus quelquefois sous la forme de chats, de
levrettes et même de vaches.
D'après la tradition percheronne, les
loups-garous n'étaient autres que des criminels
qui avaient échappé aux recherches de la
justice civile et ecclésiastique, et contre les-
quels on avait lancé l'excommunication.
Dès que la terrible sentence était fulminée
contre le condamné, le diable le transformait
en îoup'garou et il était condamné à courir le
garou toutes les nuits. Ce supplice, qui durait
sept ans, consistait à courir sans relâche à
travers la plaine déserte, toujours poursuivi
par Taiguillon infernal.
Si le hasard mettait quelqu'un en présence
d'un garou, il ne fallait pas lui adresser la
parole, car le malheureux perdait alors le
bénéfice du temps déjà écoulé et devait re-
commencer à nouveau ses sept années de
courses folles.
Pour mettre fin au sort misérable du loup—
garou, il fallait pouvoir le saisir, le plonger
220 rOLK-LORE DE LA BEAUCE ET DU PERCHE
un instant la tcte dans l'eau et le frapper sur
la tête jusqu'à effiision du sang. La puissance
de Satan s'échappait avec le sang, renchan-
tement cessait et le s^ai'ou reprenait la forme
humaine.
* *
D'après une autre version, le loup-garou
était un homme qui avait fait un pacte avec
le diable, soit pour s'enrichir, soit pour se
rendre invisible et nuire à ses ennemis. Pen-
dant sept ans, il devait courir à travers la
plaine. S'il mourait pendant ce temps, son
;imc devenait la propriété du diable. Dans le
cas contraire, au bout du temps fixé, l'enga-
gement était rompu, l'homme cessait d't^tre
sous l'empire du diable.
Jfe
§ V. — Histoires de Sorciers^ de Démons
et de LoîipS'Garons.
ES traditions beauceronnes et per-
cheronnes rappellent un grand
nombre d'histoires sur les sor-
ciers et les loups-garous. Le
diable y joue un rôle personnel ou occulte
toujours malfaisant. Les récits de nos aïeux
sont remplis d'apparitions merveilleuses ou
effrayantes. La crédulité naïve du public, son
ignorance des lois physiologiques et psycho-
logiques, ont accrédité ces récits et les ont
rendus populaires. Des faits bizarres sont
rapportés, quelquefois difficiles à expliquer
aujourd'hui ; c'est que le narrateur en a exa-
géré l'importance, dénaturé le sens en laissant
chevaucher son imagination exaltée. Ou bien
ce soi-disant conteur fidèle, visionnaire pri-
vilégié, n'est qu'un vil imposteur.
222 FOLK-LORE DE LA BEAUCE
La plupart de ces histoires, plus chimériques
que diaboliques, manquent d'originalité. On
les retrouve, avec le même fonds, sous des
formes à peine différentes, dans toutes nos
provinces de France ; en voici quelques-unes,
assez caractéristiques, prises parmi celles qui
nous ont été racontées.
Le sorcier de FaveroUcs.
Au XX^ siCxlc (ceci se passait en février
1901), il existe un village, en Loir-et-Cher,
où Ton croit encore aux sorciers. A Chavi-
ij^ny, hameau de la commune de FavcroUcs,
un cultivateur, ayant son fils atteint de la tu-
berculose et dont l'état, malgré les soins du
médecin, allait toujours en s'aggravant, fit
venir, pour le soigner, un devin qui ne put
Tcmpécher de mourir.
Aussitôt arrivé, celui-ci s'écria :
— Je vois ce que c'est : un sorcier 4 jeté
un sort à votre fils. Heureusement pour vous,
j'ai le pouvoir de le conjurer. Seulement,
ET DU PERCHE 22 3
ajouta-t-il, je prévois que le sorcier reviendra
dans le village, vers le coucher du soleil, et,
à la première personne qu'il rencontrera, jet-
tera le même sort.
Voilà pourquoi, pendant plusieurs semaines
à Chavigny, vers le coucher du soleil, vous
n'auriez pas rencontré âme qui vive.
Toutes les portes étaient closes. On se bar-
ricadait chez soi , et si un étranger venait à
circulera cette heure fatidique, blotti crainti-
vement derrière le rideau, on se chuchotait
à l'oreille, bien bas :
— Cest le sorcier !
La grange du Russay,
On raconte qu'au Russay, près de Se-
^nantes, se trouve une grange qui a servi de
refuge aux sorciers ou au diable. Il y a, de
temps immémorial , dans le mur nord de
cette grange, un trou que nul n'a pu boucher
et que personne, aujourd'hui encore, noserait
essayer de boucher.
224 FOLK-I.ORE DE LA BEAUCE
*
La ,çrange d' Ymonville.
Il existe, il Ymonvillc(E.-et-L.),une grange
dont la toiture ne put jamais être achevée.
Les ouvriers qui la construisirent lais-
sèrent, pour une cause inconnue, deux che-
vrons à poser. Or ces ouvriers étaient des
fla maçons (francs-maçons) — qui sont, dit-
on, des sorciers, — ce qui fait que nul autre
qu'eux ne peut achever leur ouvrage. Le
propriétaire de la grange fit, à plusieurs re-
prises, poser les deux chevrons manquants ;
mais toujours, dans la nuit suivante, le tra-
vail de réparation fut détruit. Si, dans ce vil-
lage, vous demandez à voir cette grange, l'on
vous répond qu'elle est située dans un autre
bourg, si bien qu'on ne put jamais la voir.
Fresna\^-rEvéque possède aussi une graagc
dont le toit est resté inachevé. Ici, c'est le
ET DU PERCHE 225
diable qui, à la suite d'un pari, devait la bâ-
tir entièrement en une nuit. Lorsque le coq
chanta, il restait à boucher le trou... encore
béant aujourd'hui.
*
Le Sorcier de La Loupe.
De petits cultivateurs d'un village, près de
La Loupe, voyaient successivement périr
chevaux et vaches, sans que le vétérinaire pût
déterminer la cause de la maladie. Ils con-
sultèrent la rêveuse renommée des environs
qui, prévoyant un sô {sort), les engagea à con-
sulter sur-le-champ un homme très savant
de Nogent-le-Rotrou, appelé le guérissettx.
Celui-ci prévoit de grandes difficultés, fait
verser 60 francs et demande quinze jours de
répit pour conjurer le sort. Les quinze jours
expirés, nouvelle visite, nouveau versement
et rassurantes paroles de l'oracle qui ordonne
aux braves et naïfs paysans de rentrer chez
eux, de demander une neuvaine à leur curé
sans lui en dire lemotif,d'achetcrtrcize cierges.
15
226 TOI.K-I.ORE DE I,A BEAUCE
Le dernier jour de la neuvaine, mettre une
paire de souliers neufs à la porte du corridor
pour que le sort s'en aille» donner la provende
pour trois jours aux bctes, faire un bon re-
pas, allumer les cierges et se mettre au lit,
trois jours durant, en gardant une diète et un
silence absolus, sinon le sort nô partira pas.
Les braves gens exécutèrent ponctuellement
leis recommandations du guérisseux. Inutile
de dire qu'ils en furent pour leurs souliers
neufs et le sorcier, pour six mois de prison.
I.C diable à Gauhcri.
Une foule de faits, aussi étranges qu'ef-
iViiyants, rapportés par le journal chartrain,
V Abeille, dans son numéro du 14 mars 1849,
se sont passés chez M. DoUéans, meunier à
Gaubert, commune de Guillonville (Eure-et-
Loir). Ce meunier fut victime d'un vol de
bottes de foin et d'un commencement d'in-
cendie. Sa domestique, Adolphine Benoît,
accusa de ces méfaits un voisin nommé V. . .
ET DU PERCHE 22'
qui, arrêté, fut bientôt, faute de preuves, mis
en liberté. Depuis le jour de l'arrestation de
V..., il se passa chez M. Dolléans des
choses effrayantes : des coups étaient frappés
sur les planchers, les portes s'ouvraient seules
avec fracas, les serrures et les cadenas dis-
paraissaient, ^dolphine, surtout, était victime
d'êtres invisibles. « Tantôt des cordes, des
chandelles, des chifîes, des corbeilles à
pain, des chopines pleines d'eau, et même
de vieilles charognes, se trouvaient trans-
portées sur son dos ou dans ses poches.
Tantôt les ustensiles de cuisine, casseroles,
poêlons, cuillers à pot, etc., venaient s'ac-
crocher aux cordons de sa jupe ou de son
tablier. D'autres fois, en entrant dans l'é-
curie, les harnais des chevaux sautaient sur
elle et l'entortillaient, de telle façon qu'un
secours lui était nécessaire pour s'en débar-
rasser. Un jour, les deux colliers des chevaux
vinrent se placer sur ses épaules. Des sacs à
farine s'abattaient sur elle et l'enveloppaient
de la tête aux pieds » Pendant plus
d'un mois, la pauvre fille fut en butte à toutes
sortes de vexations qu'on attribua au diable.
228 FOLK-I.ORE DE LA BEAUCE
On supposa que V. . . était sorcier et que,
pour venger son associé et punir sa dénon-
ciatrice, il persécutait Adolphine.
Le curé de Cormain ville fut appelé ; il fit
l'exorcisme selon le rituel : le diable disparut,
le moulin de Gaubert retrouva son calme
habituel. •
*
* *
La grotte du Mont-Chenu.
A la suite de circonstances un peu nua-
geuses, rapportées par la tradition sur le .sei-
gneur d'un château-fort situé près de Péxv
(E.-et-L.), et en raison de son pacte avec le
diable, chaque année, depuis la mort du châ-
telain, un prodige s'opérait dans les envi-
rons dudit château, au champtier du Mont'
Chenu. Le prodige avait lieu le jour de Noël
et seulement pendant qu'à la messe de mi-
nuit le curé de Pézy récitait la généalogie de
Jésus-Christ. Voici en quoi il consistait :
une crevasse énorme s'ouvrait, laissant aper-
cevoir de longues galeries souterraines très
ET DU PERCHE 229
bien éclairées ; le long des murailles, étaient
rangés des coffres immenses renfermant, les
plus proches, de la monnaie de billon ; suc-
cessivement, les autres contenaient de l'ar-
gent, de Tor et, au fond, des pierreries et
des diamants.
Aucune cfifficulté pour pénétrer dans les
galeries : la pente était douce ; mais le laps
de temps, pendant lequel les trésors étaient
accessibles, était si court et la distance à
franchir si grande qu'on n'osait s'aventurer.
La terreur de l'emprisonnement dominait la
cupidité. Surtout qu'on apercevait çà et h\,
gisant sur le sol, les squelettes des impru-
dents visiteurs qui avaient payé de leur vie
leur amour des richesses.
On cite cependant quelques noms de per-
sonnes qui ont dû s'enrichir par ce moyen.
Ce sont des gens du pays qui, nés de p;i-
rents pauvres , sont devenus riches , très
riches, paraît-il, sans qu'on puisse savoir exac-
tement comment ils ont acquis leur fortune
présumée. On dit qu'ils sont allés puiser à
pleines mains dans les coffres de la <;rotlc
du Mont-Chenu.
2^0 FOLK-LORE DE LA BEAUCE
Le trésor de Véiang de la Fonte.
L'élaiig de la Fonte j situe sur la commune
de Montigny-le-Chartif (E.-et-L.), n'existe
plus que de nom . Il n'en reste qu'un trou
où viennent s'engouffrer avec fracas les eaux
d'un étang voisin. Ce trou, autrefois légen-
daire, 'renferme un trésor ; mais, comme tous
les trésors, il est sous la garde du diable. Une
porte en fer en masque l'entrée ; cette porte
s'ouvre une fois l'an, pendant la messe de
minuit ; monnaies de billon, d'argent et d'or
sont rangées à une certaine distance de l'en-
trée du souterrain. En un mot, c'est l'histoire
du trésor du Mont-Chenu et celle de tous les
trésors enfouis sous les vieux castels, les
tombelles, les gouffres, etc. Le temps est li-
mité, la distance à franchir est assez grande,
le diable garde l'entrée, les ambitieux seuls
s'y laissent prendre.
La Tour de Montlandon, près La Loupe,
renferme également, d'après les traditions,
des trésors merveilleux.
ET DU PERCHE 23 1
* «
Les sorciers de Doiirdan.
Pour compléter ces histoires de trésors
enfouis, nous rapporterons textuellement les
avatars des Sorciers de Dourdan, signalés,
en 1875, par V Astrologue de la Bcauce et du
Terche :
« Vers 1740, il courait par la Bcauce d'é-
tranges bruits. Dans les marchés, dans les
cabarets, on se répétait à l'oreille qu'il y avait
à Dourdan des sorciers qui étaient en com-
munication avec le diable et avaient le secret
de lui faire donner ou découvrir des trésors.
Plus d'un paysan hochait la tête d'un air
incrédule, mais rentrait chez lui fort préoc-
cupé, et, sans en rien dire à ses voisins, se
décidait à faire le voyage de Dourdan, pour
consulter Monsieur Jean-Baptiste Potin et ses
deux ou trois acolytes. Ce n'était pas chose
aisée d'obtenir de ces puissants personnages
qu'ils se déterminassent à faire une évocation
ou appela et une femme de Chartres leur avait
232 FOLK-LORE DE LA BEAUCE
vainement offert 2,500 livres pour venir
chez elle. Le rendez-vous était souvent fort
loin : un nommé Henri Moutier, de Saint-
Arnoult, avait dû aller jusque dans le parc de
Versailles, conduisant sa charrette attelée de
cinq chevaux et chargée de six poinçons
vides destinés à rapporter le trésor. En géné-
ral les appels se faisaient aux environs de
Dourdan, à minuit, dans quelque lieu écarté.
C'était dans un champ de fèves, derrière la
chapelle Saint-Laurent ; c'était encore dans
la « cave de Bistelle » ou bien dans une cave
de Rochefort ou de BuUion, ou dans un ca-
binet de Tauberge du sieur Masseau, à Ram-
bouillet, chez qui le diable avait élu domicile.
Il ne fallait pas un mince courage pour as-
sister aux évocations, car il s'y passait des
choses effrayantes. A la clarté de six chan-
delles, et après avoir brûlé des parfums dont
on était presque asphyxié. Potin faisait des
cercles avec une baguette, puis il s'écriait
par trois fois d'un ton de maître : a Astaroth,
« je te fais commandement de la part du
(T grand Dieu vivant et de la main de gloire
« que lu aies à paraître devant moiî » Et
ET DU PERCHE 233
alors le diable se montrait sous la fiinirc d'un
ours, ou bien sous celle d'un homme vêtu
de noir ou de blanc avec une mitre d'or, d'ar-
gent et de pierreries sur la tête, quelquefois
seul, quelquefois accompagné d*unc cinquan-
taine de diablotins. Astaroth était exigeant :
il fallait faire un pacte de renonciation au
baptême, se piquer le doigt avec une épingle
et signer avec son sang. Le diable signait de
son côté avec de l'encre sur un tapis brillant
comme du feu. Alors il indiquait un jour pour
livrer le trésor, se faisait payer son voyage,
faisait sonner son argent dans des barils à
harengs et disparaissait. Quelquefois Asta-
roth était méchant, mordait, égratignait et
battait les assistants.
Il fallait aussi une patience éprouvée et
une bourse déjà bien garnie pour tenter pa-
reille aventure. Il était indispensable de se
procurer un exemplaire du livre « des quatre
princes, » paraphé du diable ; il fallait payer,
en attendant minuit, le souper de la compa-
gnie, payer les chandelles et les parfums,
payer, après minuit, les quittances et les en-
gagements, de Dourdan à Rochcfort, de Ro-
2 54 FOLK-LORE DE LA PEAUCE
chefort à Rambouillet ou à Chartres, ou ail-
leurs, suivant le lieu indiqué pour la livrai-
son du trésor. Le diable apportait une statue
d'or, les assistants, ne pouvant la partager,
demandaient de l'argent monnayé, et c'était à
recommencer. Le plus difficile, dans cer-
taines occasions, c'était de trouver un prêtre
en habits sacerdotaux, qui voulût bien se
charger des péchés de trente ans et saisir le
diable avec une étole ou un cordon bénit,
pour lui faire rendre des engagements ou des
papiers de succession perdus. On n'avait pas
d'autre ressource alors que d'aller chez le
curé de Bullion, le sieur d'Enfert, qui ne
refusait pas son service, mais qui le faisait
singulièrement attendre.
Or, il arriva qu'au commencement de juin
1744, Martin Lorr}% meunier à Sonchamp,
fut un peu moins patient que les autres. Il
s'agissait pour lui d'un trésor de vingt mil-
lions, caché dans un vieux château ; Astaroth
le traînait de rendez-vous en rendez-vous, et
rappel définitif n'arrivait pas. Lorr}^ en était
déjà pour plus de mille livres de voyages du
diable, de parfums, de régals à Potin et con-
ET DU PERCHE 235
sorts chez Trouvé, Barré, Guérot, cabarcticrs
de Dourdan, et chez tous les aubergistes de
la contrée. Il causa un peu et reçut des con-
fidences inquiétantes : Moutier, de Saint-
Arnoult, avait aussi déboursé mille livres;
son voisin, Louis Goudron, le vigneron, avait
payé tant de voyages qu'il en était réduit à
coucher sur la paille, et Masseau, Tauber-
giste, à se faire homme de peine; Jaudon,
l'arpenteurde Rambouillet, avait donné douze
cents livres et de plus sa fille en mariage à
un des sorciers, pour le mettre dans ses inté-
rêts ; Laroche de Saint- Arnoult avouait cent
cinquante livres ; Lair de Bullion en avait
déboursé six cents. — Personne n'avait rien
reçu.
L'abbé Buchèrc, curé de Sonchamp, reçut
quelques doléances de son paroissien, il écri-
vit à M. Védye, lieutenant-général de Dour-
dan, et l'aftaire prit une autre tournure. Les
lieutenants-généraux ne croient pas aux sor-
ciers. Une enquête fut faite. Lorr}^ servit
d'espion, et la cabale fut découverte. Les
sorciers de Dourdan n'étaient que des escrocs
ou des fous. Potin avait passé sa vie à jeter
236 FOLK-LORE DE LA BEAUCE
des sorts et à prétendre guérir de la colique,
hommes et bêtes, avec des herbes ; il avait
déjà fait un bon séjour à Bicêtre. Clespe, jar-
dinier, lui ser\'ait de compère, plusieurs
autres Dourdannais partageaient la recette
comme complices. D'autres, d'abord dupes,
étaient entrés dans la compagnie, et l'un d'eux
s'était chargé de faire Astaroth. Un pcrc An-
tonin, sous-prieur de l'abbaye de Clairefon-
taine, pauvre tête séduite par le cardinalat
avait sacrifié pour cela son pécule de 700 livres
et était devenu séducteur pour le regagner.
Quant au sire d'Enfert, c'était un vieux fou
qui recevait chez lui une foule de bergers et
de vauriens, et était le scandale de sa paroisse
et la désolation de ses supérieurs. — Les pré-
tendus livres mystérieux, montrés aux braves
gens, n'étaient simplement que desalmanachs,
et un grimoire à demi-brûlé fut repêché dans
la rivière par des laveuses. Quand la chose
fut ébruitée, il se trouva dans la contrée plus
de trois cents témoins à charge. Les sommes
reçues par les sorciers atteignaient un chiffre
considérable, et l'on murmurait les noms de
plus de vingt bourgeois des meilleures familles
ET DU PERCHE 237
de Chartres qui attendaient encore des
trésors.
Grande fut rémotion de la population de
Dourdan quand, sur un mandat d'amener de
M. le lieutenant-général, les sorciers, escor-
tés par la maréchaussée, firent leur entrée
dans la grosse tour, et quand on vit pendant
de longues journées, à la barre de l'auditoire,
ces personnages redoutés répondre de leurs
méfaits, tout comme des voleurs. C'est par
des huées que Potin, Clespe et compagnie
furent salués, le 22 août 1744, quand ils
montèrent en charrette, pour faire le voyage
de Bicêtre, avec le brigadier, porteur des
lettres de cachet paraphées du roi. Ce qui
n'empêcha pas, plus d'une bonne âme, de se
signer en les voyant partir, et de saluer bien
bas quand vint à passer, nombre d'années
après, quelqu'un d'entre eux, sorti, à la prière
d'une grande dame, de « Thôpital général
de la bonne ville de Paris ».
2^8 FOI.K-I.ORE DF: LA BEAUCE
'«^ r
Nogent-Ie-Rotrou maléficié.
Au milieu du XIX« siècle, une épidémie
de choléra sévissant à Nogent-le-Rotrou, la
municipalité, par mesure d'hygiène, ordonna
d'arroser, chaque matin, le devant des mai-
sons. (La source des Lambert, à cette époque,
n'alimentait pas encore la ville.) Les paysans
percherons se firent rares le jour du marché :
ils prirent cette mesure d'hvgiène pour un
maléfice qui n'avait d'autre but que celui de
vicier l'air et de répandre le choléra. Les no-
«^entais, de leur côté, s'enfermaient chez eux
aussitôt après l'arrosage, persuadés que les
miasmes seraient absorbés par les campa-
gnards en arrivant à la ville ; après quoi, ils
pouvaient sortir sans crainte
ET DU PERCHE 259
*
Le loup-garou beauceron.
Il y avait autrefois (on ne précise pas le
siècle), dans une ferme de la Beauce, (les
noms varient) un vacher qui découchait
toutes les nuits. Maîtres et domestiques
avaient remarqué ses absences nocturnes,
mais ils n'en parlaient qu'entre eux. A cette
époque, un loup-garou parcourait la plaine ;
il venait, chaque nuit, rôder autour de la
ferme et agacer les chiens, en passant son
museau par la chatière percée dans les grandes
portes.
Intrigué des sorties régulières de son valet,
le fermier voulut voir où il allait. Il se
cacha à la sortie de la ferme, décidé à le
suivre. Le vacher sortit peu après, gagna
un hangar situé à cent mètres environ et re-
tira de sous sa blouse un paquet enveloppé.
C'était une large ceinture qu'il se mit autour
du corps. Aussitôt il devint loup-garou et
partit au galop à travers la campagne.
240 ri)LK-LORE DE LA BEAUCE ET DU PERCHE
Le fermier rentra, non sans frayeur, en
son logis ; néanmoins il reprit courage, et,
s'armant d'un gros bâton ferré, il alla se pla-
cer à proximité de la chatière. A peine était-
il à son poste que les chiens aboyèrent avec
rage : la tcte du loup-garou était à demi
passée dans la chatière.
Le fermier frappa un coup de sa matraque ;
le sang jaillit. Une voix dit aussitôt : « Tant
mieux, je suis quitte; j'en avais encorepour
trois ans. »
Le lendemain, le fermier vit une cicatrice
sur le front de son vacher qui, depuis lors,
ne sortit plus la nuit.
^
CHAPITRE V.
Le Monde Fantastique.
§1-
Les Fées.
^iL reste encore, dans nos contrées,
quelques adeptes de la sorcellerie,
on peut dire que la féerie n'existe
plus qu'à l'état de souvenir. Les
fées ont tenu une grande place dans l'imagi-
nation de nos ancêtres beaucerons et perche-
rons. On en retrouve des traces dans les ap-
pellations données à certains mégalithes
{Cf. 11^ Tartie. — Chap. /. — § ///. Culte
des Pierres : Pierres-des-Fées ; ^al des Dames
de Bainville), et à de vastes souterrains. (§ V :
Croih-auX'Fées, Groites-des-Vierges). On les
i6
242 FOLK-LORE DE LA BEAUCE
appelait Fêes^ Vierges^ Daines ou Demoiselles,
Les fées ne se montrant plus de nos jours,
c'est auprès des vieilles gens que nous avons
pu connaître leurs exploits d'antan. D'après
eux, si les fées ne se voient plus, elles con-
tinuent, comme par le passé, à s'occuper des
enfants. Un enfant a sa bonne ou sa mauvaise
fée qui influera sur sa destinée future. Ré-
duites ainsi à jouer ce rôle invisible, les fées
nous ont paru se confondre, dans l'idée de
ces vieillards, avec la providence ou le ha-
sard, ou avec la destinée même.
Les fées étaient considérées comme im-
mortelles ; elles possédaient un pouvoir sur-
naturel offrant une ressemblance assez frap-
pante avec celui des sorciers. Quoique im-
mortelles, elles étaient, comme les hommes,
sujettes aux maladies et aux passions hu-
maines. Quelques fées épousèrent des
hommes ; elles eurent des enfants ; mais alors,
elles cessaient d'être immortelles.
Un grand nombre de fées prenaient plaisir
à voler les enfants des hommes; elles les
remplaçaient la nuit, par des êtres petits,ma-
linî^res, contrefaits et idiots.
ET DU PERCHE 243
Les fées avaient pour demeures des tertres
naturels, des rochers, des étangs, des fon-
taines, des grottes. On en voyait, môme sur
les nuages, pendant les orages. On assure
que certains dolmens ont été apportés par des
fées, dans leur dei'antière (tablier), afin de
masquer aux hommes l'entrée de leur
demeure.
Rarement les fées sortaient pendant le jour;
mais, la nuit, tout le monde pouvait les voir
aller et venir, danser en rond ou laver aux
fontaines. L'herbe ne repoussait plus dans
l'endroit où elles s'étaient abandonnées aux
tourbillons de leurs farandoles échevclées.
*
Les ondines des fontaines lavaient leur
linge : un linge blanc, d'un blanc inimagi-
nable ; elles retendaient sur le gazon le plus
proche. Lorsque des chrétiens (on donne com-
munément ce nom aux hommes) essayaient
d'y toucher, le linge devenait invisible. Toutes
ces fées étaient grandes, sveltes, d'une beauté
éblouissante.
244 FOLK-LORE DE LA BEAUCE
D'autres, au contraire, maigres, tannées,
débraillées ressemblaient à des squelettes ;
celles-ci lavaient, avec une sorte de rage,
quelque chose de livide, de forme indistincte
qui, sous les coups du battoir, semblait gémir
et pleurer : c'étaient, disait-on, des âmes
d'enfants morts sans baptême.
Plusieurs fontaines de la Beauce ont ser\'i
de demeures aux fées. Nous citerons notam-
ment celle de Barboton, près Bonneval. Sui-
vant la tradition, la Dame marchait sur Y eau
comme Notre-Scigneiir ; elle se posait sur les
roseaux sans que les roseaux fléchissent. Vê-
tue d'une robe et dun voile de gaze blanche,
au printemps, elle occupait toutes ses nuits à
cueillir des fleurs ; au temps de l'Avent, elle
priait et se lamentait.
Une autre fontaine, aujourd'hui disparue,
rappelle le souvenir des mauvaises fées : elle
était située dans les environs d'Auneau, et
alimentait la mare du bois de Sainville. Cette
source était très capricieuse; parfois, après
ET DU PERCHE 245
de longues pluies, elle laissait la mare à sec,
tandis qu'elle la faisait déborder après une
sécheresse persistante. On disait alors que la
source prédisait les années d'abondance
et de disette. Une naïve légende s'y rat-
tache.
Par une brûlante journée d'été, saint
Maur traversait la plaine nue et aride de la
Beauce; se rendant à Auneau, il passait,
mourant de soif, auprès de ladite fontaine.
Agenouillées au bord de la mare, quatre
jeunes filles lavaient le linge de la famille.
Saint Maur demanda et obtint la permission
de se désaltérer. Pendant que le voyageur
était penché sur l'onde, le diable, qui le pour-
suivait sans cesse, tenta malicieusement l'une
des jeunes filles ; avec son battoir, elle poussa'
le malheureux pèlerin qui plongea dans la
mare peu profonde en cet endroit. Il se releva
sans mot dire et continua sa route. Mais le
soir, les jeunes filles ne rentrèrent pas chez
elles : le diable les avait emportées .
Depuis lors, entre minuit et le chant du
coq, les jeunes filles revinrent, comme des
fantômes, échevelées, les yeux hagards,
246 FOLK-LORE DE LA BEAUCE
frapper à coups redoublés sur le linge. Un
bruit sinistre, des cris étouffés, des craque-
ments d'os brisés se faisaient entendre autour
de cette étrange scène que certains paysans
prétendent avoir vue.
La petite source a disparu, mais la légende
subsiste toujours et se raconte à la veillée,
comme une leçon de respect aux saints et de
châtiment pour leurs insulteurs.
Les méchantes fées étaient rares ; il ne fal-
lait pas les contrarier, sinon elles se vengeaient
sur la personne, sur sa famille ou sur ses
biens : elles volaient les enfants ou les vouaiaii
au luauvais destin ; eWcs son fflaieiit dts maladies;
elles rendaient stériles prairies, moissons ou
vendanges.
En général, les fées aimaient à rendre ser-
vice aux hommes et ne demandaient aucune
récompense. Grâce â elles, des bobines en-
tières de lin furent filées en une nuit; des
animaux, des personnes furent guéris. Elles
avaient une préférence marquée pour les gens
d'humble condition. On en a vu garder les
moutons dans la phine, soigner le bétail dans
la ferme, lilles allaient même, la nuit, parles
ET DU PERCHE 247
cheminées, auprès des enfants au berceau ;
elles les levaient, les changeaient, les réchauf-
faient, les recouchaient bien endormis, après
quoi, elles repartaient comme elles étaient
venues.
Tels sont les souvenirs que nous avons pu
recueillir sur les fées de nos contrées , au
iemps où elles se montraient aux hommes, La tra-
dition populaire est pauvre sur ce point ; elle
a laissé s'évanouir,avec les vapeurs des étangs,
ces légendes et ces contes merveilleux qui
dataient du moyen âge, époque des poétiques
fictions, où les fées, êtres divins, se plaisaient
à errer au milieu de notre chétive humanité.
§ n. — Les Lutins,
ES lutins, comme les fées, ne se
montrent plus maintenant ; mais
les vieillards en parlent encore et
se souviennent des tours qu'ils
jouèrent à maintes personnes.
Les lutins ou farfadets n'étaient ni des
hommes, ni des animaux : c'étaient des êtres
à part, (des esprits, peut-être), malicieux et
enjoués, serviables et vindicatifs. Ils habi-
taient, le jour, dans les lieux déserts, dans
les bois, dans les masures abandonnées. Dès
le crépuscule, ils quittaient leurs demeures
et venaient dans les villages se livrer à toutes
sortes d'espiègleries.
Quoique capricieux et fantasques, ils ai-
maient à rendre service ; ils soignaient les
chevaux, les pansaient, les étrillaient et se
plaisaient à tresser leurs crins. C'est à ce
dernier signe que les charretiers s'aperce-
FOLK-LORE DE LA BEAUCE ET DU PERCHE 249
vaient, au matin, de la visite nocturne des
lutins. Chevaux et vaches, pris en affection
par eux, devenaient pleins de santé et de
vigueur.
Certains farfadets se complaisaient dans les
soins du ménage. Lorsque la ménagère ou la
servante leur semblaient travailleuses, ils ve-
naient la nuit soigner les enfants, cirer les
souliers, laver la vaisselle, balayer Taire, etc.
Ces bons offices qu'ils rendaient à certaines
personnes ne les empêchaient pas de s'aban-
donner à leur nature espiègle. Ils cachaient
l'aiguille de la couturière, la truelle du ma-
çon, la faux du moissonneur, le rabot du
menuisier ; ils emmêlaient le fil du tisse-
rand, faisaient des nœuds dans le ligneul du
cordonnier.
Si Ton contrecarrait les lutins dans leurs
caprices, ils devenaient malfaisants. La nuit,
ils remuaient les casseroles, les meubles, les
lits ; ils allaient jusqu'à faire des cabrioles sur
la poitrine des gens endormis. Une fois
irrités, les farfadets devenaient terribles :
hommes, femmes, enfants étaient maltraités
avec une violence inouïe.
250 FOLK-LORE DE LA BEAL'CE
Pour se soustraire aux mauvais traitements
dos lutins, il était sage de porter sur soi un
peu d'eau bénite. Les bras placés en croix
les éloignaient également. Enfin, si l'on
tenait ouvert un couteau sur la poitrine, ils
se blessaient et disparaissaient : on était pour
toujours débarrassé de ces êtres invisibles.
Une bonne vieille nous a raconté que les
farfadets prenaient quelquefois l'apparence
de tourbillons de vent ; ils dispersaient ainsi,
à travers la plaine, foins ou céréales, au gré
de leurs caprices. Elle fut, elle-même, un
soir, victime de leurs espiègleries. Elle quit-
tait un champ de luzerne que les farfadets
avaient éparpillée. Mécontente, à juste titre,
elle maugréait contre ces mauvais génies,
lorsque, tout à coup, elle sentit soulever son
bonnet. Se retournant, elle vit sa coiffure
s'élever dans les airs et aller s'accrocher à
rcxtrémité supérieure de l'aile d'un moulin
à vent. Elle entendit en même temps rire
les farfadets.
ET DU PERCHE 25 I
•■le *
Un journalier prétend avoir été autrefois
tourmenté par les lutins. Ils le jetèrent dans
la mare ; ils lui cassèrent sa faux pendant
qu'il coupait une luzerne très tendre et peu
drue, etc. etc. ; mais ses habitudes bien con -
nues d'intempérance rendaient ses dires sus-
pects. Ses voisins, qui, cependant, croyaient
aux lutins, ne rendaient pas ces derniers
responsables des mésaventures arrivées au
journalier.
La tour de Montlandon fut jadis, suivant
les légendes, hantée par une légion de mau-
vais esprits. Revenants, sorciers, fées mal-
faisantes s'y donnaient rendez- vous. Les
lutins, vous le pensez bien, étaient de la
partie. Mais voici qu'une fois « les lutins,
au dire du Solitaire du Perche, sortent en
troupe de dessous les pierres et des trous de
la tour maudite. Ils vont s'établir, en plein
minuit, dans des hôtels renommés du fau-
bourg, pour y faire le ménage à leur fantai-
sie, brassent tout, remuent tout, brouillent
252 FOLK-LORE DE LA BEAUCE ET DU PERCHE
tout, sans réveiller personne. Le matin, la
grosse domestique se trouve coifFcc d'une
paire de bas, la bourgeoise a pour manches
les jambes de la culotte de son mari, chaque
voyageur a perdu sa botte ou son soulier
du pied gauche. On cherche, peine inutile.
Pourtant, bientôt la chose s'explique. On
passe à la salle à manger pour déjeuner : la
table est servie; les chaussures égarées y
figuraient, les satanés lutins les avaient fait
sauter dans la poêle pour en faire une sauce
piquante ! . . .
Cher lecteur! puisse votre bonne fortune
vous garder des lutins de la tour de Mont-
landon ! . . . »
a?
^^is^is^^
§ III. — Les Follets.
(ANS le Perche, sur les bords de la
Conie, près des marais de Se-
nonches, les vieux paysans af-
firment que, pendant les chaleurs,
le soir, voltigent des feux-follets , appelés, sui-
vant les localités, simplement follets, fallots ou
flambas. Cette dernière appellation est un di-
minutif de flambart, qui vient de flamme
que les beaucerons et les percherons nomment
flambe. Ces feux-follets choisissent, disent-
ils, les endroits dangereux pour voltiger de-
vant vous afin de vous égarer et vous faire
tomber dans les précipices. La preuve, ajou-
tent-ils, c'est qu'ils vous quittent dès qu'ils
n'ont plus le pouvoir de vous nuire.
Ces feux-follets ne sont autres que les
lueurs phosphorescentes produites par les
feux des marais, les charognes abandonnées ;
leur apparition s'explique donc d'une ma-
254 FOLK-LORE DE LA BEAUCE
nière toute naturelle, de même que leur dis-
parition qui se fait toujours dans les lieux
bas, dans les sources ou les fondrières. Mais
pour les esprits crédules, ce sont de malins
esprits, des âmes qui ont fait un pacte avec
le diable.
Le follet est aussi naïf que méchant,
puisque, pour s'en débarrasser, il suffit de
lui jeter un mouchoir ; aussitôt il vous quitte
et s'amuse à jouer avec ce mouchoir que
vous retrouverez intact le lendemain matin,
à l'endroit même où vous l'avez jeté. Si vous
lui jetez un couteau ou tout autre objet tran-
chant, vous le trouvez ensanglanté le lende-
main : en jouant, le flamba s'est blessé !
De vieux paysans convaincus citent volon-
tiers les noms de ces amis du diable qui, le soir,
se transportent près de l'endroit où l'un de
leurs ennemis doit passer, se couchent sur le
dos, prononcent quelques paroles cabalis-
tiques, et exhalent leur ùmc sous la forme
d'un flamba qui essaye d'égarer celui à qui
ils veulent nuire. Si, voyant un flamba, vous
trouvez un corps et le tournez face contre
terre, au point du jour, vous verrez le flamba
ET DU PERCHE 255
voltiger tout autour et chercher l'issue par
où il en est sorti. Si, avant le jour, il n'est
pas parvenu à y rentrer, il s'envole et devient
la propriété du diable, tandis que le corps
cessera de vivre.
Le feu follet pénètre aussi quelquefois dans
les écuries ; il suit le râtelier avec une lan-
terne, s'attache à la crinière des chevaux, la
mêle si bien que ne pouvant la démêler, on
est obligé de la couper (i).
«
Il existe une grande analogie entre les
follets et les lutins. A part leur clarté, les fol-
lets offrent les mêmes caractères que les far-
fadets et les fées : c'est une classe d'êtres
surhumains, invisibles parfois, ni anges, ni
démons, tantôt bons, tantôt malfaisants, mais
toujours capricieux et badins.
Fées et lutins ont disparu, mais les follets
(i) Les Anglais ont également cette croyance ; leur
feu-follet s'appelle Jack Û'IanterUy c'est-à-dire Jack
porte-lanterne.
256 FOLK-LORE DE LA BEAL'CE
existent encore dans la pensée obscure de la
classe ignorante. Nous avons entendu ra-
conter, sur leur compte, maints méfaits.
*
En revenant de son travail, le soir, le
père P., d'Ouarville, prétend et affirme avoir
été souvent poursuivi par les feux-follets. Ils
couraient devant lui, derrière lui, à ses côtés,
sautant à droite, gambadant à gauche, afin
de l'éblouir et le faire tomber dans les car-
rières qui bordent la route . Ils étaient plus
nombreux les jours de pluie. Ils plongeaient
dans les flaques d*eau et réapparaissaient en
flammes vertes, bleues, jaunes, rouges, tou-
jours sautillant afin de l'aveugler. Lorsqu'il
avait juré plusieurs fois après eux, les feux-
follets disparaissaient : ils ne peuvent en-
tendre le nom de Dieu, même en juron.
La nicre Mélie est sourde : « c'est de la
faute aux follets ». Elle rentrait au village
ET DU PERCHE 257
(toujours le soir) , portant sur son dos un
fagot d'herbe, pour sa vache. Les follets
voltigeaientj sans cesse, autour d'elles. L'un
d'eux, très brillant, vint plonger dans une
flaque d'eau, presque à ses pieds. Quoique
chargée, elle sauta, à pieds joints, dans la
flaque d'eau, pour y noyer le follet. Elle
l'aperçut aussitôt, quelques pas plus loin,
et l'entendit pousser un ricanement strident.
Au mcnie instant, ses oreilles bourdon-
nùrent, « comme si toutes les cloches de
Chartres avaient été auprès d'elle ». Elle
les entend toujours sonner. Voilà pourquoi
la mère Mélie est sourde !
*
Un pauvre diable, légèrement aviné, fes-
tonnait un soir sur le chemin, bien droit
pourtant, qui devait le ramener à sa chau-
mière. Un flamba sort d'une fondrière, sau-
tille devant ses yeux papillotants, Téblouit,
l'égaré, lui fait traverser chaumes et guérets,
le mène, le ramène, enfin le conduit en face
d'une route « unie comme un miroir ». Le
17
258 FOLK-LORE DE LA BEAUCE ET DU PERCHE
malheureux avance d'un pas : Pouf I le voilà
barbotant dans le fossé, plein d'eau, situé
derrière son jardin. Il crut aussi entendre,
en se relevant, l'éclat de rire du flamba qui
était arrivé à ses fins.
CHAPITRE VI.
Coutumes. — Traditions. — Superstitions
diverses.
§ I. — Coutumes religieuses.
i certaines pratiques superstitieuses
nous ont été léguées par le paga«
nisme, d'autres procèdent de la
religion chrétienne. L'Eglise, en
admettant les pactes avec les démons, en re-
connaissant les possessions, en pratiquant
les exorcismes, fit éclore , chez les esprits
simples, la croyance au diable et aux sorciers.
D'autre part, la foi ne fut malheureuse-
ment, pendant plusieurs siècles, trop souvent
invoquée que pour couvrir la spéculation.
léo FOLK-LORE DE LA BEAUCE
En ce temps-là, certains monastères firent
un honteux trafic de reliques incertaines ou
absolument fausses. Nous ne parlerons que
pour mémoire de la ceinture de sainte Mar-
guerite, du prépuce de Jésus-Christ, que les
bonnes gens appelaient le saint précipuce^ du
lait de la sainte Vierge, d'une des larmes
versées par le Christ sur la mort de Lazare.
Ce trafic rapportait des milliers de livres de
rente à ces moines qui rappelaient les prêtres
de Cybèle, débitant leurs amulettes dans les
carrefours. La saine morale et la beauté de
la doctrine chrétienne disparaissaient sous ce
composé de superstitions grossières.
Les théologiens ont d'ailleurs flétri ces
croyances et ces pratiques superstitieuses.
Mais ils ont trouvé une vive résistance dans
la naïveté et la crédulité populaires. Ils n'ont
pu, par exemple, détruire ces croyainces :
qu'en récitant certaines oraisons, en portant
certains signes extérieurs, on ne mourra point
en péché mortel, on ne sera point blessé dans
les combats, on obtiendra de Dieu tout ce
qu'on lui demandera, on délivrera une âme
du purgatoire, on verra la Sainte Vierge
ET DU PERCHE 26 I
avant de mourir, on ne demeurera en pur-
gatoire qu'un certain temps, etc.
* *
Dans cet ordre d'idées, il est facile, de re-
connaître la superstition de la prière ridicule
que Ton appelle la Patenôtre blanche^ dont les
zélateurs, qui sont en assez grand nombre à
la campagne, promettent infailliblement le
paradis à ceux qui la disent tous les jours :
« Petite Patenôtre blanche que Dieu fit,
que Dieu dit, que Dieu mit en paradis. Au
soir m'allant coucher, je trouvis trois anges
à mon lit couchés, un aux pieds, deux aux
chevets, la bonne Vierge Marie au milieu, qui
me dit, que je m'y couchis,que rien ne doutis ;
le bon Dieu est mon père, la bonne Vierge
est ma mère, les trois apôtres sont mes frères,
les trois vierges sont mes sœurs. La chemise
où Dieu fut né, mon corps en est enveloppé,
la croix sainte Marguerite, à ma poitrine est
écrite. Madame va sur les champs à Dieu
pleurant, rencontritM. saint Jean. — M. saint
Jean d'où venez ? — Je viens d'AvE Salus. —
Vous n'avez point vu le bon Dieu ? — Si est,
2é2 FOLK-LORH DE LA BEALCi;
il est dans l'arbre de la croix, les pieds pen-
dants, les mains clouants, un petit chapeau
d'épine blanche sur la tête. Qui la dira trois
fois au soir, trois fois au matin, gagnera le
paradis à la fin. »
Il convient de rattacher à ce genre de
prières grotesques, les incantations des gué-
risseux et les invocations des personnes at-
teintes de fièvres, maux d'yeux, érésipèles,
etc. Ces inspirations baroques se ressemblent
étrangement. Il nous suffira d'en citer
quelques-unes pour les connaître presque
toutes.
Pour guérir les maladies de la vue :
a) « Saint Jean, sainte Vierge et tous les
saints du Paradis, guérissez l'œil de X..,(nom
et prénoms du malade). Maille, que tu sois
ongle, migraine ou araignée, je t'ordonne de
quitter cet œil au nom de Notre-Scigneur
Jésus-Christ. »
l'aire le signe de la croix avant, pendant
et après la conjuration, souffler dans l'œil du
malade et lui ordonner de dire trois Pater
et trois Ave,
h). K( Je ne ferai que ce qu'il plaît à Dieu.
ET DU PERCHE 263
Au nom de Dieu et de la Sainte Vierge, si
c'est une tache, que Dieu la détache; si c'est
le dragon, que Dieu le confonde ; si c'est
une fleur, que Dieu l'anéantisse ; si c'est
l'ongle, que Dieu le décombre î »
Répéter cette oraison le matin, avant le
lever du soleil, jusqu'à complète guérison.
Y joindre cinq Pater et cinq Ave^ en mémoire
des cinq plaies de Notre-Seigneur Jésus-
Christ.
c). — (( Fleur, si tu es blanche, que tu
déblanches; si tu es rouge, que tu dérouges,
si tu es bleue, que tu sortes de ces yeux,
au nom de sainte Claire et de la sainte
Trinité. »
Dire cinq Pater et cinq Ave, en l'honneur
des trois personnes de la sainte Trinité et
de sainte Claire.
Pour guérir le mal de dents :
a Sainte Appoline, assise sur une pierre
de marbre, Notre-Seigneur, passant par là,
lui dit : Appoline, que fais-tu là ? »
— Je suis ici par mon chef, par mon
saint, pour mal de dents.
— Appoline, retourne-toi, si 'c'est une
264 FOLK-LORE DE LA BEAUCE
goutte de sang, elle tombera ; si c'est un ver,
il mourra.
Cinq Pater et cinq Ave, en l'honneur de
Notre-Seigneur. »
* *
J.-B. Thiers flétrit toutes ces pratiques
absurdes, ainsi que les suivantes qui se com-
mettaient à l'occasion de la messe de
minuit :
Faire boire les chevaux et les bestiaux, au
retour de la messe de minuit, avant d'entrer
dans la chambre où Ton couche et avant de
parler à personne, afin de les guérir ou de
les préserver du mal.
Garder du pain bénit de la messe de mi-
nuit et le porter sur soi, pour n'être point
mordu des chiens enragés.
« En certains lieux, les bergers et les ber-
gères s'empressaient à qui irait le pre-
mier ou la première à l'offerte de la messe
de minuit dans la croyance que celui qui irait
le premier ou que celle qui irait la première
aurait, cette année-là, les plus beaux agneaux
de la paroisse.
HT DU PERCHE 265
En d'autres lieux, chez les laboureurs, le
premier qui revenait de la messe de minuit
prenait une pelletée de cendres, et la mettait
à part.
Le premier qui revenait ensuite delà messe
du point du jour et le premier qui revenait
de la messe du jour en faisaient de même ;
puis ils mêlaient ces trois pelletées de cendre
avec le blé qui devait être semé aux semailles
prochaines, et ils s'imaginaient que cela em-
pêchait la brouèrCy c'est-à-dire la nielle, « Vi-
vraie » qui rend les blés noirs, aussi bien que
le pain qui en provient.
Il y en a aussi qui, pour le même effet et
dans la même vue, fermaient la porte du lo-
gis sur eux, au retour de la messe de minuit,
ramassaient les cendres du Tréfouer de la
Bûche de Noël et les mêlaient avec les grains
qui devaient servir, l'année suivante, pour
ensemencer les terres. »
Mettre aux arbres fruitiers une ceinture de
paille, pendant la nuit de Noël, les préserve
de la gelée.
Si la lune éclaire pendant la messe de mi-
nuit, les bergeries et les récoltes ne pros-
266 rOLK-LORE DE LA BEAUCE ET DU PERCHE
pèrent pas. Tout réussit au contraire, s'il
fait obscur.
Tous les trésors enfouis sont ouverts pen-
dant que le prêtre récite la généalogie de
Notre-Seigneur.
Si Ton peut dire trois Ave Maria entre les
deux élévations, on n'aura pas de mauvais
songes.
En enterrant trois épingles ou trois ai-
guilles durant l'élévation, on est guéri du mal
de gorge.
Toutes ces superstitions n'ont plus cours
dans nos campagnes, et c'est à titre de sou-
venirs que nous les avons rappelées ici.
#
§ n. — Coutumes, — Croyances. — Dictons,
lo Sur î'Hotnme.
Teinta — A la campagne, la beauté du vi-
sage réside surtout dans les belles couleurs,
(Cf, III<^ partie, chap, V, § I^'),
On dit d'une personne haute en couleur :
— Air est rougeaude comme une pomme
d'api. Air est belle comme un astre.
Cheveux, — Les femmes (qui ont les che-
veux) rouges font tourner le lait.
— Ses cheveux frisent comme des dents
de herse.
Dents, — On dit que les dents tombent si
l'on fait des mensonges.
Ne:^. — Mieux vaut laisser son enfant
morveux que lui arracher le nez.
— Visible comme le nez au milieu du
visage.
— Il est resté la goule sous le nez. (Ebahi).
268 FOLK-LORE DE LA BEAUCE
Oreilles. — Quand les oreilles vous sonnenty
on parle de vous : oreille droite moquette.
(On se moque) ; oreille gauche, bonne cause.
(On dit du bien).
Yeux, — 11 a les yeux en vrille.
— Il crie comme un aveugle qui a perdu
son bâton.
Une personne dont les yeux louchent
s'appelle calorgue.
Langue. — Il a le sublet bien pendu.
— La femme qui lui a coupé le filet a ben
gagné ses cinq sous.
Mains. — Il a un poil dans le creux de la main.
— Mains froides, cœur chaud.
— Il a la main croche comme un Normand.
Ongles. — Si une mère coupe les ongles
d'un petit enfant, avant de l'avoir mené à
Téglisc, il mourra dans l'année.
Les taches blanches, aux ongles, sont au-
tant de mensonges (d'autres disent : autant de
péchés mortels) faits par la personne qui les a.
— Les jaloux, seuls, ont des taches aux
ongles.
ET DU PERCHE 269
Pieds, — Pieds froids, cœur chaud.
Divers. — Il a un ventre comme un capucin.
D'une personne maigre : AU' est comme
les biques, all'a la graisse en dedans.
D'une personne maladroite : AU' est
gauche comme un prêtre normand.
D'une personne paresseuse : AU' est fai-
gnantc (fainéante) comme un curé .
20 Sur les animaux
Abeille (i), — (Mouche à miel). Si les abeilles
essaiment beaucoup, l'année sera bonne.
Après la Saint-Laurent, les abeilles n'es-
saiment plus.
Deuil : (Cf. IW partie, chap. VI, § II:
La mort,)
La ruche s'appelle un panier.
Pour rassembler les essaims, on frappe
sur des chaudrons ou des casseroles.
Alouette. — On assure que les alouettes,
(i) Les noms vulgaires, ou patois, sont mis entre
parenthèses.
270 FOLK-LORE DE LA BEAUCE
en s'clevant dans les airs, croient qu'elles
vont monter jusqu'au ciel ; c'est pourquoi
elles disent : Je n faiifrai plus, je n' faut' rai
plus. En redescendant, elles chantent de dé-
pit : pfautrai cor\ ffautrai cor (encore).
Ane. — (Bourri). — Sanglé comme un âne
de dix écus.
Traître et méchant comme un âne rouge.
Anguille, — Il se faufile comme une an-
guille.
Araignée. — (Erignéè)* — Araignée du matin,
Chagrin ;
Araignée du midi,
Souci ;
Araignée du soir,
Espoir.
Si Ton voit une araignée filer en descen-
dant du plafond, c'est signe qu'il vous arri-
vera de l'argent.
On dit que certaines grosses araignées,
en passant sur les lèvres d'une personne, lui
donnent un cancer.
Belette, — (B'iett').-^ Il se fourre partout, il
est comme une b'iett'.
ET DU PERCHE 27 1
On dit que les belettes viennent mange-
les œufs dans les poulaillers.
Bœuf, — (Bœu). — Taureau ÇToriau ou Ba-
naiid. — Le torîau banal est le taureau d'une
ferme, qui sert d'étalon. — Un jeune taureau
s'appelle un iorin. — Une jeune vache,
taure ou hedon.
Bœufs, taureaux et vaches portent souvent
le nom de la couleur de leur robe : noire,
rouge, caille, br ingelée, etc.
— Quand une vache est en chasse, on la
mène au banaud (B).
Le veau, sauf vou't, respé, s'appelle viau.
Les trayons se disent trillons.
Les vaches muglent.
Une vache qui a mangé de l'herbe mouil-
lée est empansée.
On dit que l'œil des vaches grossit les
choses ; elles voient les hommes gros comme
des maisons.
— Méchant comme une vache enragée.
— Wcsi étalé (allongé) comme unviau.
272 FOLK-LORE DE LÀ BEAUCE
Caille, — Plus il y a de cailles, moins le
grain est cher.
— Plus la caille répète de fois son chant,
plus le grain est cher, de là ce dicton :
Plus la caille carcaille,
Plus chère est la semaille.
Les cailles disent :
Sèm' ton blé I
Paie tes dettes î
Canard, — (jCana). — Les jeunes canards
se nomment caneis.
— Lorsque les canards s'éplumichetifj ou
lorsqu'ils plongent à plusieurs reprises dans
l'eau, c'est signe de pluie.
Carpe, — Bailler comme une carpe.
— Il est frais comme une carpe qui est de-
puis quinze jours sur la paille.
Ccrf-vohut. — C'est le nom vulgaire de la
Lucane,
Cet insecte noir ailé jouit, en Beaucc, no-
tamment dans le canton de Voves, d'une pro-
ET DU PERCHE 273
priété mystérieuse : sa tête est un talisman
qui fait obtenir au conscrit un bon numéro,
(Cf. III^ partie, chap. IV, § IV ^ Les Conscrits,')
Dans le canton de Champ rond-au-Perche,
le même insecte est considéré comme un ta-
lisman contre les charmes des physiciens qui
vous charment la vue. En portant sur soi la
tête de cet insecte, on n'est pas leur dupe.
Chardonneret, — {Cherdronnet^ échardonnety
ccherdronnerety échardronnerei) — Un nid de
chardonnerets, dans le jardin, porte bonheur.
S'il y a une jeune fille dans la maison, elle
se mariera dans Tannée.
Chat. — Manger dans Técuelle aux chats,
ou seulement dans une assiette léchée par un
chat, enlève les ourillons (oreillons).
— Avoir l'air d'un chat écorché, se dit
d'un enfant chétif.
— Ils sont comme chien et chat, ils ne
peuvent se sentir.
Si l'on donne du pain bénit à un chat, il
devient enrasfé.
Si l'on coupe les moustaches d'un chat, il
ne sent pkis les souris.
i8
274 FOLK-LORE DE LA BEAUCE
Un chat adulte, emporté très loin, même
à vingt lieues, revient à la maison, le lende-
main.
La chatte qui met bas chatonne. Pour se
débarrasser des chats, on les noie en leur
attachant une pierre au cou.
Dans le Perche, on coupe le bout de la
queue des jeunes chats, pour « tuer le ver »
qui s'y trouve et les ferait mourir.
Chat'htmnt, • — (Chahouan). — C'est un
oiseau de mauvais augure (Cf. III^ partie ,
ch, F/, § I" ; La Mort),
Le chat-huant dit à la chouette :
Viendrai- je ? Viendrai- je ?
La chouette répond :
Mais ouai ! Mais ouai !
On dit : malin comme une chouette.
Nos vieux paysans ont remarqué que le
hibou, qui était autrefois absolument noc-
turne, sort maintenant, très fréquemment, en
plein jour, sans paraître incommodé par les
ravons du soleil.
Chauve-souris. — (^Ch.iussC'SOuris, sour-
souris, chaude-souris.)
ET DU PERCHE 275
Autrefois on les clouait aux portes des
granges, comme les chats-huants.
On dit qu'elles sont aveugles.
— Le heurt d'une chauve-souris, dans la
figure d'une personne, fait devenir cette per-
sonne aveugle.
*
Chenille. — CVmlley chenille^. Pour se dé-
barrasser des chenilles, voici un moyen très
facile et peu banal : en prendre 9, n ou 13,
(un nombre impair) les porter à un carre-
four de quatre chemins, les déposer à terre,
ealeur faisant prendre une direction opposée
à celle de la maison.
Chaque année, à l'époque de l'échenillage,
préfets et maires pourront l'indiquer à leurs
administrés ; quoique peu connu, le procédé
est tombé dans le domaine public î I !
Cheval, — {CVvau^ fvau). — La jument
(fmcîit, jeument). Noms des chevaux : pom-
melé, péchard^ souris, noir, etc.
Pour les fiiirc avancer : hue, hi, diouc !
A droite : huo-huc !
A gauche : dia !
2/6 FOLK-LORE DE LA BEAUCE
Pour modérer l'allure : là, Uu ho, là !
Pour qu'ils s'arrêtent : Oh !
Pour les faire reculer : rrrû, urrieur, rrr 1
Lorsque plusieurs chevaux sont attelés à
la même charrette, ils portent les noms sui-
vants : le limonier, le cheval de chei'ille, le
cheval de âevauL
Les harnais (harnas) s'appellent : doussièrc,
sourventrière, évaloire, etc.
— Le cheval voit tout, très gros : un
homme lui paraît gros comme une maison.
— L'allure du cheval est plus vive en re-
venant vers son écurie, on dit qu'il sent
l'avoine.
Chèvre, — (Bique), — Le bouc (bou)^ par
sa forte odeur, empêche les épidémies ; c'est
lui qui prend le mauvais air. D'une personne
méchante : c'est une mauvaise chèvre.
— Les enfants qui ont tété une chèvre
sont plus lestes que les autres.
Chien, — Un grand chien : batiaud; un
jeune chien, chiot.
— Se regarder en chiens de faïence (en
ennemis).
ET DU PERCHE 277
Les dents du chien s'appellent des naquets.
— Entre le froid et le chaud, il y a la lon-
gueur d'un chien. (Allusion au museau tou-
jours froid du chien.)
— Nager comme un chien de plomb.
— Entre chien et loup. (A la brune.)
Si un chien a, pendant la nuit, un
aboiement prolongé, on dit qu'il hurle à
la mort.
De même qu'aux chats, on coupe la queue
des chiens pour tuer le ver.
Coccinelle. — (Béte à bon Dieu). — La cocci-
nelle porte chance. (Cf. IlI^partiCy chap. III ^
§ // et chap. IV, § IV.)
Colimaçon. — (Lima à coque). — Marcher
comme un lima. (Aller lentement.) Pour
faire sortir les cornes d'un lima. (Cf. II I^
partie, chap. III, § II.)
Coq, Poule. — (Co'). — Le coq chausse les
poules.
L'œuf laissé dans le nid de la poule, pour
qu elle revienne y pondre, se nomme nichet.
278 FOLK-LORE DE LA BEAUCE
Langage des coqs :
— Ah ! que F hiver est long !
— Qui qui V passeront !
— Ceux qui pourront !
— Un bon co' n'est jamais gras.
— Embarrassée comme une poule mouillée.
Le jour de Saint-Jean-Porte-Latine,. on veil-
lait autrefois les poules couveuses. A minuit,
on les enlevait du nid, parce que :
•
Saint-Jean rencontrant poules couvant.
Leur tortille Je cou en passant
Ou meurent dans l'année bêtes ou gens.
— Si Ton jette les coques d'œufs dans le
feu, cela fait souffrir un saint.
Une poule éclosc en mars pondra davan-
tage.
On met un morceau de fer à cheval dans le
nid des poules pour les préserver du tonnerre.
Les poulets, nés d'œufs que l'on a mis à
couver le jour de Saint-Jean, sont plus gros
que les autres.
Si l'on veut que les poules pondent beau-
coup et de bonne heure, il faut leur donner
ET DU PERCHE 279
des crêpes à manger le jour de la Chandeleur.
Quand les poules se roulent dans la pous-
sière, c'est signe de pluie.
Une poule qui chante le coq présage un
malheur.
Les tout petits œufs de jeunes poulettes,
sont, dit-on, pondus par les coqs. Si on les
faisait couver, il en sortirait des serpents.
— Se passer plusieurs fois sur les yeux un
œuf frais pondu, cclaircit la vue.
— Si l'on donne du pain bénit aux poules,
elles deviennent enragées.
Corbeau, Corneille, — (jCorViau, cornille.)
Le corbeau doit à son plumage noir de passer
pour un oiseau de malheur.
— N'y a point d'cornille qui n'trouve ses
cornillons biaux.
Coucou. — Si, la première fois de l'année
qu'on entend chanter le coucou, on a de
l'argent dans sa poche, on en aura jusqu'au
printemps prochain.
Si le coucou vient de bonne heure, la
récolte sera bonne ; s'il est en retard, les
grains mûriront tard également.
28o FOLK-LORE DE LA BEAUCE
D'après une croyance des habitants de
notre Bcauce, les oiseaux s'accoupleraient le
19 mars, jour de saint Joseph. Tous,...
excepté le coucou, bien entendu.
— Avoir les yeux rouges comme un
coucou.
Crapaud, Grenouille, — (Crapiand, guer-
nouilîe, gueruaielle!)
Le crapaud passe pour téter les vaches.
— Lorsqu'un crapaud est blessé, il jette
du v'iin par tous les pores.
— Sauter comme un crapaud.
Les crapauds annoncent la pluie, lorsqu'ils
se montrent en nombre.
Quand on entend chanter les grenouilles,
c'est signe de beau temps.
» »
Dindon. — {Co d'Inde y coudrou), — On dit :
orgueilleux comme un dindon.
Ecureuil — (Ecureux). — Aimer les noix
comme un écureuil.
Faucheux. — On arrache les pattes des
faucheux et on les met dans sa main ; si elles
ET DU PERCHE 28 1
continuent à remuer, c'est signe qu'on aura
de la chance.
Fouine. — Fouinassier, qui agit de ruse.
— Rusé comme une fouine.
Fourmi. — {Froumt), — La fourmilière
s'appelle /rowf/fôr^.
— Il n'est pas plus fort qu'un' froumi.
Geai. — [Gé). — Il est coléreux comme un gé.
Dans les mariages de mai
La pie bai le geai. (B.)
Les geais ont très mauvaise réputation ; ils
se querellent souvent entre eux ; ils battent du
bec leurs femelles; ils disent des sottises aux
enfants qui dénichent leurs œufs ou leurs
petits.
Grillon. — (Grésillon), — On ne tue jamais
les grillons ; ils portent bonheur à la maison.
Guêpe. — Fin comme une guêpe. (Rusé.)
Hérisson. — (Urisson). — On prétend que les
hérissons vont téter les vaches.
On accuse aussi le hérisson de donner cer-
taines maladies aux vaches.
Hirondelle. — (Hérondelle) . — L'hirondelle
282 FOLK-LORE DE LA BEAUCE
porte chance à la maison où elle fait son nid.
On consulte le vol de Thirondelle pour
savoir s'il fera beau ou s'il pleuvra.
— La fiente de l'hirondelle rend aveugle,
si elle tombe dans les yeux.
— Il vole comme une hirondelle (se dit
d'un cheval qui court très vite.)
* *
Lapin, — Le lapereau se dit : Japweau,
— Il court comme un lapin.
— Le lapin se musse (se cache).
Lé:iard, — Le lézard vert se nomme veri^
creux.
On prétend que le lézard aime mieux
l'homme que la femme.
Lièvre. — [Yèvre, Yeuvre), — Le levraut se
dit yévraux.
La hase se nomme ^'^'l'rr^^^.
La rencontre d'un lièvre le matin est d'un
mauvais présage. . . sauf pour le chasseur.
Loup. — Il a vu le petit loup.
Les loups-garous. Les meneurs de loups
(Cf, Jpparlie, chap. IV, § IV.)
ET DU PERCHE 283
Moineau — (Passe), —
— Pillard comme un moineau.
— Ecervelé comme un moineau.
Mouton^ Bélier, Brebis. — (Bèyier, Bèguier,
Bourd) (Berbis) (Jgneau, Ignelle).
Pour appeler les moutons, les bergers leur
crient : Proue, proue, prrr, quien, quieu, prr,
* *
Papillon, — Quand on voit, le soir, de petits
papillons blancs voler dans la maison, c'est
signe de mort.
Ter ce-oreille, — (Pince-oreille, Cure-oreille^,
— Si un perce-oreille pénétrait dans l'oreille
d'une personne, il la ferait mourir en man-
s^cant sa cervelle.
Pie, — (MargOyCaracaca). - Si les pies font
leur nid dans le jardin d'une ferme où il y a
une jeune fille, elle se mariera dans l'année.
Quand les pies font leur nid dans le haut
des arbres, l'année sera pluvieuse. Lors-
qu'elles le mettent au milieu de l'arbre, l'an-
née sera sèche.
Si, en partant en voyage, on voit une pie :
284 FOLK-LORE DE LA BEAUCE
malheur. Si l'on en voit deux : bonheur ;
trois : mariage ; quatre : baptême.
Pivert. — (^Pivarf). — Quand le pivert
chante, c'est signe de pluie.
Porc. — En Beauce, quand un porc pèse
six-vingt, sept-vingt, on dit : il est raisonnable,
le v'ià bon à tuer. (C/*. même chapitre, ^ // :
Fête à Boudin.)
Le groin se dit guérotiin.
On dit en plaisantant : uoi* nohV, not'
m essieu .
On V appelle pourciau ou goret.
— Sale comme un goret.
Pou. — On dit d'un enfant qui se gratte.
a Tu les changes de parc . » (Tes poux).
L'œuf du pou se nomme lende.
Rêver de poux, c'est signe d'argent.
Puce. — Rêver de puces : chicane de
iemmes.
— Fort comme une puce.
— Donner son cœur à Dieu et son eu*
aux puces. (Aller se coucher.)
ET DU PERCHE 285
*
* *
Rat, — Il arrive que des rats émigrent, en
grand nombre, d'une ferme dans la ferme
voisine. On dit que ce sont des rats envoyés
par un ennemi (sorte de sorcier) qui en veut
au fermier.
Reptiles, — Les reptiles, quels qu'ils soient,
sont très redoutés ; le paysan craint leur v'iin
et les tue tous, sauf le lézard. Il les accuse
aussi de téter les vaches.
L'aspic a un A sur la tête, la vipère a un
V, la couleuvre a un C.
— Méchant comme un aspic.
Sangsue. — (Saussure), — Il est collant
comme une sangsure.
Souris. — Il grouille comme une pochetée
de souris.
— Les souris enterrent (entreront) dans la
7nai, (Se dit d'un ménage où l'homme est
plus petit que la femme).
Taupe, — Aller dans le royaume des
taupes (mourir).
286 lOLK-LORE DE LA BEAUCE
Tique, — Rond ou plein comme une tique.
— Saoul comme une tique.
30 Sur les Arbres et les Plantes
Avdine, — (^Aoine), — Si Ton fait des crêpes
à la Saint-Antoine, on aura beaucoup d'avoine.
La folle avoine est appelée avron.
Blé, — On voit sur un grain de blé la fi-
gure de Jcsus-Christ.
Buis, — {Buis), — On met du buis bénit dans
les greniers à fourrage,afin de chasser les vers.
On en met dans tous les locaux, pour les
préserver de la foudre.
Le jour des Rameaux, on en porte une
branche dans les champs ensemencés, pour
faire profiter le grain et le préserver de la
grélc. (Anciennement, c'était pour déjouer
les maléfices).
Châlaîgncr. — Le fruit s'appelle châlagne
ou châlicrue.
Les enfants disent que les chàtignes crues
donnent des poux.
ET DU PERCHE 287
Chêne. — (C/. Culte des Arbres, 11^ partie,
chap. /, § VL)
— Haut comme un chêne.
Pour préserver les vaches de la cocotte, on
leur mettait des colliers de chêne..
Coudriers, — (C/". Sourciers, 11^ partie,
chap. IV, § II).
Euphorbe. — Si le suc de Tcuphorbe tou-
che les yeux, on devient aveugle.
Fraisier. — (C/. Engelures : Remèdes popu-
laires, IP partie, chap. III, $ VL)
Gui. — Le gui d'épines blanches guérit la
fièvre, la colique, la jaunisse.
Joubarbe. — La joubarbe était employée
autrefois comme aphrodisiaque.
» *
Marguerite. — On consulte la marguerite
pour savoir si Ton est aimé ; Ton dit, en ef-
feuillant ses pétales : Elle m aime, un peu,
beaucoup, passionnément, pas du tout.
Le dernier pétale donne la réponse.
Noyer. — (Calot lier). — Les fruits s'ap-
pellent des calots.
288 FOLK-LORE DE LA BEAUCE
La feuille de noyer chasse les puces.
(C/. Ampoules, Rhumatismes, aux Remèdes
populaires, IP partie, chap. III, j VI),
I
Oseille. — (Ousille). — Sûre comme de l'o-
scillc.
On dit à quelqu'un qui passe vite et sans
adresser une parole :
— Tu passes ben fier, t'as don'raangé de
la soupe à l'ousille.
Persil, — Le persil fait tarir le lait,
— Il doit être semé par un enfant ou par
un insensé, si Ton veut qu'il lève.
Pissenlit. — Qn le consulte, lorsqu'il est
en graine, pour savoir si l'on est aimé : si, en
soufflant dessus, toutes les graines s'envolent,
on est beaucoup aimé ; s'il en reste quelques-
unes, on l'est un peu moins ; s'il en reste
beaucoup, on l'est très peu.
On interroge, de la même manière, le
pissenlit pour savoir l'heure qu'il est, ou le
nombre d'années que Ton a encore à vivre.
— Jaune comme un pissenlit.
Plaulain. — (Cf. Coupures : Remettes popu*
laires.)
ET DU PERCHE 289
Pois. — (Cf. Verrues : Remèdes populaires.^
Sureau. — On plantait autrefois du sureau
auprès des habitations pour garantir le bétail
des malcfices.
40 Sur les Météores.
Arc-en-ciel. — On croit que c'est l'arc-en-
ciel qui tire de Tcau. S'il a l'une de ses
extrémités dans un étang et l'autre à l'ouest
(vers l'Océan): l'arc-en-ciel ^lompe de l'eau,
c'est de la pluie pendant plusieurs jours.
(Cf. Pronostics., IV^ partie, chap, V, § i).
— Arc-en-ciel, le matin, met la pluie en
chemin.
— Arc-en-ciel, le soir, donne bon espoir.
Aurores boréales. — Lorsqu'un immense
nuage rougeâtre s'étend vers le nord, (telle
la lueur sinistre d'un vaste incendie) un
grand nombre de paysans disent qu'une
guerre est proche. Ils rappellent alors qu'au
commencement de Tannée 1870, semblable
fait se produisit. D'autres paysans supers-
titieux ajoutent que ce sinistre présage
marque le courroux céleste ; ils bornent là
leur interprétation de ce phénomène. Bien
19
290 FOLK-LORE DE LA BEAUCE
rares sont cependant aujourd'hui ces arriérés
qui persistent dans ces croyances ; Ton ne
croit plus guère au surnaturel, au moins en
ce qui concerne ces phénomènes d'ordre
physique ; et les pluies de sang, de soufre
ou de crapauds sont maintenant ramenées
à des explications plus vraisemblables : des
trombes qui laissent choir, à un moment
donné, des amas de particules minérales de
coloration rougcâtre, de pollen, ou d'ani-
maux, qu'elles ont aspirés dans les forêts
ou dans les étangs.
Comètes, — On croyait autrefois que les
comètes, comme les aurores boréales, an-
nonçaient la guerre, ou encore la fin du
monde .
Eclipses, — {Esclipe, écUsse,) — Les esclipes
n'annoncent rien de bon.
Etoiles. — (C/. Pronostics.) — On dit qu'une
étoile filante est une âme qui sort du purga-
toire pour aller au paradis.
Si Ton fait une courte prière, quand passe
une étoile filante, on délivre une âme du
purgatoire.
ET DU PERCHE 29 1
Si l'on exprime un vœu, il sera exaucé.
Grêle, — Quand il grêle, il faut jeter de
Tcau bénite sur la vigne.
* *
Lime. — Les vieillards prononcent leune ;
le croissant, crésseni ; le décours, décoû (P.)-
On voit, dans la lune, un meunier chargé
d'un sac de blé ou bien un homme qui porte
un fagot de bois : c'est un voleur condamné
à errer ainsi à travers l'espace jusqu'au juge-
ment dernier.
La lune a une grosse influence sur le vent
et la pluie. (C/. Pronostics,)
« Avant d'entreprendre un voyage, avant
de commencer un travail,disaient les anciens,
consulte l'âge de la lune ». Nos paysans ont
conservé cette croyance, en l'influence de la
lune sur les actes de la vie humaine ; mais
les avis sont partagés sur certains points. Ce-
pendant le décours est généralement consi-
déré comme favorable au soutirage du cidre
et du vin, à la mise en bouteilles, aux se-
mailles, etc. Pour couper les bois, faucher
les foins, tondre les moutons, le décours est
292 KOLK-I.ORK DE LA BEAUCE
encore le moment propice. Toutefois, si ron
se coupe les ongles, en décours, on a des
envies.
— La lune maucre les nuas^es.
On dit que la lune ment : lorsqu'elle a la
forme d'un D, elle croît ; lorsqu'elle a la
forme d'un C, elle décroît.
Neige, — Qjaand la neige tombe, on dit :
Il ban'olledc la neige.
Si on a fret (froid) au talon, c'est signe de
neige.
Lorsque la neige est longtemps à fondre
sur la terre, on dit qu'elle en attend d'autre.
Orage. — L'orage est légitimement redouté
des paysans, en raison des dégâts qu'il en-
traîne : inondation, grêle, incendie. Pour se
garantir du tonnerre, on a recours aux pré-
servatifs suivants :
On allume dans la maison un cierge, bénit
le jour de la Chandeleur.
On jette de l'eau bénite aux quatre coins
de la chambre.
Le jour des Rameaux, on a placé, dans
cette même intention, une branche de buis
ET DU PERCHE 293
bénit dans tous les locaux renfermant bêtes,
gens et récoltes.
Les tisons, provenant des feux, de Saint-
Jean, ont la même vertu que le buis bénit.
A Prunay-le-Gillon, on dit :
— Il toûne, j'aurons de l'ieau si V vent s'y
adoiine.
*
* ♦
Pluie . — {Fuie, plie) . — Lorsqu'il tombe
une pluie très légère, on dit : il bérouasse (P.)
{Cf. Pronostics).
Une pluie très forte : il cbet de Ticau à
portées.
Si une femme a sa poche retournée ou son
tablier à l'envers, elle fera pleuvoir.
Si le soleil brille pendant qu'il pleut :
— C'est le diable qui bat sa femme et
marie sa fille.
Soleil. — Les vieillards disent le soulé.
(Cf. Pronostics.)
— Quand on parle du soleil, on en voit
les rayons .
Vent. — Lorsque le vent est sud-ouest, on
294 FOLK-LORE DE LA BEAUCE
dit qu'il est en qalcrnc ; les anciens disent en
mlarcrne.
o O
— Le vent a le eu en galerne, j'aurons de
l'iau demain.
— La direction du vent qui souffle pen-
dant la messe des Rameaux restera la
même pour une grande partie de l'année.
— Tel le vent se couche à la Saint-
Denis, tel il se couchera les trois quarts de
Tannée.
On envoie les enfants chercher la corde à
virer le vent.
* *
5" À hiiious rompus.
Sur la lablcj il ne faut jamais mettre la
cuiller et la fourchette en croix^ ni placer un
couteau sur le dos, cela porte malheur.
Les ménagères ne cuisent plus guère leur
pain elles-mêmes : autrefois, cuire entre les
deux Noëls, c'est-à-dire entre la Nativité et la
Circoncision, portait malheur.
Le pain, cuit pendant les Rogations, ne se
conserve pas et moisit (P.).
ET DU PERCHE 295
Il faut faire des crêpes le jour de la Chan-
deleur, afin d'avoir de l'argent toute l'année.
La première crêpe est donnée aux poules,
afin de les faire pondre davantage.
Si l'on a perdu un objet quelconque, on dit :
Bon saint Antoine de perte,
Faites-moi trouver ce que je cherche.
L'on croit et l'on dit encore dans certains
hameaux qu'il ne faut jamais couper la corde
d'un pendu, avant l'arrivée de la police ou de
témoins.
On ne doit pas faire de lessive pendant les
Rogations, parce que la procession se fait sur
le linge. Il ne faut pas la couler un vendredi,
on serait mordu par un chien enragé et il
n'y aurait pas de guérison. Le même châti-
ment est réservé aux femmes qui la dccoii-
Ireraieul pendant la messe. Les femmes
prennent bien garde, de ne pas placer en
mlenl (sens dessus dessous) les chemises
dans la cuve, car, si elles commettaient cette
faute, elles mourraient dans l'année.
296 FOLK-LORE DE LA BEAUCE
On ne doit jamais mettre une chemise
blanche le vendredi ; si l'on tombait malade
pendant qu'on la porte, on mourrait dans
Tannée.
A Combres (E.-et-L.), on puise de Teau
le matin de la Saint-Jean, avant le lever du
soleil, et à la rivière ; on la consers'e jusqu'à
la maturité des pommes ; les cidres faits
avec cette eaujsont meilleurs et se con-
scrscnt mieux.
L'çau de puits, tirée le même matin, chasse
les vers du fromage. L'eau bénite a la même
propriété (B.).
Retourner, sens dessus dessous, son verre,
lorsqu'on offre à boire, laisse croire que l'on
veut encore sept verres de cidre (P.)*
Les Percherons s'embrassent trois fois.
Si un jeune homme, en versant à boire,
se trouve placé sous la poutre, au moment
où il vide la bouteille dans son verre, il aura
la fille de la maison (B.).
Lorsque, dans une partie de cartes, Tad-
ET DU PERCHE 297
versaire n'a pas marqué un point, on dit : Il
a passé sous la table ; ou : il a baisé le c. . . à
la vieille (B.).
Le batteur en grange dit qu'il faut avaler
sept boisseaux de poussière avant de
mourir.
La cuisinière se contente de trois bois-
seaux de cendre.
Quand on a ses bas troués, on recevra une
lettre le lendemain.
On dit d'une personne qui a des bas mal
tirés : A\V a ses bas en vis de persoué (pres-
soir).
Quand une femme perd sa jarretière, son
mari lui est infidèle.
Si elle met son bonnet de travers, ou si
elle descend du lit, le dos le premier, elle
sera de mauvaise humeur toute la journée.
On n'entame jamais un pain sans tracer,
avec le couteau, une croix sur le côté plat.
Si l'on dépose un pain sur une table, il
faut le placer sur le côté plat, sinon le diable
danse dessus.
298 FOLK-LORE DE LA BEAUCE
*
Il est d'usage de se souhaiter la bonne an-
née, lorsqu'on se rencontre au village. La
formule est presque invariablement celle-ci :
(f Je te (ou vous) la souhaite bonne et heu-
reuse. » — A ( toi ou) vous pareillement. »
En famille, les plus jeunes vont au domi-
cile des aînés et leur disent, en les embras-
sant : <( Je vous souhaite une bonne année,
une bonne santé, accompagnée de plusieurs
autres. » Ils ajoutent souvent : a Et le paradis
à la fin de vos jours. » La personne embras-
sée répond : « A toi pareillement )> ; ou « A
toi itou. »
On dit en plaisantant : « Je vous souhaite
une bonne année de pain tendre, que la mie
vous étouffe, que la criVc (croûte) vous
étrangle ! »
* *
Quand on mange son pain bénit en s'en
allant de la messe, on sera gai toute la se-
maine (P.).
On dit que le pain bénit de la première
ET DU PERCHE 299
communion se conserve jusqu'au jour où le
jeune garçon — ou la jeune fille — commet
un nouveau péché mortel (P.).
On croyait autrefois que les bestiaux se
mettaient à genoux dans les étables pendant
la messe de minuit ; mais malheur au curieux
qui aurait voulu vérifier le fait, il aurait eu
sûrement à s'en repentir.
Le jour de Pâques, on doit manger des
œufs pondus le vendredi saint, pour ne pas
avoir de fièvres dans Tannée.
Si Ton mangeait des œufs le vendredi saint,
on trouverait des crapauds dedans ; d'autres
disent des serpents (P.).
^ m. Les s II nw! fis.
VANT la Révolution, chaque pa-
roisse, chaque individu avait un
■^ sobriquet, le plus souvent déso-
^ bliiîeant : on disait une crrade.
Les paroisses, transformées en communes,
ont reçu, pour un grand nombre, des appel-
lations différentes ; les mœurs se sont épu-
rées : peu à peu. provinces et paroisses ont
vu disparaître l'épithcte désagréable donnée
à leurs habitants.
Inutile de faire revivre ces anciens sur-
noms qui furent la cause de tant de querelles
et de rixes. On citait, comme orgueilleux, les
gens de B, ; comme niais, ceux de C. ; comme
voleurs, ceux de D. ; comme fous, ceux de
G, L'intempérance des habitants de H. était
proverbiale. On prétait aux cloches un lan-
gage rappelant les défauts ou les vices de
FOLK-LORE DE LA BEAUCE ET DU PERCHE 3OI
leurs paroissiens : celles de /. criaient : Crhe
de faim; celles de K. disaient : Pintes, cho-
pines. Gens d' , toujours soif ! ; celles
de L. appelaient ainsi les fidèles : Bande de
Gueux ! ; celles de M. hurlaient : Fous d' M. . .
* *
Des légendes, quelquefois facétieuses, sou-
vent grossières, confirmaient la raison d'être
de ces surnoms. En voici une, sur les gens de
M . , en Beauce, auxquels on prétait tous les
traits de sottise qui courent le monde : « Un
matin, le curé de M. trouve, auprès de son
église, une ordure, déposée là pnr quelque
passant indisposé. Navré de cette découverte,
le curé va se plaindre au marguillier princi-
pal. Celui-ci rassemble le conseil de fabrique
qui décide de dépl^r Téglise, pour qu'elle
ne reste pas plus longtemps en contact avec
la souillure de l'odorant présent. La cloche
appelle les paroissiens qui se rassemblent
auprès de l'église. Ils partagent le courroux
du curé et l'ingénieuse idée des marguilliers.
Il faut agir sur-le-champ. Chacun va chercher
îiureSy prolonges, traits, cordes, petites et
}02 FOIJ(-LORE DE LA BEAUCE
grosses. Le tout, réuni, fait le tour de l'église,
mais les gens ne peuvent se placer tous pour
tirer. De vieilles femmes apportent de la
laine à tricoter que Ton tresse aussitôt de la
grosseur d'une corde ordinaire. Enfin tout le
monde est placé ; le signal est donné : on
tire; on avance; l'église vient; on tire en-
core ; on a gagné du terrain. Un marguillier
se détache et va voir la distance parcourue :
l'ordure est à trente pieds de l'église. Le
résultat connu double les forces; on tire
toujours. Tout à coup, la corde casse ! et les
pauvres gens de M. sont précipités dans la
mare, peu profonde heureusement.
Un habitant de N., village voisin, de pas-
sage à M., avait déplacé l'ordure; et le terrain
gagné par les fous de M, était dû à l'allon-
gement de la laine qui l'allongea, s'allongea
si bien, qu'elle cassa. »
*
* *
L'habitude des surnoms, quoique moins
commune, s'est perpétuée chez les individus.
Ils sont tirés, soit du caractère particulier,
soit d'un défaut physique ou moral. Ces
ET DU PERCHE 303
surnoms se transmettent de père en fils dans
les familles dont le vrai nom est souvent in-
connu, môme des voisins. Voici quelques
sobriquets beaucerons : Taudion, Canon,
Bouton, Quétine, Va-large, Cahute, Cabouin,
Tiquct, Poil-aux-yeux, Poulot, Fricot, Baril-
Ion, Clocu, Grand-gosier, Tout-de-bout,
Belle-taille, Beausoleil, Gasloup, Le forçat,
Vaillard, Le Sabrée, La Limace.
'^ n . — La (^hiiiiiw — Les Prcsaacs. —
L's Sofîgcs,
IX ne saurait croire combien est
grande l'influence que prêtent
nos paysans au temps et aux
nombres. Ilya, selon eux, des jours
heureux et d'autres malheureux. Le mercredi
n'a qu'une médiocre réputation ; mais le ven-
dredi est le jour néfaste par excellence ; on
doit éviter, ce jour-là, d'entreprendre un
vovaoe, de commencer un lono; travail, de
changer do liniic sous peine de malheur
probable. Si le vendredi tombe le 15, on
doit veiller sur tous ses actes, les consé-
quences en son: terribles et le malheur certain.
Cette superstition du vendredi et du 13
v:.i:e vie c:\-r.eu: s:ec*es : .e ver.creoi rappelle
!a Passion c: ie : ;. le traître Judas, qui était
bien Tun des douro .-.rJ^trcs, n:a:< cui devin
20
FOLK-LORE DE LA BEAUCE ET DU PERCHE 305
Le nombre 1 3 est toujours un nombre fatal.
Si treize personnes se trouvent réunies à la
même table, celle qui tourne le dos à la glace
mourra dans l'année. On doit éviter de mettre
treize têtes de bétail dans la même étable.
Il y a, pour chaque mois de Tannée, des
jours fastes ou néfastes ; mais les avis sont
partagés et diffèrent suivant les localités.
Les mois, eux-mêmes, sont plus ou moins
bons ou mauvais. Mars et avril ont une
réputation détestable ; ils sont traîtres, sour-
nois à l'égard de notre pauvre humanité.
Les heures, non plus, ne sont pas indiffé-
rentes à nos actions. Les heures impaires
voient plus de deuil, d'accidents que les heures
paires. Celles de la nuit sont préférées par le
diable. Un enfant né entre onze heures et
minuit n'aura jamais de chance.
Les poulets, nés le vendredi saint, croissent
rapidement.
Une personne qui meurt ce jour-là va au
paradis directement, parce que les portes de
l'enfer sont fermées.
Tuer un animal quelconque le vendredi
saint porte malheur.
20
306 FOLK-LORE DE LA BEAUCE
Il ne faut pas labourer la terre le vendredi
saint : la terre saigne.
Dicton sur les jours heureux ou malheu-
reux :
Lundi : ennui.
Mardi : cadeaux.
Mercredi : contrariétés.
Jeudi : peines et pleurs.
Vendredi : plaisirs.
Samedi : réjouissances.
Dimanche : amitié.
Entrer dans une maison et y trouver une
femme en train de se peigner est un mauvais
présage (P.).
Si, en sortant de chez elle, le matin, une
femme rencontre un homme, la journée sera
bonne .
Il arrivera malheur, si Ton rencontre sur
son chemin un prêtre.
Si Ton marche, le matin, à jeun, dans une
ordure, la journée sera bonne.
On ne doit jamais dire : « bonne chance »
ET DU PERCHE 307
à un chasseur ; cela le fait rentrer bredouille.
Afin de chasser la guigne que porterait le
souhait malencontreux, et pour éviter à la
personne, qui Ta formulé, toute idée de ré-
cidive, certains chasseurs répondent aussitôt
par une cambronnade.
Si, au départ, un chasseur rencontre un
prêtre, il rentrera bredouille.
Si des étincelles s'échappent tout à coup
du foyer, c'est signe que Ton recevra bientôt
de l'argent. .
Lorsque la lampe pétille, on aura une
lettre le lendemain.
La vue de certains animaux passe aux yeux
des paysans pour être un présage de chance
ou de malheur : araignées, chouettes,
pies, etc. (Fiofr même chapitre, § II).
*
D'après la croyance générale, les rêves
doivent être interprétés à l'inverse de ce
qu'on a vu ou entendu en dormant : rêver
mort, fait supposer qu'on assistera à des
noces ; rêver d'une naissance dans la famille
fait craindre la mort d'un proche parent.
308 FOLK-LORE DE LA BËAUCE
VAsirologue de la Beaucc a « beaucoup vu,
beaucoup entendu i ; il doit être compétent
en la matière, nous nous adresserons à lui
pour connaître l'interprétation donnée aux
rêves par les populations beauceronnes et
percheronnes :
Si Ton rêve d'une personne éloignée, on
la verra prochainement.
Rêver de puces, présage dispute de femmes.
Rêver de chien : paix, tranquillité.
Rêver de loups : malheur, disette.
Rêver à l'eau claire est bon signe.
Rêver à l'eau trouble ne présage rien de bon.
Rêver aux cierges allumés : signe de deuil.
Si l'on rêve aux curés, il arrivera malheur:
c'est le plus mauvais songe que l'on puisse
avoir.
L'explication des songes relatifs au soleil,
à la lune et aux étoiles est assez complexe :
Songer qu'on voit le lever du soleil est le
présage d'une bonne nouvelle et surtout
d'une lettre impatiemment attendue.
Si l'on voit le soleil se coucher, sans qu'il-
KT DU PERCHE 309
y ait le plus petit nuage à riiorizon, cela an-
nonce également des choses heureuses ;
mais si le soleil est un peu obscur, par l'in-
terposition de quelques nuages, il faut se
préparer à recevoir une nouvelle fâcheuse ou
désagréable.
Songer que Ton voit le soleil se détacher
de la voûte du ciel annonce la mort subite
d'un parent ou d'un ami.
Si l'on rêve que le soleil s'éclipse tout à
coup et qu'une nuit profonde succède au
jour, c'est le présage d'un affaiblissement
rapide de la vue et un symptôme de com-
plète cécité.
Songer qu'on voit la lune, dans son deu-
xième quartier, annonce des peines de cœur.
Voir en songe la lune pleine, signifie, si
c'est une fille qui fait ce rêve, qu'elle sera
bientôt mariée ; si c'est une femme, qu'elle
sera incessamment enceinte et mettra au
monde deux jumeaux.
Si l'on rêve qu'on voit la lune s'obscurcir
tout à coup et se voiler sous des nuages té-
nébreux, c'est le pronostic de divisions et de
querelles dans l'intérieur de la famille.
310 FOLK-LORE DE LA BEAUCE
Songer qu'on aperçoit dans la lune des
créatures humaines, qu^on les entend parler
et qu'on échange des paroles avec elles^ an-
nonce une prochaine et grave perturbation
dans les facultés intellectuelles.
Apercevoir en songe, dans le disque de
l'astre des nuits, une profonde dépression en
forme d'immense caverne, annonce une perte
considérable d'argent, par suite de la faite de
débiteurs qui chercheront un refage en An-
gleterre, en Belgique ou aux Etats-Unis.
Songer qu'on voit scintiller les étoiles
dans un ciel pur et serein annonce l'heureux
arrangement d'une affaire qui causa beau-
coup d'embarras et de chagrin.
Si l'on voit en songe le ciel sillonné par
des étoiles filantes, c'est l'avertissement d'une
prochaine rupture avec un ancien ami .
Songer qu'on ne compte que treize étoiles
à la voûte du ciel, annonce un des plus grands
malheurs, une des plus grandes catastrophes
qui puisse accabler un homme. Avis à celui
qui a ce songe, heureusement très rare : qu'il
s'arme d'une entière résignation.
Si l'on voit en songe les étoiles se préci-
ET DU PERCHE 3II
pitcr, se heurter les unes contre les autres
dans le ciel, cela pronostique la dissolution
d'une société commerciale et une foule de
procès qui rendront ennemis irréconciliables
les anciens membres de cette société.
Le souci de la richesse donne lieu aux
interprétations suivantes :
Rcver de poux, c'est signe d'argent ; plus
on en voit, plus on sera riche.
L'ànc présage des revers de fortune.
La grenouille présage la pauvreté.
Les rats annoncent la disette.
Si l'on remue beaucoup d'argent, on aura
prochainement une forte dette à acquitter, sans
pouvoir se procurer la somme nécessaire.
Si c'est un ami qui ramasse de l'argent, on
deviendra riche.
A
5 V.— Coutumes. — Fêtes,— Divertissements.
La Fêle des T{cis
<r
'est la fête de famille par excel-
lence ; il est peu de maisons, riches
ï ou pauvres, qui ne la célèbrent en
rompant le gâteau traditionnel. Le
liteau était autrefois remplacé par la fotiée
ou fouace^ pétrie par la ménagère, et cuite au
four banal, exprès pour le jour des Rois.
Cette coutume, très ancienne, rappelle
vraisemblablement les Saturnales, chez les Ro-
mains . Le christianisme consacra, par des céré-
monies religieuses, ces fêtes populaires du pa-
ganisme. Dans chaque cathédrale,les chanoines
choisissaient, parmi eux, un roi à qui Ton
offrait des présents et qui présidait ensuite un
grand festin. C'est par esprit d'imitation que les
fidèles, rentrés chez cux,tiraient un roi au sort.
a La félc des Rois a conservé, dans nos
FOLK-LORE DE LA BEAUCE ET DU PERCHE }I3
contrées, le caractère religieux et naïf du bon
vieux temps, dit, en parlant de cette coutume,
un de nos compatriotes, M. Georges Rocher.'
Au commencement du souper, toute la famille
réunie nomme un président qui est presque
toujours la personne la plus âgée et la plus
respectée d'entre les convives. Au moment
de partager le gâteau traditionnel, un enfant,
le plus jeune garçon de la famille, monte sur
la table, le président coupe alors une pre-
mière tranche de gâteau et dit : oc — Téhé (la
fève). — Domine^ répond l'enfant. — Pour
qui, reprend le président. — Pour le Bon
Dieu, répond le gamin ^. Et elle est mise de
côté pour être donnée au premier pauvre qui
viendra la demander, ce qui ne tarde jamais.
En effet, il y a toujours quelques malheureux
qui attendent, à la porte, le moment d'entrer
en scène : lorsqu'il est venu, l'un d'eux, le chef
de la famille — si c'est une famille pauvre —
ou bien le plus âgé, chante sur un air dolent :
Honneur à la compagnie
De cette maison 1
Nous souhaitons année jolie.
314 FOLK-LORE DE LA BEAUCE
Et biens en saison ;
Nous sommes, d'un pays étrange.
Venus en ce lieu
Pour demander à qui mange
La part du bon Dieu.
Alors tous s'écrient : « La part du bon
Dieu, s'il vous plaît î » Et ils reprennent en
chœur :
Les rois ! les rois ! Dieu vous conserve î
A l'entrée àc votre soapa^
S'il y a quelque part de galette,
Je vous prie de nous la donner ;
Puis, nous accorderons nos voix.
Bergers, bergères,
Puis, nous accorderons nos voix
Pour chanter les rois. »
Dans certaines familles, on réservait jadis
trois parts : une pour le bon Dieu, une pour
la bonne Vierge, une pour les Pauvres. En
outre, s'il y avait un fils à l'armée, on con-
servait également la sienne. Si cette part ne
moisissait pas, l'enfant se portait bien ; dans
le cas contraire, il était malade, ou exposé à
quelque danger.
Le choix de sa reine par le roi, les cris :
ET DU PERCHE 315
« Le roi boit / », en un mot, toutes les cou-
tumes relatives à cette fête sont les mêmes
que dans les autres contrées de la France.
*
Les Brandons.
Un brandon est une espèce de torche, faite
avec de la paille tortillée, des épines ou même
des branchages, à l'extrémité d'une gaule.
La fête des brandons a lieu le premier et le
second dimanche de Carême. Elle a presque
entièrement disparu de nos jours. Voici
comment elle se passait autrefois :
Vers le déclin du jour, de vives lumières
surgissaient, de tous côtés, dans la plaine :
c'étaient les jeunes gens des villages, portant
chacun un brandon allumé. Courses, rondes,
cris, chants, coups de fusils se succédaient.
Ils chantaient :
Brandons, brûlez,
Par ces vignes, par ces blés,
Brandons, brûlez.
Pour les filles à marier.
3l6 FOLK-LORE DE LA BEAUCE
De temps en temps, les jeunes gens s'ar-
rêtaient, et, tous à la fois, frappaient en-
semble le même point de terre avec leur
brandon, en criant : « Gcrhcs à boisseaux. »
Les gaules étaient ensuite réunies à
l'entrée du village ; on en faisait un grand
feu autour duquel dansaient garçons et
filles.
En portant des brandons dans les champs,
les paysans croyaient les préserver des mu-
lots, de rinclémence du temps, en éloigner
l'ivraie et la nielle.
A la fête des brandons se rattache l'é-
trange coutume suivante :
« Avant 1789, le 24 décembre de chaque
année, le peuple de Dreux, au nombre de
1,500 ou 2,000 personnes, toutes à jeun, s'as-
semblait sur la place publique, portant à la
main un gros bâton de chêne, séché à la cha-
leur du four. A cinq heures, on allumait ces
brandons qu'on appelait Flambarts; on se
mettait en marche en criant NoëL La proces-
sion achevée ; on se dirigeait vers le cimetière.
Là, chacun se mettait à genoux sur le tom-
beau de ses parents, enfonçait dans la terre
ET DU PERCHÉ 5Ï7
le reste de son flambait qui achevait de s'y
consumer ; puis on se retirait après avoir fait
une prière. »
Feu de Saint-Jean,
La Fête du Feu de Saint-Jean et celle de
Noël datent des époques primitives de l'hu-
manité, remontent à nos ancêtres sauvages
qui divinisaient les forces de la nature. Elles
nous rappellent les fêtes qui s'accomplis-
saient en l'honneur du plus grand des dieux :
le dieu solaire, symbole de vie, de chaleur
et de fécondité. Au solstice d'été, on célé-
brait la force, la gloire, le triomphe du So-
leil à son apogée ; au solstice d'hiver, on
fêtait sa renaissance, préparant le réveil de la
nature*
La signification symbolique de ces fêtes
du paganisme s'est perdue ou plutôt s'est
transformée en traversant les siècles. Fidèle-
ment pratiquées, au commencement de notre
ère, ces coutumes furent adoptées par le chris-
tianisme naissant qui les sanctifia. Cepen-
dant, bien que devenues chrétiennes, elles
3l8 FOLK-LORE DE LA BEAUCE
conservèrent encore des traces indélébiles de
leur origine païenne : le tison sacré du
feu de Saint-Jean et la bûche de Noël sont
l'image de la chaleur du soleil, et les vertus
préservatrices qu'on leur prête rappellent le
culte dont cet astre fut jadis l'objet.
La Noël chrétienne, qu'agrémentent tou-
jours les joies du réveillon,la féerie des arbres
verts illuminés, les surprises glissées en ca-
chette dans le foyer familial, a conservé, par
son mystère de l'Enfant-Dieu, tout son pres-
tige et tout son charme ; tandis que le feu de
Saint-Jean a presque complètement disparu.
Voici en quoi consistait cette coutume, en
nos contrées.
Le 23 juin, à la nuit tombante, — soit
sur la place du village, soit auprès de la croix
du cimetière, — on allumait d'immenses
feux de joie, composés de tas d'herbes, .de
broussailles et de fagots d'épines : on les
appelait Feux de Saint-Jean, Au milieu du
foyer,se trouvait une énorme branche d'arbre,
au haut de laquelle était suspendue une cou-
ronne de fleurs naturelles. On dansait autour
de ces feux de joie, après toutefois que le curé
ET DU PERCHE 319
du lieu fût venu en grande pompe les bénir.
Au commencement du XIX« siècle, un
détachement de la garde nationale prenait
les armes, à l'occasion de cette solennité.
Des superstitions sont attachées à ces feux
qu'on appelait dans le Perche des marolles.
Pendant que le feu pétillait, les gens s'appro-
chaient du brasier et passaient leur tête dans
les flocons de fumée ; ce qui, croyaient-ils,
les préservait d'une foule de maux.
Quand le feu était éteint, chacun se préci-
pitait sur les débris du bûcher, que l'on em-.
portait chez soi comme préservatifs de la
foudre. Ces tisons de Saint-Jean étaient con-
sidérés comme de précieux talismans qui,
pendant toute l'année, mettraient le logis à
l'abri de l'incendie. Moins crédules et plus
prudents, nos cultivateurs d'aujourd'hui leur
préfèrent une Police d'assurance. A Lucé,
près Chartres, on attribuait, en outre, à ces
tisons la propriété d'éloigner les puces.
Si la couronne avait pu échapper aux
flammes, on s'emparait des fleurs enfumées,
dont la vertu était au moins aussi puissante
que celle des tisons.
320 FOLK-LORE DE LA BEAUCE
Dans le Perche, certains fermiers allu-
maient dans la cour de la ferme de petites
maroUes^dzns la ftimée desquelles,ils faisaient
passer toutes leurs têtes de bétail, afin de les
préserver des maléfices ou des maladies.
A part les ridicules superstitions qui s'y
rattachent, la disparition de ces vieilles tra-
ditions de nos pères est regrettable. Avec
leurs chants^ elles apportaient une joie naïve
et bruyante qui, dans le calme de la nuit, se
répercutait de village en village. Par leurs
mille feux divers, elles ofl!raient, dans nos
plaines unies et dénudées de la Beauce, un
spectacle dont le charme le disputait au pit-
toresque. Les années ont passé, nombreuses,
depuis qu'il nous a été donné d'assister à ces
réjouissances champêtres ; en évoquant leur
souvenir, nous sentons se réveiller en nous
l'émotion d'autrefois.
Mardi Gras»
On a tellement promené, brûlé, martyrisé,
enterré Mardi Gras qu'il est bien mort au-
jourd'hui. Rares maintenant sont les villages
KT DU PKRCHH 32 î
OÙ les jeunes gens se déguisent (courent les
gouincSy suivant l'expression beauceronne):
C'est à peine si quelques familles font encore
des crêpes ce jour-là.
Le bonhomme de paille traditionnel, le
chant : Mardi Gras n l'en va pas. (Cf. III'^ par-
tie, chap. III, § F), la parodie de l'enterre-
ment, tout cela a disparu.
Taqucs.
Pour ce qui a trait à la recherche des œufs
{le pâqucret) par les enfants de choeur, nous
renvoyons le lecteur à ce que nous avons dit
dans la ///« partie, chap. III, § F.
A Combres (Eure-et-Loir), il est d'usage,
le jour de Pâques, que les jeunes gens sautent
la rivière (ruisseau de i"^ 50 environ de lar-
geur). Autrefois les jeunes mariés devaient,
tous les deux, effectuer cet exercice. Mainte-
nant, ils donnent la pièce aux jeunes gens du
pays qui sautent à leur place. Les habitants
actuels se souviennent à peine de cette ati-- ^
cienne coutume.
21
322 FOLK-LORE DE LA BEAUCE
Chassant (Eure-et-Loir) a conservé deux
vieux usages, le jour de Pâques : la Course aux
œufs et le Jeu de Voie.
Il y a, dans la Course aux œufs^ un planteur et
un coureur. Six douzaines d'œufs sont ap-
portées sur la place par les jeunes gens. Pen-
dant que le coureur effectue un trajet déter-
miné et contrôlé, le planteur doit prendre,
un à un, les œufs et les planter autour de la
place, en laissant entre eux une distance de
i"^ 30. Le gagnant devient possesseur des
œufs que Ton mange au cabaret, le soir, en
une agape fraternelle.
Le Jeu de Voie a lieu dans les prés, après la
Course aux œufs ; jeunes gens et jeunes filles
y prennent part. L'oie est suspendue en Tair,
les jeunes gens se font bander les yeux et
essayent de l'abattre à coups de bâton. On
paie o fr. 50 pour en manger, le soir, à Tau-
berge du village.
Grosses Gerbes,
Après la moisson, en Beauce, a lieu la fête de
h Grosse Gerbe, appelée aussi la Passée d*aoùi.
ET DU PERCHE 323
Fermiers, moissonneurs et domestiques de
la ferme sont tous réunis, dans la vaste cui-
sine, en un repas de famille. Le civet de lapin
est de tradition, à la Passée d'août.
Dans Loir-et-Cher, il est d'usage, après la
moisson, que chaque cultivateur fasse une
grosse gerbe et l'apporte à l'église : derniers
vestiges de la dîme. Il la place sous le pé-
ristyle et ensuite sonne la cloche. La vente
de ces gerbes se fait à la criée et le produit
en est destiné au budget de la fabrique. Cette
coutume, très commune autrefois en Eure-
et-Loir, a disparu complètement.
* *
La Fête à Boudin,
Si son origine manque plutôt de distinc-
tion, la Fête à boudin n'en brille pas moins
par la gaîté. Dans le principe, cette réunion
de parents et d'amis n'avait d'autre but que
de hâter la consommation de tous ces hors-
d'œuvre, difficiles à conser\'er, et appelés la
boudinaille.
Aujourd'hui la Fête à boudin n'existe plus
324 FOLK-LORE DE LA BEAUCE
que de nom ; c'est à peine si le boudin parait
sur la table : pigeons, poulets, dindons le
remplacent avantageusement pour nos es-
tomacs délicats. C'est seulement au départ,
lorsque la maîtresse de maison distribue à
chacun des convives un échantillon de l'art de
la charcuterie, que ceux-ci se rappellent
l'origine de la coutume qui vient de les réunir.
On prenait autrefois les choses à la lettre.
Le repas de la Fête à houdinÇou encore : la Fête
à cochoji), ne comprenait que des plats pro-
venant du nobr. C'était un engloutissement de
toutes les victuailles fournies par Tintérieur
de la béte : boudins, carpinettes (sortes de
saucisses plates), andouilles, /^r^wre, hachis de
têtCy etc. Et, bien lestés, ces fils de Gargantua,
en quittant la table, emportaient dans les
basques de leur habit à queue de morue,
mie mine de boudin et une couple de saucisses.
*
* *
Lu Joule uux Ccqs,
L:\foutcdcs Coqs fit les délices de nos pères.
Elle tint une large place parmi leurs fêtes
traditionnelles, leurs réjouissances locales.
ET DU PERCHE 325 "^
Les joutes étaient très goûtées dans l'an-
tiquité ; mais les combattants variaient sui-
vant les pays : les Romains avaient les gla-
diateurs ; les Gaulois, les ours ; les Indiens,
les éléphants; les Espagnols , les taureaux.
En Grèce, les coqs étaient déjà les héros des
fêtes spéciales de combat.
D'après les investigations de M. Ad. Le-
cocq, sur ce sujet, il résulte que ce genre de
sport n'a été sérieusement pratiqué que
dans plusieurs communes des cantons de
Brou et de Voves (Eure-et-Loir).
Bien que M. Lecocq se défende d'avoir,
grâce à son nom patronymique, un droit
incontestable à traiter le sujet ex professa^
nous prouverons sa compétence en la ma-
tière par le récit suivant que nous lui em-
pruntons :
« En Beauce, il était généralement d'u-
sage que la cour d'une ferme servît de
théâtre pour le combat. Le lieu choisi était
garni de dix ou douze claies de parc à mou-
tons, disposées soit en parallélogramme,
soit en forme octogonale, qui étaient main-
tenues solidement et fixées verticalement
326 FOLK-LORE DE LA BEAUCE
au sol par des crosses en bois. Les proprié-
taires des deux champions avaient seuls le
droit de s'introduire dans l'intérieur de cette
enceinte, afin de pouvoir exciter leurs coqs
à combattre vaillamment. Lorsqu'ils les
voyaient suffisamment irrités, ils s'esquivaient
hors de cet enclos réservé, et se joignaient à
la foule tumultueuse des spectateurs garnis-
sant le pourtour du lieu où se passait la lutte.
Lorsqu'il y avait joute dans un village, il
était curieux de voir arriver, de deux lieues
à la ronde, toute la jeunesse bruyante et ta-
pageuse de la contrée. Heureuse la paroisse
qui pouvait se faire accompagner, dans la
marche, par un tambour destiné à lui pré-
parer une entrée triomphale dans le village,
théâtre du combat. C'était un spectacle in-
téressant que la vue de cette tourbe tapageuse
se pressant autour d'un ou deux jeunes gens,
mais rarement trois, qui tenaient chacun
sous l'un de ses bras, un combattant, peut-
être le héros de la journée, destiné soit à
faire la gloire du village qui le patronnait,
soit à provoquer des quolibets insultants
pour les habitants ; quelquefois, cependant.
ET DU PERCHE 327
le vaillant champion était renfermé dans un
sac, afin qu'il fût moins effrayé par la bruyante
cohue du cortège et les acclamations inces-
santes des villageois.
Au sortir de l'église, le dimanche, une
petite heure après la fin de l'office, lorsque
chacun avait pris son repas de midi, les ha-
bitants se dirigeaient vers le lieu indiqué pour
la joute. Les jeunes gens de Tendroit met-
taient la dernière main aux préparatifs néces-
saires. Les possesseurs des combattants fai-
saient avaler à chaque champion quelques
bouchées de pain trempées d'eau-de-vie, ou
bien plusieurs gorgées de vin chaud aroma-
tisé. Enfin chacun avait, à cet effet, ses pe-
tits secrets particuliers, pour provoquer l'ar-
deur de son coq, qui devenait plus hérissé et
plus valeureux . Les plus madrés avaient soin
de gratter et de tailler les éperons de leur
sujet, pour les rendre plus aigus et par con-
séquent plus dangereux.
Alors, on comptait le nombre des villages
qui avaient répondu à l'invitation, ainsi que
le nombre des jouteurs; puis on tirait au sort
l'ordre dans lequel chacun devait lutter.
32S FCli-LOLi. -£ UL ÎZArCE
Cciîi: cVror*:. p^r les numéros i eî 2, puis
3 et -î e: 21 us: lîerjite. suivasîce qu'il y avait
de co'jples. Sc!cn Tusage êiabli, le vainqueur
de la prercicre couple se reposai! jusqu^à ce
eue chacun des champions présenté eût 5gu-
ré dans "arcne. e: les malheureux vaincus
devenaient la rjro:>rlcté du maître de leur
adversaire. Ensuite ia lune recommençait
plus ardente et plus f évreuse et aussi plus
opiniâtrement disputée entre les vainqueurs
seulement, par couple également tirée au
sort et à tour de rôle; le propriétaire de
riieureux champion du premier combat
n'était pas obligé d'accepter ce défi, mais
trop souvent l'amour-propre s'en mêlait et
les provocations le décidaient à faire rentrer
son coq dans la lice ; souvent aussi la chance
lui devenait contraire et il se voyait dépos-
sédé de son précieux sujet.
On choisissait toujours pour juges du com-
bat deux personnes d'un âge mûr, prises dans
les villages d'où sortaient les combattants.
Ils décidaient sur les chances des adversaires
sur la loyauté des paris, et ils avaient le droit
d'adjuger sans appel le coq vaincu au pro-
ET DU PERCHE 329
priétaire du vainqueur. Quelquefois le ra-
chat avait lieu au prix d'un écu de six livres,
prix habituel et généralement adopté et
d'autres fois il s'élevait à une pistole (lo fr.).
C'était ainsi que l'ancien propriétaire obte-
nait de pouvoir réintégrer son coq favori dans
sa basse-cour, tout en conserv^ant l'espérance
qu'un combat, plus heureux pour lui, lui fe-
rait une autre fois retrouver la somme qu'il
avait déboursée.
A l'époque où nous plaçons ce récit, la
couple de poulets se vendait ordinairement
1^25 ou 1^50 et ce prix paraissait exorbitant
ù l'habitant de nos campagnes.
On a pendant longtemps conservé le sou-
venir du nom de l'heureux propriétaire qui
avait revendu, au fils du fermier de Crossay,
son coq vaincu auquel il tenait beaucoup, au
prix d'un louis d'or (24 fr.). Mais il est utile
d'ajouter que la beauté de l'oiseau, et surtout
son éducation pour le combat, en faisait
souvent varier le prix.
Au moment où la joute s'engageait, les
curieux prenaient fait et cause pour le coq
de leur village. Des paris avaient alors lieu,
5^0 FOLK-LORE DE U\ EEAUCE
mais ces paris étaient bien modestes, puis-
qu'une ou deux pintes de \in faisaient sou-
vent les frais de la gageure. Les jeunes gens
de Péz\- avaient gardé bonne mémoire d'avoir
parié, en commun, contre ceux de Voves,
2 j pintes de vin et de les avoir gagnées.
Mais revenons à notre sujet et achevons
notre récit historique d'une Jouif aux Coqs.
Le combat est terminé. Voici que mainte-
nant, à la chute du jour, les jeunes gens se
rassemblent par groupes, et chacun reprend
le chemin de son village. L'heureux proprié-
taire du héros de la journée se détache du
tableau par sa mine épanouie, il est tout en-
rubanné et sa décoration a îieu aux frais des
jeunes gens de la paroisse. D une main, il
tient le valeureux champion délicatement
enveloppé, en partie du moins, dans sa blouse,
et présentant, comme son maître, sa tête
garnie àe fleurets aux couleurs variées. De
l'autre main, il porte une branche de laurier
ornée de rubans. Si le laurier manque, un
gros rameau de buis cueilli dans le cimetière
le remplacera, et cette branche, placée sur le
manteau de la cheminée de l'habitation pa-
ET Ï)U PERCHE 33 1
tcrnelle, sera conservée comme un honorable
trophée.
De chaque côté du maître du vainqueur
se placent ses deux amis intimes C'est à eux
qu'incombe la charge de rapporter les
pauvres coqs vaincus ; mais ceux-ci soift dé-
pourvus de rubans, liés par les pattes et portés
la tête en bas : Malheur aux vaincus ! Cette
devise a toujours été vraie, chez toutes les
nations et pour tous les individus.
On voit alors les hommes parvenus à Tâge
de maturité, ainsi que les femmes et les jeunes
filles qui n'ont pu assister à la joute, s'avan-
cer à leur rencontre jusque dans les ousches du
village ; là, chacun veut embrasser l'heureux
propriétaire du vainqueur et le féliciter de
son brillant succès. Les vieillards et les in-
firmes, restés seuls à la maison, sont debout
et aux aguets sur le seuil de leur chaumière.
Leurs vivats énergiques et prolongés an-
noncent qu'ils prennent une part active au
succès obtenu.
Le coq est harassé, blessé, presque mutilé ;
mais il guérira et recommencera un nouveau
combat.
332 FOLK-LORE DE LA BEAUCE
Cependant notre héros éçlopé n'en est
pas quitte encore ; si, pour lui, le dinianche
gras a été une journée de combat et de gloire,
il lui faudra, le lendemain, se voir transporté
et porté de maison en maison, de ferme en
fern^e, dans toute l'étendue de la paroisse.
Dans chaque habitation, on le félicitera sur
son courage, de même que son heureux pos-
sesseur recevra des compliments pour l'avoir
si habilement formé à la joute. Le cortège
nombreux qui l'escorte se compose de tous
les jeunes gens et il n'y a pas jusqu'à la petite
marmaille qui ne veuille être delà fête. Tous
sont enrubannés, parés d'oripeaux et même
de bouquets artificiels provenant de pèle-
rinages.
Dans toutes les maisons, le coq porté par
son maître est présenté à chacun des habi-
tants. Un chant de circonstance modulé sur
un rythme monotone se fait entendre pen-
dant ces stations. Ce chant n'a pas un grand
mérite poétique, mais il exprime assez naï-
vement le motif de la visite, ainsi que le but
de cette promenade grotesque Je crois de-
voir transcrire les couplets suivants qui mé-
ET DU PERCHE 535
ritent d'être conservés comme type des chants
populaires de l'ancienne Beauce.
De la joute aux coqs,
Voilà le plus gros
Et le plus vaillant
D'tous les combattants,
Coquerico (i).
A quiconque voudra.
Il leur montrera
Que leurs coqs capons
Ne sont qu'des chapons,
Coquerico '•
Nous montrons l'vainqueur ;
Pour lui faire honneur
Nous v'nons vous demander
De quoi l'rassasier.
Coquerico !
Deux membres du cortège portent une
corbeille dans laquelle sont déposées les of-
frandes, qui se composent de rares pièces de
monnaie, de fruits, d'œufs et quelquefois de
volailles. Comme cette promenade avait lieu
(i) Refrain répète pour tous les assistants sur tous
les tons et un nombre illimité de fois.
334 FOLK-LORE DE LA BEAUCE
le lundi-gras, le lendemain, jour de mardi-
gras, le Roi de la Joute aux Coqs se faisait un
plaisir d'inviter tous les jeunes gens de la
paroisse à un banquet des plus modestes, et
dont le menu était en rapport avec la position
de la fortune de sa famille. Dans ce repas,
les offrandes de la veille formaient la plus
large part du festin. Au dessert, force quoli-
bets étaient lancés contre les jeunes gens des
villages dont les coqs avaient été rapportés
comme trophées et gages de la victoire ga-
gnée le dimanche précédent, puis l'on se
quittait joyeusement en se promettant bien
de célébrer d'autres victoires, à l'occasion
prochaine. »
Ainsi que le suggère notre distingué com-
patriote, ces haines de ^^llage à village,
ces querelles fréquentes, ces rixes san-
glantes qui se reproduisaient à chaque fête
patronale, avaient pour origine les joutes
des coqs,
La Révolution de 1793 a éteint, en Beauce,
cet u^ge barbare .
ET DU PERCHE 335
*
* *
Viatique.
Jusqu'au milieu du siècle dernier, lorsque
le prêtre était appelé (le jour ou la nuit) au-
près d'un moribond, il faisait, tout en mar-
chant, tinter une clochette à coups cadencés.
C'était un signal d'appel fait aux parents et
amis du malade pour accompagner, avec des
lumières, le prêtre dans l'exercice de son
ministère.
*
Processions ambulatoires (i).
Les processions se firent chez tous les
peuples, avec des buts différents, suivant les
temps et les croyances . Il y eut les proces-
sions dites commémoratives, de pèlerinages,
d'actions de grâces, etc.
(l) Du vieux mot français ambuîer, qui a fourni
les dérives : ambulant , ambulatoire , du latin,
ambulare.
33C> roiK-Loni- de la healce
Les processions qui se font aujourd'hui
dans rinlérieur des églises se faisaient, sous
le dernier Km pire , sur le territoire de la
coniiiume, jusqu'à certains carrefours où s'é-
levait une croix.
A la procession des Rogations, le clergé,
croix en tête, suivi d'un grand nombre de
fidèles, faisait le tour du territoire communal
en bénissant les champs ensemencés afin
qu'ils produisissent une bonne récolte.
Anciennement, certaines processions of-
fraient un parcours total de trente, qua-
rante kilomètres et plus. Une procession
fit le trajet de Chartres à Orléans.
Lorsqu'une épidémie ravageait une contrée,
le clergé de la ville organisait, pour apaiser
la colère de Dieu, une procession ambula-
toire. D'autres étaient organisées comme
pèlerinages aux églises dont les saints étaient
réputés. Le cortège comprenait des milliers
de personnes. Suivant la distance, variait
l'heure du départ. On partait quelquefois le
matin, dès l'aube, pour ne rentrer qu'à la
nuit. Quelques processions ont même duré
plusieurs jours. Des pèlerins emportaient
ET DU PERCHE 337
leur nourriture ; d'autres achetaient de quoi
se nourrir en cours de route, soit dans
les villages traversés, soit aux commer-
çants avisés et improvisés qui suivaient le
cortège, dans des voitures chargées de pro-
visions.
Des scènes scandaleuses se produisirent
forcément dans ces masses humaines, dans
ce pêle-mêle de pèlerins où il n'y avait pas
que des croyants : les processions à longues
distances furent supprimées.
La Procession des Btrgers.
Jusqu'à la fin du XVII I« siècle, les fêtes
de Noël furent très populaires dans nos cam-
pagnes. Tous les Beaucerons allaient à la
Messe de Minuit ; et, quoique très croyants et
même pratiquants, ils n'étaient point enne-
mis ni de la bonne chère, ni de la vieille
gaîté gauloise. La messe de minuit était pré-
cédée de la Procession des Bergers et suivie du
Réveillon .
. La coutume du réveillon s'est perpétuée
22
33^ FOLK-LORE DE LA BEAUCE
jusqu'à nos jours ; mais la procession des
bergers, profondément naïve à son origine,
dégénéra,à l'époque de la grande Révolution,
en manifestations marquées de chants obs-
cènes et de danses scandaleuses : le clergé
la supprima.
Voici, d'après M. Ad. Lecocq, en quoi
consistait cette cérémonie beauceronne.
« Chaque année, les bergers d'un certain
nombre de paroisses limitrophes se don-
naient rendez-vous, dans l'une de ces pa-
roisses, afin de représenter dans Téglise du
village pendant la messe de minuit l'ado-
ration des bergers à Bethléem. Chacun d'eux
devait, sous peine d'une amende, se trouver
avec la jeunesse de son village au rendez-
vous le 24 au soir, à 1 1 heures, à la porte de
l'église désignée. Chaque berger devait avoir
sa bergère qui menait en laisse un mouton
enrubanné et lui-mcme devait accompagner
de son hautbois les chants d'allégresse qui
signalaient l'entrée dans l'église.
Le récit que nous allons faire de la céré-
monie et de ses apprêts ne peut donner
qu'une idée bien incomplète de cette mise
ET DU PERCHE 339
en scène pastorale. Dans chacun des villages
beaucerons, le dernier coup de V Angélus du
soir de la veille de Noël avait à peine re-
tenti que tous les jeunes gens et toutes les
jeunea filles, ainsi que les bergères, conduisant
le mouton traditionnel et les bergers, tenant
en main leur hautbois ou musette, se ren-
daient à la porte de l'église de leur paroisse.
Là, un premier chant de Noël était exécuté.
Chaque village avait ses chants de Noël de
prédilection, lesquels étaient le plus souvent
frondeurs. Rendus dans le langage naïf ou
patois du cru, ils étaient pleins de malices,
d'équivoques ou d'allusions à certains faits
locaux .
Si, dans le courant de l'année, se compo-
sait un nouveau chant de Noël, on le desti-
nait à être exécuté dans l'église où devait
avoir lieu la réunion générale, à la Procession
des Bergers, Au jour solennel, le cortège se
dirigeait vers la demeure du curé et se ren-
dait ensuite dans toutes les fermes et habita-
tions marquantes de la paroisse, pour faire
entendre d'une manière bruyante et le plus
souvent cacophonique, de vieux Noëls sécu-
340 FOLK'LORE DE LA BEAUCE
laîres. Cette procession grotesque était es-
cortée par des gamins et éclairée par des lan-
ternes faites de papier huilé et découpé qu'on
appelait, dans quelques endroits, coîineties. Au
centre de ces appareils apparaissait une chan-
delle fixée à un bâton, le tout ressemblait
beaucoup à nos modernes lanternes véni-
tiennes. Si rhabitant, à la porte duquel on
s'arrêtait, était généreux, il offrait aux mu-
siciens et aux chanteurs des rafraîchissements
ainsi que quelques pièces de monnaie de
billon destinées à l'achat des herbes né-
cessaires à la nourriture des moutons,
lesquels étaient supposés devoir se rendre à
Bethléem.
Vers dix heures, la clojl c du village, mise
en branle, annonçait la messe de Minuit qui
ne devait être célébrée que pour les vieillards
et les chefs de maison, seuls assistants puisque
le départ des bergers, qui avait lieu dans le
même moment, entraînait à sa suite toute la
jeunesse vers l'endroit de la réunion où se
trouvait la grande crèche.
A deux cents pas de ce burlesque cortège
marchait un jeune garçon qui portait^ élevée
ET DU PERCHE 34 1
au bout d'une longue perche, une lanterne
allumée et garnie de verres. Dans l'obscu-
rité, cette lanterne figurait l'étoile apparue
aux bergers et aux mages pour les guider
vers l'étable de Bethléem, lors de la nais-
sance du Sauveur.
Rien ne devait être plus saisissant que de
.voir à travers ces immenses plaines de la
Beauce, ordinairement si calmes et si dé-
sertes pendant les nuits, scintiller cette mul-
titude de lumières, répercutées en des mil-
liers de points étincelants par la glace et les
frimas qui, à cette saison de l'année, ta-
pissent le sol et les plantes diverses. Ce sont
les colinettes et les brandons éclairant le
cortège qui ont produit cet effet magique.
Tous les chemins, tracés par de profondes
ornières, sont bientôt envahis par une foule
compacte et bruyante faisant retentir les
plaines, des Noëls, des cantiques et des chan-
sons diverses.
C'était dans l'une des paroisses où s'élevait
un porche ou chapiteau, à l'entrée de l'é-
glise, que s'établissait la grande crèche.
On vit, dans certains villages, le bœuf et
v|2 FOLK-LOKE DK LA BEAUCE
l'âne traditionnels installés, vivants, sous le
porche auquel on accolait une petite cons-
truction, en appendice. Si le porche faisait
défaut, c'était dans l'église même et en face
de l'autel de la Vierge que l'on disposait la
crèche.
A onze heures sonnant à l'horloge du vil-
lage, où avait lieu le rendez- vous, tous les
bergers, groupés en cercle avec leurs ber-
gères autour de la crèche, exécutaient, sou-
dainement et à l'unisson, plusieurs des an-
ciens Nocls, les plus renommés de la con-
trée. Un instant après et comme à l'impro-
viste les paroisses qui avaient appris ou com-
posé un Noël nouveau se mettaient en de-
voir de le faire entendre ; on eût dit qu'entre
tous les chanteurs s'engageait une sorte de
lutte musicale et poétique. »
Tout d'abord les Noëls se succédaient
autour de la crèche, répétés par les gens qui,
n'ayant pu trouver place dans l'église, se
tenaient sur le parvis et dans le cimetière
environnant l'église. Puis les chants se con-
fondaient ; les moutons, le bœuf et l'âne
mêlaient à ce concert leurs cris discordants ;
ET DU PERCHË
345
la cloche faisait entendre son plus joyeux
carillon. Alors, pour compléter cette caco-
phonie indescriptible, musettes et hautbois
attaquaient les vieux airs de menuets et de
gavottes; c'était le commencement des
dahîcs qui s'exécutaient dans le cimetière,
sans respect pour la cendre des morts.
L'office terminé, jeunes et vieux, bergers
et bergères, reprenaient le chemin de leur
villai^c respectif pour aller fêter le Réveillon.
*
Voici quelques airs les plus en vogue dans
la Beauce et dans le Perche jusqu'en 1789 :
LAISSEZ PAITRE VOS BETES.
ajg^^^^^iN^^
Lais-sez paî-ire vos bé-tes, Pas-
^
^
tou-reaux, par monts et par vaux ; Lais-
344
FOLK-LORE DE LA BEAUCE
4
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sez paî-tre vos bê-tes Et ve-nez chanter
*
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Nau . J'ai ouï chan -ter
le ros-si-
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gnol Qui chan - - tait un chant
ffefe^
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3^ZIl!
si nouveau, Si haut, si beau, si raisonneau .
BOUTONS XOUT HABIT.
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Bou-tons nout' ha -bit le plus
biau , que j'ons quand il est fê-
ET DU PERCHE
345
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te, Pour a -do — rer l'en-fant nou-
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-- — — _ — xid" — in — , t.zX'-^^-
^-J
viau ; Çà se-rait mal-hon-nê - te si j'ai-
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lions en sa-li-go vi-si-ter nou-tc maî-te.
Nous VOICI DANS LA VILLE.
i^lt4^^?ËSÉi
Nous voi-d dans la vil - le Où
_j!i_ ^_v-
imm^^î^^^ i
na-quit au-tre - fois Le roi le plus ha-
bi-lc Et le plus saint des rois. E-
U6
rOLK-LORE DE LA BEAUCE
w^^^^^^m^
Ic-vons la pen - séc A Dieu qui a con-
gg^ggj^^g
du- it Nos pas cet-te jour - née, Voi-
n:it2=i=*=:ih:
^^^i^^i
ci vc - - nir la
nuit.
*
* *
En rentrant à la maison, nos chanteurs,
assoiffés et affamés, trouvaient, tout préparés
et tout fumants, les mets destinés à fêter le
Réveillon. Les immenses plats en terre grise
étaient placés, dans la vaste cheminée, sur
la cendre chaude, près de la bûche tradi-
tionnelle. Cette bûche était appelée, suivant
les localités : trefoué, irifoué ou trifouyeau. On
l'avait, au préalable, aspergée de quelques
gouttes d'eau bénite. Ses charbons, comme
ceux du feu de Saint-Jean^ étaient placés sous le
lit afin de préserver la maison du feu du ciel.
ET DU PERCHE 347
Le Réveillon était une nouvelle Fête à bou-
din : les entrailles du nobV et sa chair succu-
lente, transformées en boudins, saucisses, an-
douilles, etc., composaient le menu du fes-
tin. On l'arrosait copieusement, dans le
Perche, avec le cidre du cru, dans la Beaucc,
avec une petite piquette récoltée sur les co-
teaux les plus proches.
*
* *
Les Car it tons.
Au XVII*' et surtout au XVI II« siècle, les
carillons étaient très en vogue. Chaque
paroisse essayait de se signaler et de sur-
passer la paroisse voisine dans la compo-
sition de ses morceaux de musique destinés
au carillon. Les airs de carillons se jouaient sur
un nombre de cloches variant de quatre
à quinze.
Quatre cloches suffisaient pour exécuter le
348
FOLK-LORE DE LA BEAUCE
Carillon de Vendôme.
Andante.
Or - lé - ans , Beau - gen - c\' . No-tre
t
X
X
i
tiq:
t
-^—
X
^
Da - - me de Clé rv , Ven - dô -
X
ir^E^
i
X
me , Ven- d6 me,
Sur cet air, les habitants de Pontgouin
(E.-ct-L.), qui aimaient le carillon au point
d en abuser et d'entrer en lutte avec leur curé,
avaient adopté les paroles suivantes :
Saint-Eliph, Vaupillon,
Montireau, Fontaine Simon,
La Loupe, La Loupe.
Chartres a eu aussi son carillon célèbre
dont le motif musical était une réminiscence
chant breton :
ET DU PERCHE
349
*
CARILLON CHARTRAIN.
Allegro.
fïggl^^l^^
Il faut met-tre nos biaux habits, Pour
^7\
cé-lé-brer la Saint-Lou-is Sur l'air de ce beau
: A=
igi
Itî
^■=t
t
zt.
^^
ca-ril-lon, Il faut dan - ser en rond, Il
1=d:
t^=
3:
X
-si- ^
faut dan - ser en rond .
Fin du Tome I.
PRINCIPAUX OUVRAGES CITÉS OU CONSULTÉS
POUR LES RÉFÉRENCES.
Affiches char traînes (Les).
Almanachs des départements d'Eure-et-Loir, de
Loir-et-Cher, du Loiret et de Seine-et-Oise.
Annuaires statistiques des départements d'Eure-
et-Loir, de Loir-et-Cher, du Loiret et de Seine-
et-Oise.
Ayrauh d Angers. — Proce^i faits aux cadaver
{sic), aux bestes brutes^ choses inanimées et aux cou-
tumàx (sic), (Angers, Hernault, 1591, in-40).
Bart (Léonart), sieur des Roullais. — Les ^yinti-
quités du comte du Perche, transcrites et augmen-
tées en 1825 par L, N. C. Delestang, ancien sous-
préfet de Mortagne ^Daupeley frères, 1849, in-i6).
Beaussart (Melchior). — La Bande d'Orgères,
brochures (Chartres, 1 870).
De Boisvillette. — Statistique archéologique
d'Eure-et-Loir (Chartres. — Pétrot-Gamier, 1864,
in-8°).
Carnoy. — Littérature orale de la Picardie (Pâris-
Maisonneuve).
Chevard (V ). — Histoire de Chartres et de l'an-
cien Pays chartrain (Chartres, Durand-Le Telliçr.
an X, 2 voL in-S»),
352 PRINCIPAUX OUVRAGES
Coudray-Maunier. — Histoire de la Bande d'Or-
feres, (1883).
Courtin (maître René). — Histoire du Perche
(161 1), transcrite en 1763 par P. Lcr.ueur.
Delescornay. — Mémoires de la ville de Dourdan
(1624, in-12).
Devoille (A.). — La cloche de Louvilk (Blériot
et Gautier, Paris, in- 12).
Doyen. — Histoire de la vilk de Chartres y du
pays chartrain et de la Beauce (Chartres, imp.
Deshayes, 1786, 2 vol. in-80).
Dureau de la Malle, membre de l'Institut. —
Description du bocage Tercheron^ etc. (in-8", Î823).
U Evangile des Quenouilles (Paris, Janet, 1855).
Frémin ville. - Mémoire sur les monuments drui-
diques du pays chartrain.
Fret (abbé Joseph). — Antiquités et chrmiques
percljerohnes. (Mortagne. imp. de Glaçon, 1838-
1840, 3 vol. in-80).
Glanes Beauceronnes (Chartres, Pétrot-Gamier,
1869).
Guilbert (Aristide). — Histoire des villes de France,
(Paris, 1845, ^' 2).
Leclair. — Histoire des brigands j chauffeurs et
assassins d* Or gères, (Chartres, brumaire an VIII,
in-12).
Lecocq (Ad). — Chroniques et légendes beau-
ceronnes (Chartres^ Pétrot-Garnier, 1867, in*8").
CITɧ OU CONSULTÉS 353
Lccpcq (Açl.)- — -^^ Sorciers de la Beauce^
(Chartres, Pétrot-Garnier, 1861, m-B^).
Lccocq (Ad.). — Lçs LoHf>s dans la Beauçe.
L^f^vre. -TT 'Ho^ke sur V abbaye de Sainf-Sanctin.
Leroux de Lincy. — Le Livre des Prçverhs fran-
çais {2^^ édit. 1859, '^ vol. in-i6. Delahays (bi-
blio.th. gaulois^).
Lenglet^DuCresnay. - Traité historique et dogtna-
tiqu^sur les apparitions , les visions (■ 1 7 5 1 , 3 vol . in- 1 2 ) .
Luzel (F.-M.). — Co»tes^ populaires de la Basse^
Ihdï^m (Paris, Maisanneuve).
Manuscrits divers de la InhlipM'que de Chartres.
Mçlusinç. rsT Recueil de MytMo^ie. Lièiérature
populaire^ etc., publié par H. Gaidoz et E. Rol-
land (1878 e; 1884-1897, in-4P).
Mémoires de la Société des Antiquaires de France.
Mémoires de la Société archéologique d'Eure-et-Loir,
Morin (A. S.) — Le Prêtre et le Sorcier (Paris,
1872, in-i6).
Morin (Dom Guil . ) . — Histoire générale des pays du
GastinoiSySenonois... (Paris, Chevalier, 1630, in-4»).
Musée des Familles (t. II, décembre 1834).
De Pétigny. — Essai sur la popnlation du dépar-
tement de Loir-et-Cher au XIX^ siècle.
De Pétigny. — Histoi;^'e du Vendâmois (in-40).
Philippon delaMadelaine. -— L'Orléanais [Vd^is,
Mallet, 1845, in-8»).
T. I 25
354 PRINCIPAUX OUVRAGES
Précis historique du Pays char train (Chartres,
Lacombe, 1792, in-80).
T{evuedes traditions populaires,
Rolland (E.). Rimes et jeux de V enfance (Paris,
Maisonneuve).
Rouillard (Sébastian). — Parthénie ou Histoire
de Chartres (Paris, Rolin-Thierry, 1609, in-80^.
Savard. — Parthénie ou Histoire de Chartres,
Sébillot (P.). — Coutumes populaires de la Haute-
Bretagne, (Paris, Maisonneuve).
Sébillot (P.). — Littérature orale de V^Auvergne,
(Paris, Maisonneuve)
Souchet. — Histoire du diocèse de la ville de
Chartres (Gamier, 1866-73, 4 vol. in-80).
Thiers (J.-B.), docteur en théologie, curé de
Champrond (E.-et-L.). — Traité des Superstitions,
(Paris, de Nully, 1704, 4 vol. in-12).
Vallerange. — Curiosités percheronnes et heauce-
. ronnes (L. Passard, 1861).
Vaugeois . — Mémoires de la Société des Anti-
quaires. (Tome III).
Chartes, Manuscrits et Mémoires divers.
^
TABLE ANALYTIQUE
DES
MATIÈRES CONTENUES DANS LE PREMIER VOLUME.
PREMIÈRE PARTIE.
Autrefois. — Aujourd'hui.
La Beauce ET LE Perche.
Les Beaucerons et les Percherons.
Types. — Mœurs. — Patois.
La Beauce préhistorique. — La grande cité des
Carnutes ; son étendue. — La Beauce du III« au
X Ville siècle. — Vicissitudes et esclavage des
paysans. — Cahiers de doléances de 1789. 17
Etendue de la Beauce au XVIII» siècle. —
Formation des départements — Unifica-
tion des races 25
Psychologie du Beauceron ; ses qualités,
ses défauts. — Les assemblées. — La louée
des domestiques de ferme. — Costumes. —
Mœurs 27
îjé T4?1,Ç ^^^LYTjQÇÇ
«^««^«. ta«
El^scpption du PçrcJ^e. — ^^ sup^ig^^^é
sur la Beauce. — Les aoûterons. — Psycho-
logie du Percheron ; ses qualités, ses dé-
fauts. — Les assemblées. — Costumes. —
Mœurs ^S
Patois Beauceron et Percheron. . . 44
DEUXIÈME PARTIE.
A Travers la vie Beauceronne et
Percheronne.
(Vieux Usages^, — Vieilles Supersiitionsi).
CHAPITRE I.
La médecine Religieuse : Souvenirs
Druidiques.
S I. £)g /^ Su^er^tifi^ ejf. gét^éxak : Elle re-
ï.VPfl\<^ à \a pius h^me ^^^^qv.Hé.
^s Beaucçrqps et Içs Perçiiero^ç.s^
sont restés, en fait de ^^pçrs^-
tion, les dignes fils desCarnute^. 51
S II. ÇvMe des Fotitams : ilites en Thon-
aeur des uymphe3 et des di^u»/—
Le christianisme consacre le§ fo^i-
TXBLB ANALYTIQUE 357
taities à là prière: — SdurcèS sabrées
répcitées fîvoi-ables iux fiétretlx et
aux enfants: En pays Chartrain ;
en pays Drouais ; en Orléanais ;
en pays Dunois ; dans le Perche Du-
nois ; dans le Perche Nogentais :
Mariettes : dans le Vendômois. —
Sources aveuglées. — Sources pro-
fanées. — Sources hantées. — Tra-
ditions et légendes qui s'y rat-
tachent. 56
; III. Culte des ^îkne's : On donne atix mo-
numents mégalithiques le nom de
pierres celtiques ou druidiques. —
Leur origine încëhaînë: — Rite clan-
destin delà Pierre-de-Chantecoq. —
Noms étranges des nombreux mé-
galithes épars dans la Beauce et
dans le Perche ; — Traditions et
légendes qui S'y rappbrtent: —
Pierres de Gargantua. Pierfes tour-
nantes. — Elles cachent des trésors.
— Leur disparition successive. . 77
§ IV. CUHè des Arbres : Caractère sacré de
la forêt Camuté. — Géants cohtem-
porains de 1 âge celtiqae : Les chênes
de La Loupe- de bdu^lflier^; de
c
^58 TABLE ANALYTIQUE
Manouyau, de Saint-Denis-des-
Puits ; le houx de rOrme. . . 95
Villes anciennes. — Camps Romains, —
Voies Romaines : Vestiges d'agglo-
mérations de Pépoque gallo-ro-
maine : La Maune, Sampuy, Al-
laines, AUonnes, etc. — Les camps
dits de César, de Plancus, de Sougé.
— Réseau de voies commerciales et
stratégiques. — Vastes souterrains
appelés Croth-aux-Fées, Grottes
des Vierges, des Sybilles. ... 99
CHAPITRE IL
La Médecine Religieuse (suite) : Saints
PROTECTEURS ET GUÉRISSEURS.'
f, I . Les Voyageuses : On invoque le pou-
voir des saints. — Saints apo-
cryphes. — Rôle et vertus particu-
lières des voyageuses. . . . 109
5 II. Le Berceau de saint Biaise: Vogue
dont jouit ce saint du XI« au XVin«
siècle. — Il guérissait l'aliénation
mentale, les maladies des enfants
et celles des bestiaux 113
TABLE ANALYTIQUE 359
S III. kA Chartres: Cathédrale: la Vierge
Noire, le Puits des Saints-Forts,
la Vierge du Pilier, nombreux
saints. — Eglise Saint-Brice. —
Chapelle Saint- Julien. — Les fers
de saint Léonard dans la chapelle
de l'Hôtel-Dieu. ..... 117
§ IV . Dans la Beauce et dans le Perche : No-
menclature alphabétique des difté-
rentes localités dans lesquelles les
saints sont l'objet de pèlerinages
ou de voyages. — Coutumes bi-
zarres. — Religion et superstition. 127
CHAPITRE III.
La Médecine empirique : Rebouteurs; Panseux
DE SECRETS ; ReMÈDES POPULAIRES.
§ I. Rebouteurs. — Renoueurs. — Rhahil-
îeurs : Affinité entre le toucheur,
le sorcier et le saint. — Célébrité
de la famille Goupil . — Les ber-
gers, les maréchaux-ferrants, les
tisserands étaient rebouteurs. . . 159
^11. Toucheur s : Marcous : Marcous et rois
»*
360 TABLE ANALYTIQUE
de France; -^ Régime imposé aux
scrofuleux par les Mareous . . . 165
'l III . Toticheurs : Guérisseux ; Panseux de se-
crets : Les secrets se transmettent
de père en fils chez les guérisseux.
— Paroles magiques ; signes caba-
listiques. — l'ormules diverses. —
Manière d'opérer pour guérir les
entorses, les brûlures, le mal de
dents, le mal d'écharpe. — Le char-
bon. — Les médecins aux urines :
jugeux d'eaux. — Les guérisseux
barrent le mal 168
IV, Somnawhuîes : Ix-s dormeuses ont
une clicinèk' aussi nombreuse
que confiante et naïve. — Leur
manière d'opérer. — Le coitipèfe.
■^ Les somnambules dé Vllquiéf,
de Bronville, d'Oysonville gué-
rissaient bêtes et gens. ... . 176
V. Visionnaires'. Martin de Gallardon. —
L'inconnu mystérieux. — Nom-
breuses apparitions. — Martin ques-
tionné par le Préfet, par le Ministre
de la police, par les Médecins, par
le Roi. — Ses prophéties . . . 180
'', VI. k'emcàes polmlair'ès. — Médecine cham-
pêtre : Nomenclature alpnabétique
des riidiik avec les rfehièdés em-
ployés. — Remèdes de B8hnes
feiiihles. -^ Pratiques supersti-
tieuses ...;..;. 188
CHÀPlîftË tV.
La Sorcellerie et la DiabLerie.
'^ I . Dé là Sorcellerie eh ore'nérâî : Ofi en
pane moins, indis oh y petite en-
core. — Sorcellerie et diablerie
vont de pair. — Le sdbbat. ^-
Frayeiir inspirée par les àorciers. 197
j IL Le Pouvoir des Sorciers : Les différentes
espèces de sorciers : caillebotiers,
courtiliers, grèleurs, noueurs d'ai-
guillettes, envoùteurs. — Les sour-
ciers découvraient les sources et les
trésors cachés. . ; .
III. Conjuration dès Sorts : Les bons sor-
ciers conjuraient \ts sbrts jetés par
les itiauvâis soi-cièf-s; -^ Talismans
bu drtiiilëttès. — Forrhulêi tiia-
giquël. ~ Ftïèrëi et néùviihcs. —
204
362 TABLE ANALYTICUE
Les sorciers envoûteurs . La messe
du Saint-Esprit 212
§ IV. Les Loups-GarousiTransformâtion des
sorciers en loups. — Les meneurs
de loups. — Courir le garou. —
Moyens employés pour faire cesser
l'enchantement d'un loup-garou. 217
§ V . Histoires de Sorciers, de ^Démons et de
LoupS'Garous : Le sorcier de Fave-
rolles. — Les granges de Russay,
d'Ymonville et de Fresnay-l'E-
véque. — Le sorcier de La Loupe.
— Le diable à Gaubert. — La
Grotte du Mont-Chenu. — Le tré-
sor de l'étang de la Fonte. — Les
sorciers de Dourdan. — Nogent-
le-Rotrou maléficié. — Le loup-
garou beauceron 221
CHAPITRE V.
Le Monde fantastique.
§ L Les Fées : Un enfant a sa bonne ou
sa mauvaise fée. — On les croyait
immortelles, mais sujettes aux ma-
ladies et aux passions humaines.
— Leurs demeures préférées. —
TABLE ANALYTIQUE 363
Les ondines des fontaines. — Les
mauvaises fées des fontaines de
Barboton et de Sainville. . .241
§ IL Les Lutins : On les appelait aussi Far-
fadets. — Etres capricieux, ni
hommes, ni animaux. — Ils étaient
parfois malfaisants. — Leurs espiè-
gleries. ~ La tour de Montlandon . 248
;^ III. Les Follets : On les appelait encore
Fallots ou Flambas. — Ils volti-
geaient devant les gens et les con-
duisaient vers des précipices. —
Moyens employés pour s'en débar-
rasser. — Le follet dans les écuries. —
Méfaits attribués aux feux-follets. 253
CHAPITRE VI.
Coutumes. — Traditions — Superstitio.« s
DIVERSES.
5 I . Coutumes religieuses : Honteux trafic
de reliques incertaines ou fausses.
— Oraisons superstitieuses. — La
Patenôtre blanche. — Incantations
pour guérir les maladies de la vue,
le mal de dents. — Superstitions
relatives à la messe de minuit. . 259
364 tÀBLJE ÀkÂLYtli^bÈ
' II. CDutumeS: — Croyances. — T^ètous :
• jo Sur rhômme: — ^ 2«> Sûr les
animaux. — 30 Siir les àl-brcs et
les plantes. — 40 Sur les météores.
— 5" A bâtons rompus. . . 267
' III. I^55Mniow5;Un sobriquet se disait une
grade. — Sobriquets donnés aux ha-
bitants des provinces, des pàîôisses.
— Légende sur les gens de M.. —
Qjacîques surnoms donnés aux gens. 300
[] IV. La Chance. — L^s Trésugts. — Les
Sonores : Influence prêtée au temps
tt aux nombres: — Le vendredi
et le 1 3 . — Dicton sur les jours
heureux et malHearettx. — Inter-
prétation des songes relatifs au so-
leil, à la lune, aux étoiles. . 304
'' V. Coutumes. — Fêles. — Divertisse-
ment s : La Fête des Rois. — Les
Brandons. — Feu de Saint-Jjan. —
Mardi-Gras. — Pâques: ~ Grb^ses
gerbes. — La Fête à boudiii: —
La joute aux coqs. -^ Viatique. —
Processions amoùlatoirès. — La
Procession des Bergers : àilcîèns
Nol'Is bcîtùcerons . — Les Cjh-îllo'ns . 312
f-
#11^^^
~li_iii>i_^ ^> — -"^ ~
TARLE DES. MATIERES
py PRÇMIpR YPLyME.
AVANT-PROPOS.
PREMIÈRE PARTIE.
Autrefois. — Aujourd'hui.
La Beauce et le Perche.
Les Beaucerons et les Percherons.
Types. — Mœurs. — Patois. . 17
DEUXIÈME PARTIE.
A Travers la Y^^ Beauceronne
et Percheronne.
{Vieux Usages, — Vieilles Superstitions.)
Chap. 1. — La Médecine Religieuse : Sou-
venirs druidiques. ... 51
Chap. II. — La Médecine Religieuse (suite) :
Saints protecteurs et guéris-
seurs. 109
366 TABLE DES MATIÈRES
Chap. III. — La Médecine Empirique : Re-
bouteurs, Panseux de secrets,
Remèdes populaires. . . 159
Chap. IV. — La Sorcellerie et la Diablerie. 197
Chap. V. — Le Monde fantastique. . . 241
Chap. VI. — Coutumes — Traditions. —
Superstitions diverses . . . 259
Principaux ouvrages cités ou consultés pour les
référemes ..351
Table Analyticlue des matières contenues
dans le premier volume 355
Vannes. — Imp. Lafolye Frères.